Pour ou contre la réforme de l’orthographe ?

Numéro 1

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La réforme de l'orthographe ; c'est quoi ?
La « réforme de l’orthographe » dont on parle en ce moment provient en fait d’un rapport du Conseil supérieur de la langue française, publié au journal officiel le 6 décembre 1990, et intitulé LES RECTIFICATIONS DE L’ORTHOGRAPHE.
L’Académie a toutefois précisé dans un communiqué qu’il ne s’agissait pas d’une « réforme » de l’orthographe, mais que cette rectification de l’orthographe proposait une deuxième orthographe aux mots, sans caractère obligatoire, et que l’ancienne orthographe restait acceptée.

Pourquoi en parle-t-on en ce moment ?
La réforme de l’orthographe date de 1990 ; alors pourquoi en parle-t-on seulement maintenant ?
Un texte du Ministère de l’Education nationale a rappelé que cette réforme existait déjà, et appelait les manuels scolaires à utiliser cette rectification pour la rentrée 2016. Ce texte a déclenché un débat médiatique sur l’orthographe.

Qu'est-ce qui change avec cette rectification ?
Les changements d’orthographe portent principalement sur 4 points :

  1. De nombreux mots avec un accent circonflexe seront désormais acceptés sans accent (comme bruler, paraitre, etc.) sauf lorsque cela peut induire une confusion, comme dans le cas de mûr, fût, jeûne, etc. Il en est de même pour le tréma.
  2. Des mots avec un tiret peuvent désormais s’écrire sans, comme chauvesouris, millepatte, ou portemonnaie.
  3. Certains verbes qui ont une double consonne, n’en prendront désormais qu’une avec un -è, comme « il nivèle », « il ruissèlera » et le « ruissèlement », qui prenaient auparavant deux L.
  4. Enfin, certains mots composés verront leur pluriel simplifié : des garde-fous ou des sans-abris (à la place de « des garde-fou » et « des sans-abri ») sont désormais acceptés.

Enfin, à la marge, certains mots voient leur orthographe modifiée, comme « nénufar », qui s’écrivait de cette manière avant une erreur d’étymologie.
Au final, ce sont plus de 2400 mots qui voient leur orthographe modifiée.

Comment sont définies les règles de l'orthographe ?
Le français est une langue utilisée par plusieurs pays. L’Académie française rappelle que le français est une langue vivante est que « l’usage » doit en être le seul législateur. Dans les faits, un Conseil supérieur de la langue française, rattaché à l’Académie française, propose des réformes ou rectifications de la langue française. Ces rectifications ont également été proposées et acceptées par le Conseil de la langue française du Québec et du Conseil de la langue de la Communauté française de Belgique.

Numéro 2

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LE « POUR »

Pour la réforme de l'orthographe

Billet rédigé par :

Michèle LENOBLE-PINSON

Membre du Conseil international de la langue française (CILF, Paris)
http://www.orthographe-recommandee.info/

D’abord, l’orthographe n’est pas la langue. Elle est le vêtement de la langue ou un outil au service de la langue. Les œuvres de Montaigne, de Molière et de Bossuet sont écrites en français. Elles le restent aujourd’hui alors que les éditeurs en ont modernisé les graphies. Rénover un peu l’orthographe, ce n’est donc pas assassiner la langue, ni l’appauvrir, ni la simplifier, ni opérer un nivèlement par le bas puisque l’on ne touche pas à la langue, on touche seulement à son vêtement.

Ensuite, les rectifications de 1990 montrent une évolution de l’usage, et non une révolution. Le français n’est pas une langue morte comme le latin, c’est une langue vivante, il est normal que son ou ses usages évoluent. La prononciation, le vocabulaire, la terminologie, la féminisation des noms de professions évoluent. Les réformes font partie de l’évolution des usages de la langue.

Une saine évolution. Au cours des siècles, l’orthographe a accumulé des anomalies et des irrégularités. L’Académie française propose de mettre fin à certaines d’entre elles. Pourquoi « bonhomme » et « bonhomie », « vingt-deux » et « cent deux »? Pourquoi « un porte-avions » sans avion ? Les rectifications touchent environ 2000 mots, et souvent le changement ne concerne qu’un accent. Si toutes étaient appliquées, elles toucheraient en moyenne moins d’un mot par page. Et souvent la réforme se réduit à modifier soit un accent aigu qui ne correspond plus à la prononciation (allégement peut s’écrire allègement), soit un accent circonflexe sur le i ou le u lorsque celui-ci n’apporte pas de nuance indispensable (maître peut s’écrire maitre, coûter, couter). Ces modifications correspondent en grande partie à l’évolution naturelle de la prononciation et des graphies. On eût pu souhaiter une mise en ordre plus ample.

Enfin, le temps scolaire consacré à l’enseignement de l’orthographe traditionnelle pourra être réduit au profit d’autres aspects de la langue.

Que retenir?

Les graphies rectifiées correspondent à des variantes orthographiques. Aux 3000 variantes traditionnelles, du type clef ou clé, il payera ou il paiera, s’ajoutent 2000 variantes nouvelles. C’est tout.

L’inquiétude n’est pas de mise. La langue n’est pas touchée. Les rectifications ne sont pas imposées. L’orthographe traditionnelle reste valable. Aucune des deux graphies ne peut être tenue pour fautive. Pendant un temps indéterminé, les deux orthographes auront à coexister.

LE « CONTRE »

Une langue vivante évolue d’elle-même

Billet rédigé par :

Dr Renaud MUSELIER

Ancien Ministre, Député Européen, Président délégué de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Président du Comité Régional du Tourisme
http://www.renaudmuselier.fr

La réforme de l’orthographe veut adapter et faciliter l’usage du français par rapport aux habitudes contemporaines.

Selon moi, il ne revient pas au Ministère de l’Éducation nationale actuel de déterminer les règles en vigueur dans la langue française. N’oublions pas que c’est l’Académie française, qui a d’ailleurs manifesté son désaccord face à cette réforme, qui est seule à même de modifier la langue française en fonction de l’évolution des usages. En voulant simplifier la langue et l’adapter aux besoins actuels, la réforme de l’orthographe porte pour moi en elle beaucoup trop de paradoxes. C’est par les usages qui en découlent, constatés a posteriori par l’Académie française que l’orthographe pourra à mon avis être modifiée.

En plus d’imposer l’évolution de la langue, elle menace la francophonie et comporte bien malheureusement de nombreuses incohérences. En effet, vouloir réformer l’orthographe, c’est ignorer l’essence même d’une langue vivante qui évolue naturellement d’elle-même. Le postulat même d’une réforme de l’orthographe pose donc, à mon sens, problème dans la mesure où elle ne vient pas constater puis formaliser une pratique, mais prétend au contraire en imposer une toute nouvelle.

Cela comporte le risque que non seulement les nouvelles règles ne s’appliquent pas partout de la même manière, mais qu’également l’écriture du français se trouve déstabilisée profondemment et durablement. La menace d’une telle réforme imposée est que la langue française « simplifiée » se voie finalement complexifiée par des pratiques radicalement différentes d’un pays francophone à un autre, voire même d’une région française à une autre. Dans l’abondance de variantes, légitimées ou non, le francophile qui souhaiterait apprendre et pratiquer le français se trouverait sans doute tout autant destabilisé et il en serait terminé de l’universalité de la langue française.

Enfin, La richesse d’une langue reflète la subtilité d’une pensée. La simplification de la première influe sur la deuxième. Il me semble qu’une réforme de la langue est implicitement accompagnée d’un projet politique visant à encourager ou bien défavoriser le développement d’une pensée propre et critique. Cette réforme pourrait donc aller vers une pensée plus pauvre.

En somme, même si l’intention est peut-être bonne, la réforme proposée aujourd’hui risque d’être inéficace et de nuire à l’utilisation et au rayonnement de la langue.

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