Faut-il reconstruire Notre-Dame de Paris à l’identique ?

Débat reconstruction Notre Dame à l'identique

Numéro 1

S’informer

L'histoire de Notre Dame en quelques dates clés
Notre Dame de Paris est l’une des cathédrales les plus grandes d’Occident et l’un des monuments les plus emblématiques de Paris. Elle a inspiré de nombreuses œuvres artistiques, notamment le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris ou encore plus récemment des comédies musicales, films ou chansons. Elle est aujourd’hui le monument le plus visité en Europe. Voici 4 dates clés qui ont marqué son histoire :

  • 1163 : pose de la première pierre de Notre-Dame et début de la construction de l’édifice qui durera plus de deux siècles
  • 1804 : la cathédrale accueille le sacre de Napoléon
  • 1844 : première grosse vague de restauration après les destructions de la Révolution française sous la direction de l’architecte Viollet-le-Duc qui incorpore notamment une nouvelle flèche au style gothique assez controversée pour l’époque
  • 1877-1996 : organisation de plusieurs funérailles de présidents français d’Adolphe Thiers à François Mitterrand

Source : France Culture ; Notre Dame de Paris

Quels sont les dégâts recensés suite à l'incendie de 2019 ?
Le , la cathédrale subit son plus important sinistre avec un violent incendie qui détruit la flèche et la totalité de la toiture couvrant la nef, le chœur et le transept.

La structure globale de l’édifice est néanmoins sauvée, ainsi que les deux tours, la façade occidentale, le trésor et l’essentiel des œuvres d’art de la cathédrale.

Pourquoi sa reconstruction fait débat ?
Peu après l’incendie, le président Emmanuel Macron s’est engagé à mettre tous les moyens en oeuvre pour que la cathédrale soit reconstruite dans 5 ans. La courte durée annoncée a tout de suite inquiété de nombreux historiens, architectes et spécialistes qui craignent une reconstruction précipitée.

Edouard Philippe a ensuite annoncé le lancement d’un “concours international d’architecture » pour la reconstruction de la flèche, soulevant plusieurs questions complexes. Faut-il reconstruire la flèche conformément à l’ancienne ? Abandonner l’idée d’une reconstruction de la charpente en bois ? Quelles techniques privilégier ? Faut-il au contraire innover avec des propositions différentes et plus modernes ? Les propositions fusent et le débat divise énormément… découvrez nos tribunes !

Sources : Batiactu

Numéro 2

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LE « POUR »

Une restauration fidèle avec les matériaux les plus adéquats

Billet rédigé par :

Didier Rykner

Directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art
http://www.latribunedelart.com

Tout d’abord, il n’est pas question de « reconstruction », mais de restauration. Notre-Dame, même sans toit, est toujours debout. Et la cathédrale est classée monument historique, ce qui implique qu’elle a été figée dans un état considéré comme définitif, que la loi française a décidé de protéger pour la transmettre aux générations futures.

Une restauration plutôt qu’une reconstruction

La question de sa restauration à l’identique ne devrait donc pas se poser, et encore moins se poser si tôt, quelques jours à peine après l’incendie, si respecter la loi avait encore un sens.

Mais est-ce vraiment le cas ? Le gouvernement veut faire voter une loi d’exception, en procédure accélérée, qui aboutirait à s’abstraire de toutes les lois existantes, notamment du code du patrimoine, afin de restaurer la cathédrale en cinq ans, ce qui de l’avis de la plupart des spécialistes n’est ni faisable, ni souhaitable.

La flèche, classée monument historique, n’a pas totalement disparu

La restauration de Notre-Dame à l’identique ne signifie pas pour autant qu’elle doive l’être avec les mêmes matériaux que par le passé. Deux éléments peuvent poser question et doivent être débattus. Le premier est la charpente. Quoi que l’on fasse, il est impossible de restaurer à l’identique une charpente faite de bois vieux de plus de huit cents ans. Surtout, une charpente en bois pourrait s’avérer désormais trop lourde sur un monument fragilisé. Enfin, utiliser le bois, dont on a vu les conséquences en cas d’incendie, serait sans doute peu prudent. Beaucoup pensent qu’il serait raisonnable d’utiliser des matériaux plus contemporains, par exemple du titane. Le second est la flèche dont il faut rappeler qu’elle n’a pas totalement disparu puisque les statues des apôtres qui se trouvaient à sa base ont été enlevées pour restauration quelques jours avant le sinistre, et que le coq qui la surplombait a été miraculeusement retrouvé, à peu près intacte. Cette flèche, due à Viollet-le-Duc, un architecte important du XIXe siècle, était également classée.

La déontologie implique une restauration à l’identique des monuments classés

Ceci implique, comme le veut aussi la Charte de Venise qui définit la déontologie de la restauration, qu’elle soit refaite à l’identique. Là encore se pose la question des matériaux, car elle était à l’origine en plomb et en bois, donc très inflammable. La restituer avec d’autres matériaux, tout en redonnant à la cathédrale sa silhouette si familière aux Parisiens est donc l’option qui nous paraît la meilleure.

Mais, encore une fois, tout cela doit être débattu par les spécialistes, en suivant les procédures adaptées. Ce n’est pas au Président de la République de dicter ses volontés, en imposant un délai intenable.

LE « CONTRE »

Laissons le droit à Notre Dame de demeurer un lieu intemporel

Billet rédigé par :

Pierre ROUSSEL

Architecte DPLG, co-gérant de l’agence GODART + ROUSSEL Architectes
http://www.godart-roussel.com/

Paris a connu un des épisodes les plus bouleversants de son histoire patrimoniale. Comment un ouvrage qui aura nécessité des centaines d’années de travaux peut-il s’envoler dans le ciel de Paris en quelques heures ? Il nous appartient aujourd’hui de savoir comment faire revivre ce bijou architectural qui fait toute l’identité de la ville la plus visitée au Monde.

Il manquera toujours la légitimité de l’époque

Ce sujet est très sensible pour des raisons que l’on comprend aisément. On imagine mal qu’il existerait une autre option que celle consistant à reconstruire la charpente et la toiture à l’identique en nous appuyant sur tous les documents que nous possédons. D’ici quelques décennies, cet épisode tragique s’effacerait au profit d’une toiture flambant neuve, si vous nous passez l’expression. Mais à bien y réfléchir, serions-nous vraiment satisfaits de cette tentative de pied-de-nez au destin ? Quel autre plaisir y trouverions-nous à part celui de nous conforter dans la certitude que tout est éternel ?

Il nous semble que cette démarche serait certes réconfortante mais catastrophique d’un point de vue intellectuel. Jamais une oeuvre fraichement moulue des meilleurs ouvriers du XXI ème siècle ne portera la même véracité et la même force que celle qui fut construite par les compagnons des siècles derniers car il leur manquera toujours la légitimité de l’époque à laquelle ils appartiennent vraiment. Mais d’ailleurs, l’oeuvre de Viollet-le-Duc n’était-elle pas déjà une transgression de l’architecture gothique sur laquelle son ouvrage s’appuyait ?

Notre projet est donc résolument contemporain

Le projet que nous imaginons pour la restauration de la cathédrale est donc résolument contemporain. Pas au prétexte d’une quelconque fantaisie provocatrice, mais bien parce que nous sommes convaincus qu’il s’agit de l’unique bonne réponse que l’on puisse apporter à un objet patrimonial si important. Nous disposons aujourd’hui de technologies qui nous permettent de proposer une charpente légère et beaucoup plus fine : pourquoi ne pas saisir l’occasion de ce drame pour repenser l’aspect de la toiture tout entière en offrant, par exemple, une toiture entièrement vitrée à la cathédrale ?

Un témoignage d’une nouvelle ère de la construction

Outre la vue que cela offrirait sur la capitale aux visiteurs, cela permettrait de témoigner d’une nouvelle strate de construction du XXIème siècle. Loin d’être une offense au caractère sacré du lieu, cette intervention serait une nouvelle pierre apportée à l’évolution d’un bâtiment qui n’a jamais été pensé comme un objet fini ou figé dans le temps.

Laissons tout simplement à Notre-Dame le droit d’être ce qu’elle a toujours été : un lieu intemporel.

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