Pour ou contre le plafonnement des indemnités prud’homales ?

Prudhommes
Crédit photo : ActuaLitté

Numéro 1

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Qu'est-ce que sont les indemnités prud'homales ?
Aujourd’hui, quand un employé fait l’objet d’un licenciement normalement causé, il a le droit à des indemnités qui sont soient légales, soit prévues par les conventions collectives. Elles sont aussi calculées en fonction de l’ancienneté.

A côté de cela, le travailleur a le droit à des indemnités de « préavis » et à des congés payés.

Quand l’employé conteste le motif (pour non sens), il peut saisir la justice. Si le juge du Conseil des Prud’hommes « valide » la contestation, il va allouer à l’employé (en plus des indemnités légales) des indemnités sous la forme de dommages et intérêts en réparation du préjudice que fait subir la rupture du contrat de travail à l’employé (chômage du à une cause non valable). Ce sont les indemnités prud’homales.

Et le plafonnement ça change quoi ?

Après plusieurs échecs de projets de plafonnement par la loi Macron en 2015 puis la loi El Khomri de 2016 qui profitaient aux grands groupes selon le Conseil Constitutionnel, un nouveau projet apparaît avec les ordonnances visant à réformer le Code du Travail.

L’objectif ? Permettre aux employeurs de simuler au mieux le coût d’un licenciement en cas de saisie des Prud’hommes et encourager la conciliation au sein des entreprises afin de désengorger les tribunaux (source).

Avant, les indemnités n’étaient pas plafonnées : il n’y avait pas de maximum. Par exemple, dans une société qui compte plus de 11 salariés, un employé licencié avec 2 ans d’ancienneté pouvait bénéficier de l’équivalent de 6 mois de salaire minimum.

Avec les ordonnances de Macron, les tarifs ne sont plus les mêmes. Le juge pourra ainsi octroyer au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui sera plafonnée, c’est à dire inférieure à un maximum fixé par un barème spécifique.

Exemple : Pour les entreprises de plus de 11 salariés, le salarié ayant moins d’un an d’ancienneté aura un mois de salaire d’indemnisation maximum. Entre 1 an et deux ans d’ancienneté, ce sera deux mois maximum puis trois, quatre, cinq maximum..etc. Passé les 10 ans, c’est 0,5 mois de salaire par année d’ancienneté maximum.
Pour les TPE (moins de 11 salariés), le barème fixe également une indemnité minimale.

A côté de cela et pour compenser ce plafonnement, la Loi Travail prévoit de revoir à la hausse les indemnités légales de licenciement. Celles-ci passeront à 25% d’un mois de salaire par année d’ancienneté contre 20% actuellement (sauf dans le cas de certaines conventions collectives qui prévoient des indemnités de licenciement plus généreuse).

Autres sourceshttps://www.youtube.com/watch?v=_KERWSIZ288

Pourquoi on en parle en ce moment ?
Depuis la signature des ordonnances par le président fin septembre 2017, ce nouveau barème est déjà mis en vigueur. Il fait néanmoins toujours débat et a été fortement décrié par certains syndicats. On lui reproche de vouloir « limiter la réparation des préjudices en droit du travail » ou encore de ne pas prendre en compte les situations personnelles des salariés. Enfin, ils rappellent que « la réparation intégrale des préjudices est un des grands principes du droit » (source).

Pesons aujourd’hui le Pour et le Contre de cette nouvelle réforme.

Numéro 2

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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

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LE « POUR »

Equité et prévisibilité

Billet rédigé par :

Laurent PIETRASZEWSKI

Député LREM de la onzième circonscription du Nord

Je suis favorable à la création du barème de dommages et intérêts impératifs en cas de contentieux devant les prud’hommes car cette mesure garantit plus d’équité et de prévisibilité pour les employeurs comme pour les salariés. J’ai confiance en l’entreprise et en ses acteurs : patrons comme salariés. Il peut arriver que des licenciements surviennent mais les entrepreneurs ne procèdent jamais à un licenciement de « gaité de cœur ». L’entreprise n’est pas un lieu clos de conflits ou d’exploitation des uns envers les autres mais un lieu de coopération de l’ensemble des acteurs en vue de la réussite économique.

Je suis persuadé qu’il faut sortir de notre modèle de relations sociales antagonistes : l’instauration d’un barème pour les dommages et intérêts, barème calculé selon la moyenne des indemnités obtenues aux prud’hommes par les salariés, va contribuer à la conciliation, à la négociation. N’oublions pas que les jugements prud’homaux se rendent en moyenne dans un délai de 16 mois, c’est beaucoup trop long. L’incertitude est grande pour les salariés, c’est souvent une épreuve, des souffrances psychologiques et aussi pour les entreprises.

L’existence même des entreprises peut être remise en cause par une condamnation aux prud’hommes : ce sont tous les salariés, en particulier des TPE/PME qui peuvent voir leur emploi menacé.

De nombreux patrons de TPE/PME sentaient peser sur eux « une épée de Damoclès » liée aux incertitudes de l’impact économique des jugements prud’homaux, ce qui les rendaient très prudents sur les embauches. Certes, ce n’est pas le barème qui va créer immédiatement de l’emploi, ni même l’ensemble des dispositions prévues par les ordonnances, j’en suis conscient, mais je rencontre nombre de patrons de TPE/PME et je constate leur changement d’état d’esprit, le retour de la confiance préalable aux embauches.

L’existence d’un barème de dommages et intérêts impératifs est aussi une garantie pour les salariés car il existait des inégalités dans le traitement d’un même cas selon les juridictions prud’homales : les différences dans les indemnités obtenues pouvaient ainsi aller de 1 à 3.

Je rappelle que dans les cas relevant de la discrimination, du harcèlement ou portant atteintes aux libertés fondamentales du salarié, le juge décidera librement de la réparation en dehors de tout barème.

En conclusion, je suis favorable au barème de dommages et intérêts impératifs car je suis convaincu que c’est une réforme gagnants-gagnants : à la fois pour les entrepreneurs et pour les salariés.

LE « CONTRE »

La barémisation, une nébuleuse dangereuse…

Billet rédigé par :

Didier PORTE

Secrétaire Confédéral du Secteur Juridique de la Confédération Générale du Travail FORCE OUVRIERE
http://www.force-ouvriere.fr/

FORCE OUVRIERE est opposée à la tentative du gouvernement d’instaurer un plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce, pour de multiples raisons.

Une telle réforme vise à sécuriser le patronat en permettant de provisionner plus aisément le risque juridique. Le symbole que représente une condamnation devant le juge prud’homal sera écorné puisque les employeurs raisonneront désormais principalement en terme de coût (et non plus selon des considérations morales d’atteinte aux droits).

La règle deviendrait ainsi moins impérieuse puisqu’il suffira de provisionner le montant prévu par le barème pour se garantir le droit de transgresser la règle, sur le modèle du pollueur/payeur.

Par ailleurs, bien que nous n’ayons aucune indication sur le montant de ce plafonnement, nous craignons que le gouvernement tente de remettre en cause le plancher légal de six mois de salaire (montant minimal) pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté dans les entreprises de onze salariés ou plus.

Concernant le plafond (montant maximal), un montant trop faible constituerait un risque de sous-évaluation du préjudice et d’atteinte au principe de réparation intégrale, garanti par de nombreux textes.

Enfin, cette réforme démontre une véritable défiance à l’égard du juge puisque celui-ci est écarté dans sa fonction même de réparation réelle et adéquate du préjudice.

En raison de toutes ces considérations, FORCE OUVRIERE entend peser activement dans les concertations qui se déroulent sur ce sujet.

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