L’agriculture urbaine peut-elle nourrir la ville ?

Débat agriculture urbaine

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce que l'agriculture urbaine ?
Selon la définition de la FAO (l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’agriculture urbaine et périurbaine (AUP) consiste à cultiver des plantes et à élever des animaux à l’intérieur et aux alentours des villes.

Elle fournit des produits alimentaires de divers types de cultures (graines, plantes racines, légumes, champignons, fruits), des animaux (volailles, lapins, chèvres, moutons, bétail, cochons, cochons d’Inde, poissons, etc.), ainsi que des produits non alimentaires (herbes aromatiques et médicinales, plantes ornementales, produits forestiers, etc.).

Elle prend plusieurs formes dans l’espace public. On peut ainsi trouver des cultures sur les toits d’usine, des murs de magasins, des potagers sur les places de la ville ou encore dans des cours d’écoles. Certaines cultures peuvent également être réalisées dans des conteneurs spécifiques situés sur des parking, avec des techniques comme l’aquaponie.

Sources : FAO

Quelle utilisation dans le monde ?
Selon la FAO, 800 millions de personnes font de l’agriculture urbaine dans le monde.

Elle concerne surtout les foyers pauvres dans les pays en développement comme le Malawi, le Nigéria ou le Vietnam. Au Bangladesh, au Népal et à Madagascar, elle représente un tiers de la production du pays.

On en retrouve également dans les pays développés comme à Brooklyn (New York), au Québec ou encore à Paris.

Par ailleurs, la FAO estime que l’agriculture urbaine a un rendement 15 fois plus élevé que celui de l’agriculture rurale. Un mètre carré peut produire 20kg de nourriture par an.

Source : FAO, France Info

Pourquoi on en parle en ce moment ?
Face au dérèglement climatique, notre alimentation et nos modes de production sont devenus des enjeux majeurs pour réduire notre impact écologique. L’agriculture urbaine est de plus en plus mise en avant pour ses bénéfices sociaux et écologiques. Elle offre ainsi une solution intéressante pour relocaliser la production et assurer la sécurité alimentaire.

Pour autant, est-ce suffisant pour nourrir toute la ville ? Les surfaces cultivables semblent encore trop limitées, surtout dans les pays développés. L’occasion pour nous de poser le débat.

Numéro 2

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LE « POUR »

Un rôle social essentiel et un vecteur de sensibilisation

Billet rédigé par :

Olivier Lavaud

Formateur en agroécologie
http://www.canopterre.fr/

L’agriculture urbaine inclut, selon moi, les productions « privées » ou non réalisées à l’intérieur de la ville ainsi que celles réalisées autour des villes, ceinture maraîchère et petit élevage par exemple.

La réponse est mitigée, l’agriculture urbaine ne peut pas répondre à l’ensemble des besoins en nourriture par faute d’espaces suffisamment grands et à cause d’un coût de production bien trop élevé rapporté à la surface cultivée.

Pour rappel, les aliments les plus consommés en France sont à base de blé (pâtes et pain), le riz, les pommes de terre et les laitages. Pour les légumes, c’est la tomate qui est la plus consommée, en moyenne 14 kg/an par habitant. La production moyenne haute d’un pied de tomate est de 5 kg, le nombre d’habitants à Paris intra-muros atteignait 2 229 621 personnes (population municipale) en 2013, il faudrait planter 6.242.938 pieds de tomate à Paris. Ce qui couvrirait une surface d’environ 218 hectares, ce qui est impensable en ville.

D’une façon générale et si l’on diminue de façon importante la consommation de viande et laitage, on estime qu’il faut 3750 m2/an pour nourrir un français. Soit un total de 836.107 hectares pour les habitants de Paris intra-muros qui couvre une surface d’environ 10.500 hectares.

Par contre certaines productions peuvent être réalisées en ville comme l’ensemble des aromatiques, les graines germées, les fleurs comestibles, les petits fruits (groseille, framboise), les endives, les champignons et certains légumes ou fruit qui peuvent être réalisés facilement (par exemple en aquaponie ou hydroponie) tels que les salades et les fraises.
Ces productions peuvent alors être installées sur des toits, en mur végétal, dans des parterres, dans des sous-sols ou des bâtiments désaffectés et ainsi exploiter des surfaces construites non utilisées.
La culture de tomate, de poivron, de courgette, de concombre etc. permet de créer des circuits courts, même si la production n’est pas suffisante elle permet de sensibiliser les citoyens aux produits de saison et locaux.
La production de miel est également intéressante en ville, ainsi que le petit élevage collectif comme les poules qui participe au recyclage de certains déchets alimentaires. L’agriculture urbaine permet également la réduction des déchets « compostables » si l’on favorise la présence de bacs composteurs en ville.

L’agriculture urbaine a de beaux jours devant elle, il reste plein de pistes à explorer pour produire plus et local, que se soit dans l’utilisation des bâtiments ou surfaces existants ou la création de fermes verticales. Elle joue un rôle social essentiel et reste l’un des meilleurs vecteurs de sensibilisation pour une consommation plus raisonnée et saine.

LE « CONTRE »

L’agriculture urbaine, un mythe...utile

Billet rédigé par :

Dominique HAYS

Président du réseau Cocagne
http://www.reseaucocagne.asso.fr/

Certains disent que « l’agriculture urbaine » sera la clé du défi alimentaire de 2050, « nourrir le monde », 9 milliards d’habitants sur une planète urbanisée, aux modèles de production standardisés. Cette agriculture apparait parfois comme une réponse « géotechnique » binaire bien simpliste : comme c’était trop loin, on fera très près. Le véritable enjeu est celui de l’égalité de l’accès à une alimentation de qualité, durable, qui n’échappe plus à nos prises, que nous soyons producteurs ou mangeurs !

Il nous faut pour cela promouvoir une agriculture paysanne de proximité qui peut d’abord nourrir les agriculteurs, encore nombreux dans certaines zones en développement. Pour les pays développés qui génèrent un gaspillage alimentaire colossal et doivent engager rapidement la transition écologique et sociale, il faut repenser des filières reliant directement les urbains et ruraux productifs dans l’objectif de nourrir les villes.

Les jardins de Cocagne, 500 hectares maraichers bio en insertion en France, livrent plus de 20 000 paniers chaque semaine. Ce modèle ensuite développé par les AMAP et les producteurs bio organisés est un exemple d’agriculture moderne : qui rétablit la relation directe entre producteur et mangeur ; qui ne s’intéresse pas seulement qu’à la finalité organique de l’alimentation, mais aux conditions écologiques et sociales de production, à la santé, à l’emploi, aux saveurs… Une agriculture qui mobilise l’émancipation sociale de tous par l’implication dans une chaine de responsabilité qui fait du citoyen un consom’acteur de bio locale et solidaire.

Nourrir les villes demain avec cette véritable agriculture (en lien avec le sol, la roche mère comme le rappelle le règlement bio) nécessite de repenser toute l’infrastructure péri-urbaine qui va des premiers espaces agricoles à préserver de l’urbanisation jusqu’aux zones éloignées de captage de l’eau qui alimentent les villes. Des jardins de Cocagne jouent un rôle de mise en lien économique de tous types d’agriculteurs afin de toucher de grands bassins urbains comme l’Ile de France, les Pays de Loire, les Hauts de France…  Ces groupements articulent les producteurs de différentes situations géographiques, les productions les plus diverses issues de terres les plus adaptées aux exigences de chaque produit.

Les cultures ont alors leur place en ville. Nos fermes urbaines permettent pour leur part de cultiver les produits les plus sensibles au transport. Nous défendons l’idée de micro fermes « servicielles », telles que la Microferme cocagne de Gohelle, capables non seulement de produire, mais aussi d’assurer différentes passerelles humaines, logistiques, apprenantes entre producteurs et mangeurs.

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