GPA : image d'illustration
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Pour ou contre la GPA ?

📋  Le contexte  📋

La GPA signifie « Gestation pour autrui ». En général, une mère porteuse porte l’enfant d’un couple, appelé « parents intentionnels » qui fournit un ou plusieurs embryons.
La mère porteuse reçoit donc un embryon, qui se développe en elle. A la naissance, elle remet l’enfant au couple de parents intentionnels.

Les parents intentionnels peuvent être les parents biologiques de l’enfant, mais pas dans tous les cas ; ils peuvent avoir recours à un don de gamètes, et/ou d’ovocytes pour la conception de l’embryon.

La mère porteuse peut être rémunérée pour porter le futur enfant (on parle alors de « GPA lucrative ») ou pas (on parle alors de « GPA altruiste »).

La situation légale de la GPA est très variée d’un pays à l’autre.

Les lois de bioéthiques de 1994 réglementent la GPA pour la France. Elles précisent que la gestation pour autrui est interdite en France et pour les citoyens français.

La carte ci-dessous représente les différents cas de figure :

  • en rouge les pays où la GPA est interdite
  • en rose les pays où la GPA n’est autorisée qu’entre personne de la même famille (jusqu’au deuxième degré)
  • en bleu ciel les pays où elle la GPA altruiste est légale (la mère porteuse n’est pas rémunérée)
  • en bleu foncé les pays où les GPA altruiste et lucrative sont légales (la mère porteuse peut être rémunérée)
  • en gris les pays où la législation sur la GPA est inexistante ou incertaine

Etat des législations sur la GPA dans le monde Etat des législations sur la GPA dans le monde (à jour début 2016)

Le débat sur la GPA existe dans de nombreux pays depuis que la technique existe.

Cependant, le débat a pris de l’ampleur récemment en France avec le cas de couples de parents intentionnels français ayant eu recours à la gestation pour autrui à l’étranger. En juin 2014, la Cour européenne des Droits de l’Homme (la CEDH) a rendu un arrêt obligeant la France à reconnaître comme Français l’enfant de parents Français ayant eu recours à la GPA à l’étranger.

Cet arrêt a été confirmé par la Cour de cassation le 3 juillet 2016.

En réaction, le collectif la Manif pour tous a appelé à manifester en France le 16 octobre 2016 pour relancer le débat sur la GPA et la PMA (Procréation médicalement assistée).

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Dominique Mennesson
Co-président de l’Association C.L.A.R.A.
GPA : arrêter les fariboles apocalyptiques, revenir à la réalité

La « Gestation Pour Autrui » est une technique médicale clairement définie et reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé comme une procédure d’Assistance Médicale à la Procréation (AMP)[i] : elle est donc loin de l’image négative véhiculée par certains, elle s’articule autour des notions de don et de vie. Grâce à l’aide d’une femme, elle permet à un couple infertile de sortir d’une situation de souffrance et de devenir parents. Depuis 1984, année de la première GPA, plus de 70 000 enfants sont nés par cette méthode et plus de 400 études cliniques y ont été consacrées dans les pays où un encadrement légal a été mis en place. Elles démontrent un développement psychosocial des enfants équivalent voire supérieur aux autres[ii], une motivation principalement altruiste des gestatrices[iii], et dans la majorité des cas, une transparence totale vis-à-vis des enfants sur l’histoire de leur naissance.

Il existe ainsi une GPA éthique, réalisée dans de bonnes conditions, et avec le consentement de chacun, où tous les droits de tous les protagonistes sont respectés. Contrairement à l’idée véhiculée par ceux qui voudraient que rien ne change, les pratiques de GPA ne sont pas des cas isolés se pratiquant dans quelques rares pays. Au contraire, elles sont autorisée dans une majorité de pays au monde[iv], et la tendance législative continue depuis dix ans est d’encadrer les pratiques et non de les prohiber comme en France. C’est la prohibition actuelle en France qui pousse les couples à se rendre dans des pays où la gestation pour autrui n’est pas toujours encadrée, et donc à s’exposer potentiellement à des dérives commerciales, à du chantage affectif voire à des problèmes médicaux, et dans tous les cas à des problèmes très complexes de filiation.

Notre association regroupe 2500 adultes qui réfléchissent à avoir ou ont eu recours à la GPA à l’étranger. Ces familles élèvent environ 700 enfants nés par GPA à l’étranger, à 99% aux USA et au Canada. Notre association met en garde les couples sur les risques associés aux pratiques dans des pays sans cadre légal ou sans droit du sol. Elle déconseille vivement les pratiques réalisées sur le sol français à causes des risques inhérents à l’illégalité et à la clandestinité qui mettent en péril enfants et parents.

Si la prohibition de la GPA en France s’applique par des dispositions pénales envers les intermédiaires et les médecins qui y participent, et les parents en cas de simulation ou dissimulation à l’état civil, il faut rappeler que contrairement à ce qui est souvent dit, il n’existe pas de texte législatif qui interdise l’établissement ou la reconnaissance en France de la filiation, y compris par adoption, d’un enfant né à la suite d’une convention de gestation pour autrui. La loi reste totalement silencieuse sur ce point. C’est ainsi que ce vide législatif interprété à tort par la cour de cassation a été comblé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a condamné la France en juin 2014 pour ne pas avoir reconnu la filiation d’enfants nés par GPA.

Certains ont tenté de minimiser la discrimination que subissaient ces enfants dans leurs droits en évoquant leur prétendue souffrance qui serait la conséquence inéluctable de la séparation du nourrisson et de la femme qui les ont portés. Il est d’ailleurs symptomatique que les seuls éléments apportés pour soutenir cet argument ne proviennent pas de ces enfants, mais d’autres exprimant leurs expériences négatives d’enfants adoptés ou issus d’un don de sperme au travers de problématiques qui ne peuvent pourtant pas se transposer à la GPA (l’absence de lien génétique ou l’anonymat par exemple). A l’inverse, toutes les études comparatives, avec un recul aujourd’hui de 25 ans sur le développement psycho-social des enfants confirment l’absence de différence entre les enfants nés par Gestation Pour Autrui et les enfants conçus sans recours à l’AMP. Il semblerait donc que les enfants nés par GPA sont psychologiquement plus solides que la moyenne, parce que le désir de leurs parents a été un facteur déterminant dans leur venue au monde ; il est le reflet de celui du couple qui a dû subir les épreuves d’un parcours psychologique et médical très lourd.

Des accusations outrancières d’esclavagisme et d’achat d’enfant sont souvent agitées pour jouer sur le registre de la peur. Elles ne sont pas nouvelles et ont été introduites par l’avocat militant anti-avortement Harold Cassidy lors de la célèbre affaire Baby M en 1986 relative à une pratique qui a préfiguré la GPA, la procréation pour autrui (les mères porteuses « à l’ancienne »). Dans toutes les affaires de GPA où ces accusations ont été à nouveau proférées, elles ont toujours été invalidées par les juges dans le monde entier. En France, les associations catholiques intégristes ont repris exactement les mêmes arguments mensongers pour attaquer la circulaire Taubira de janvier 2013 et le Conseil d’état les a intégralement déboutées le 12 décembre 2014. Comment peut-on croire un seul instant que des grandes démocraties comme les USA, le Canada, l’Angleterre par exemple aient pu voter des lois autorisant la GPA si elles violaient l’interdiction de l’esclavage et de la vente d’enfants qui font partie des principes humains essentiels, que d’ailleurs elles ont institutionnalisés pour la plupart avant le France ?

L’idée d’une convention internationale suscite de l’intérêt  chez différents camps, mais elle ne peut résulter que d’un consensus entre les pays. Or, un simple examen de la réalité démontre que les pays (au niveau mondial ou européen) interdisant toute forme de GPA sont en minorité face à ceux nombreux qui l’autorisent et l’encadrent. Ainsi les travaux de la Conférence internationale de La Haye démarrés en 2010 démontrent qu’il y a un double consensus pour, d’une part, ne pas interdire la GPA au niveau international mais pour définir un ensemble d’exigences éthiques minimal à respecter, et d’autre part mettre en place des outils de reconnaissance mutuelle de l’état civil des enfants nés par GPA.

Ensuite, quels sont les vrais enjeux d’une coopération internationale ? La majorité des GPA se font dans des pays disposant d’un cadre légal (USA, Canada, Angleterre, Israël…) où l’expérience acquise démontre une quasi absence de ces problèmes[v] qui fait contraste avec les multiples conflits de reconnaissance de l’état civil quand des enfants nés dans ces contrées rentrent avec leurs parents dans leur pays, avec pour conséquence une atteinte aux droits fondamentaux de ces enfants.

Bien que la GPA soit très différente de l’adoption, la comparaison en matière d’outils de régulation internationale est pertinente. La convention internationale sur l’adoption a permis de faciliter les démarches et la reconnaissance en matière d’adoption internationale entre les pays qui ont choisi de mettre en place un ensemble de règles visant à protéger les enfants d’éventuelles dérives. Ce n’est pas la prohibition de l’adoption qui a permis de lutter contre les dérives, mais bien la mise en place d’outils internationaux qui ont abouti à l’entrée en vigueur de cadres légaux protecteurs dans les pays qui n’en n’avaient pas, et au développement d’une meilleure coopération internationale.

C’est cette voie de la régulation que nous soutenons, plutôt qu’une prohibition utopique et de toute façon contre-productive.

[i] The International Committee for Monitoring Assisted Reproductive Technology (ICMART) and the World Health Organization (WHO) Revised Glossary on ART Terminology (Human Reproduction, 2009) – [ii] Lire les études faites par l’équipe de Susan Golombok, Center for Family Research, Cambridge University, UK. – [iii] Lire Birthing a Mother: The Surrogate Body and the Pregnant Self (Elly Teman, University of California Press, 12 février 2010) – [iv] IFFS Surveillance 2010 (International Federation of Fertility Societies, Howard W. Jones, Jr., Ian Cooke, Roger Kempers, Peter Brinsden and Doug Saunders, Fertility and Sterility Vol. 94, No. 4, 13 septembre 2010) – [v5] Surrogacy : outcomes for surrogate mothers, children and the resulting families — a systematic review (Viveca Söderström-Anttila,Ulla-Britt Wennerholm, Anne Loft, Anja Pinborg, Kristiina Aittomäki, Liv Bente Romundstad, and Christina Bergh, Human Reproduction Update, Vol.21, No.4 pp. 1–17, 2015, vendredi 9 octobre 2015)

Le « Contre »
Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes - CLEF
La CLEF représente les associations féminines et féministes françaises au sein des instances du Lobby Européen des Femmes.
GPA : le corps des femmes n'est pas à louer

De nos jours, les formes alternatives aux grossesses naturelles connaissent une augmentation croissante.

La gestation pour autrui ou GPA, qui implique la conception médicale et scientifique d’un embryon par fécondation in vitro, qui sera réintroduit dans l’utérus d’une mère porteuse chargée de « couver » le fœtus pendant 9 mois, est une technique largement répandue à travers le monde.

Certains pays comme le Royaume Uni, les États-Unis et les Pays-Bas ont légiféré et établi une distinction entre la « GPA altruiste » où il n’y a aucune transaction monétaire et la « GPA commerciale ».

Cependant on observe des dérives, dans ces pays où la législation sur la GPA altruiste est détournée à des fins commerciales, ce qui aboutit au développement d’un marché noir et au trafic d’êtres humains.

Nos arguments contre la GPA

La CLEF (Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes) s’oppose fermement à la GPA.

La CLEF assimile la GPA à une commercialisation du corps des femmes et des enfants. La GPA représente une menace pour les droits fondamentaux et l’intégrité physique des femmes.

Le corps n’est pas une marchandise et par conséquent il ne peut être acheté, vendu ou prêté. La dignité des individus est ainsi remise en cause par l’utilisation de leur corps comme un bien qui peut se monnayer.

L’argument médical est également à prendre en considération.

La grossesse n’est pas un état anodin. Être enceinte comporte des risques puisqu’il peut y avoir des complications avant et pendant l’accouchement. Ces mères porteuses se mettent donc potentiellement en danger.

L’industrie croissante de la GPA repose largement sur des structures de pouvoir asymétriques entre pays en développement et pays développés et exploite donc les femmes économiquement pauvres.

La GPA permet aux populations des pays riches occidentaux d’exploiter la détresse des populations les plus pauvres des pays en développement. Ces femmes vulnérables sont maintenues dans une situation de précarité.

Ainsi, ignorer cette réalité, c’est consentir à la perpétuation d’un modèle consumériste où le corps féminin est une marchandise.

La GPA entérine un système dont l’exploitation se nourrit des plus économiquement vulnérables.

En effet, d’après l’Alliance Internationale des Femmes (IWA), le prix d’une GPA en Inde est divisé par deux par rapport aux prix pratiqués dans les pays occidentaux.

Le prétexte qui affirme que la GPA promeut le libre arbitre et la liberté de disposer de son corps  est irrecevable. Une relation entre une personne ou un couple disposant de l’argent et une autre, même « consentante », en ayant besoin, ne relèvera jamais de la liberté.

La grande majorité des femmes qui « louent » leurs corps, sont exploitées et mal informées, elles sont privées de leur liberté et n’ont aucune maîtrise.

Selon une étude menée en 2014 sur les mères porteuses de la clinique « Anand » à Gujarat, en Inde, 50% des mères porteuses étaient analphabètes, ce qui révèle l’impuissance de ces femmes. Comme l’a écrit le Lobby suédois des femmes en 2014, la croissance de l’industrie de la GPA marque « un renouveau du servage pour les femmes ».

On peut établir un lien entre ces arguments et les arguments utilisés contre la prostitution réglementée dans laquelle la sémantique est similaire, à savoir que le corps humain ne peut être traité comme une marchandise.

Depuis 1994, en France, la GPA commerciale ou altruiste est illégale en vertu de l’article 16-7 du Code Civil.

Cependant, aucune législation n’empêche les citoyens français de voyager à l’étranger pour réaliser une procédure de GPA.

En 2013, le conseil d’Etat a validé la circulaire Taubira qui facilite l’attribution de la nationalité française aux enfants nés de mères porteuses à l’étranger.

Fin 2015, le Parlement européen a adopté une résolution importante sur la garantie des droits humains dans le monde entier. Cette résolution appelle à une action de l’Union européenne via la Commission européenne concernant la protection des droits des femmes et des filles.

Le Parlement européen « condamne la pratique des mères porteuses, qui porte atteinte à la dignité humaine de la femme dans son corps et ses fonctions de reproduction utilisés comme une marchandise » et considère cette question comme une urgence mondiale.

Néanmoins, la CLEF approuve la procréation médicalement assistée (PMA) comme alternative à une grossesse naturelle et soutient la fécondation in vitro également pour les couples lesbiens.

La CLEF considère les droits sexuels et reproductifs comme des droits fondamentaux et inaliénables mais remet en cause l’achat ou la vente de l’accès au corps d’autrui qui revient à autoriser l’instauration, et l’exploitation, d’un rapport de force, en l’occurrence marchand, dans la maternité.

La CLEF espère que cette position ferme pour la protection des droits sexuels et reproductifs se manifestera dans les lois européennes et inspirera d’autres pays à prendre des mesures contre cette procédure abusive.

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