Allocations chômage : doivent-elles être dégressives ?

Pole emploi chomage

Numéro 1

S’informer

Que sont les allocations chômage et quelle est la règle aujourd'hui ?
Ce que l’on appelle les allocations chômage sont en réalité l’Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), qui est distribuée par l’Unedic.

Aujourd’hui, selon Pôle emploi, cette allocation est calculée sur le salaire des 12 derniers mois, primes comprises. Elle est égale à 57 % de ce salaire, ou 40,4 % + 11,76 € journaliers, selon ce qui est le plus favorable.

L’ARE est versée de manière fixe, mensuellement, sur une durée calculée en fonction de l’âge et de la durée de cotisation, et pouvant aller jusqu’à 24 mois pour les moins de 50 ans, ou jusqu’à 36 mois pour les plus de 50 ans.

Ont-elles déjà été dégressives par le passé ?
Oui ! Si les allocations chômage sont fixes aujourd’hui en France, elles ne l’ont pas toujours été.

De 1986 à 1992, les allocations étaient dégressives par paliers successifs. Puis, de 1992 à 2001, l’allocation diminuait mensuellement.

Depuis 2001 en France, les allocations sont fixes.

Qu'en est-il des autres pays européens ?
Selon une étude réalisée en avril 2015 par l’Unedic sur 15 pays européens, les allocations sont dégressives dans 6 pays (Espagne, Italie, Portugal, Pays-Bas, Belgique, et Suède). Elles sont fixes dans 7 pays (France, Luxembourg, Suisse, Allemagne, Danemark, Norvège, Finlande), et 2 pays adoptent un autre système (la Grande-Bretagne et l’Irlande) où les allocations sont versées sous forme de forfait.

Pourquoi on en parle en ce moment ?
Le 22 février se sont ouvertes les négociations sur la convention de l’Unedic, qui arrive à échéance en juin 2016, et qui définit notamment les règles d’indemnisation des chômeurs. Cette convention est négociée par les partenaires sociaux.

Or, l’Unedic est en déficit : 4,4 milliards d’euros de perte en 2015, pour une dette cumulée de 25,8 milliards d’euros (fin 2015).

Plusieurs membres du gouvernement, comme Myriam El Khomri ou Michel Sapin, ont évoqué la dégressivité des allocations chômage comme une piste pour réduire le déficit de l’Unedic.

Numéro 2

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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

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LE « POUR »

"Une mesure juste et nécessaire"

Billet rédigé par :

Brigitte Kuster

Maire du 17e et porte-parole nationale Les Républicains
http://www.brigittekuster.fr/

La dégressivité des allocations-chômage est une mesure juste et nécessaire, mais à condition qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une politique vraiment volontariste pour l’emploi.

Mais une fois encore, le gouvernement ouvre un débat somme toute annexe, qui relance et alimente les polémiques incessantes au sein de la majorité, et perd de vue l’essentiel.

La dégressivité des allocations-chômage que propose François Hollande – après en avoir formellement exclu le principe en 2014 ! – n’a de sens que si la mesure vient compléter et amplifier une politique d’incitation à la création d’emplois, dont on connaît les principales orientations :

  • suppression des 35 heures,
  • baisse massive des charges salariales,
  • exonération de cotisations patronales à l’embauche pour les TPE et PME,
  • instauration d’une procédure de licenciement simplifiée,
  • relèvement drastique des seuils sociaux,
  • promotion de l’apprentissage comme voie d’entrée des jeunes dans l’emploi,
  • simplification du code du travail,
  • rénovation du dialogue social,
  • etc.

Sans tout cela, la mesure n’a qu’un effet très limité sur un marché du travail qui, faute d’avoir été profondément réformé, n’offre aucun réel débouché.

Inciter un chômeur à retrouver au plus vite un emploi est une excellente chose ; encore faut-il qu’il y ait des emplois correspondants à pourvoir.

Alors que le chômage est à son plus haut (3,6 millions de chômeurs inscrits en catégorie A et plus de 5 millions toutes catégories confondues), le projet du gouvernement répond finalement à une autre urgence : contenir les déficits abyssaux de l’assurance-chômage (près de 30 milliards de dette en 2016).

A défaut de parvenir à inverser la courbe du chômage, le gouvernement projette de réduire l’indemnisation des chômeurs.

Toujours plus nombreux, mais moins bien indemnisés : voilà l’équation hasardeuse qui permettrait de sauver le système.

Le gouvernement se livre en réalité à une énième opération de colmatage destinée à empêcher le navire France de sombrer. Mais pour combien de temps ?

LE « CONTRE »

"L'illusion est totale"

Billet rédigé par :

Le Parti communiste français


http://www.pcf.fr/

Réactualisée par le Président lors de ses vœux pour 2016, l’hypothèse d’une dégressivité des allocations chômage est à notre avis une fausse solution démagogique qui ne réglera pas la question du chômage en France et encore moins celle de l’emploi. Plusieurs raisons à cela.

Raison 1 : Certains considèrent que notre système d’indemnisation des chômeurs est « un des plus généreux d’Europe ». Ils omettent généralement de rappeler que seulement 43,3% des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi sont indemnisés, que le montant moyen d’indemnisation en France est de 1100 euros et que de nombreux demandeurs d’emploi perçoivent moins de 987 euros, c’est-à-dire le seuil de pauvreté. Que d’autres systèmes d’indemnisation en Europe couvrent effectivement encore moins bien les chômeurs est un fait. Mais le système français n’est pas pour autant « généreux ». D’autant qu’il laisse près de 2 000 000 de chômeurs sans réelle indemnisation.

Raison 2 : L’argument de la dégressivité des allocations repose sur une idée : les chômeurs resteraient au chômage parce qu’indemnisés. Réduire l’indemnisation les ramènerait donc vers l’emploi. L’illusion est totale. D’abord, l’INSEE l’a montré dans un article de 2001 (Économie et statistique n°343), la dégressivité des allocations n’est pas un mécanisme incitatif efficace pour le retour à l’emploi des chômeurs. Pire, elle peut être un frein au retour à l’emploi ! La conclusion de l’étude est sans appel : « Ainsi, la dégressivité, telle qu’elle a été mise en œuvre de 1992 à 1996, aurait ralenti le retour à l’emploi. » Ensuite, il ne faut pas confondre disparition des statistiques du chômage et retour vers l’emploi… Retrouver un emploi implique qu’il y en ait ! Avec 3.6 millions de chômeurs de catégorie A et une révolution informationnelle et numérique qui supprime plus d’emplois qu’elle n’en crée, ce n’est pas gagné. Et ce, malgré les 300 000 offres d’emplois non pourvus recensées.

Raison 3 : Certains se sont engouffrés dans la brèche pour répondre au défi du déséquilibre des comptes de l’UNEDIC. La dégressivité des allocations chômage serait le Graal pour restaurer les comptes de l’institution. L’argument ne tient pas. On l’a vu pour d’autres sujets, réduire les dépenses ne restaure pas les déséquilibres financiers si les recettes ne suivent pas. C’est valable pour les institutions publiques comme privées d’ailleurs. Si l’on veut résorber les déséquilibres financiers de l’UNEDIC, il faut jouer sur le levier des recettes. Car l’UNEDIC ne souffre pas d’une dépense excessive, mais d’une insuffisance de recettes dont l’origine est imputable, à la fois, au développement de la précarité de l’emploi et à la faiblesse des créations d’emplois stables correctement rémunérés dans le pays. Rappelons, par exemple, que le recours systématisé aux emplois précaires et aux ruptures conventionnelles ont coûté respectivement à l’assurance chômage 9,2 milliards et 5 milliards d’euros.

La dégressivité des allocations chômage est donc un leurre. On pourra toujours essayer de forcer les chômeurs à sortir des statistiques du chômage, ils n’en resteront pas moins chômeurs et précaires si leur sortie ne passe pas par la case « emploi stable ».

Le réel est comme ça, les choses existent même si on ne veut pas les voir.

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