Faut-il interdire certains vols intérieurs ?

Débat interdiction vols intérieur pollutions

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce qu'un vol intérieur ? Quel trafic aérien intérieur en France ?

Un vol intérieur (dit aussi « domestique ») est un voyage en avion à l’intérieur d’un pays. Par exemple, un vol Paris-Marseille est un vol domestique (même s’il est exécuté par une compagnie étrangère comme RyanAir).

Aujourd’hui, il existe 149 liaisons principales entre deux villes de métropole. En 2018, environ 26,2 millions de passagers ont été transportés en 2018 sur ces liaisons. Ils étaient environ 25,6 millions en 2017.

Source : Ministère de la transition écologique et solidaire

Qu'en est-il en Europe ?

L’interdiction n’est pas une première en Europe. Aux Pays-Bas, le parlement a voté en faveur d’une suppression de la liaison aérienne entre Amsterdam et Bruxelles, afin de favoriser le train tout aussi rapide sur une courte distance.

En Suède, il n’y a pas d’interdictions mais de nombreux habitants préfèrent désormais voyager en train par conscience écologique. Le phénomène porte d’ailleurs un nom: «flygskam», qui signifie «la honte de prendre l’avion». On constate que ses effets se font ressentir sur l’activité des compagnies aériennes. Au premier trimestre 2019, l’Agence suédoise des transports a publié ses chiffres pour l’ensemble des 38 aéroports du pays : le nombre de passagers a diminué de près de 4,4% sur un an, dont – 5,6% sur les vols domestiques.

Source : Le Figaro

Pourquoi on en parle en ce moment ?

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), plusieurs députés EELV et LFI ont déposé des amendements visant à supprimer certains vols intérieurs, notamment pour lutter contre la pollution émise par le trafic aérien. Tous les vols intérieurs ne sont pas visés :  seuls ceux qui peuvent être remplacés par le train seraient concernés.

Les critères d’appréciation divergent un peu entre les députés : pour le député Francois Ruffin (LFI), cela comprends tous les trajets sur lesquels le train permet un temps de trajet équivalent au temps de trajet de l’avion plus 2h30.  Pour Delphine Batho (non inscrite) il s’agit des vols pour lesquels il existe une alternative ferroviaire inférieure à 5h de trajet.

Sur les 26,8 millions de déplacements annuels, 6,6 millions seraient remplacés par le train avec les critères de François Ruffin, et 13,8 millions avec les critères de Delphine Batho.

Et vous qu’en pensez-vous ? Découvrez nos tribunes.

Source : Le Monde

Numéro 2

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LE « POUR »

Feux rouges pour les vols intérieurs

Billet rédigé par :

Anne-Marie Ghemard

Vice présidente de la fédération nationale des associations d'usagers des transports
https://www.fnaut.fr/

L’urgence climatique est là. Nous la constatons tous au quotidien et l’inquiétude monte. Le transport est le plus grand responsable en France : 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2017. Il faut donc changer rapidement nos habitudes de déplacement. Nous n’échapperons pas à une augmentation du prix des carburants mais pour que cette hausse soit acceptable, elle doit être équitablement répartie et les transports publics durables doivent être efficaces.

Selon l’ADEME, l’avion produit 40 fois plus de GES que le TGV

L’avion est le moyen de transport le plus gros émetteur de gaz à GES par km passager transporté. Selon l’ADEME, l’avion produit 40 fois plus de GES que le TGV. De plus, les avions produisent aussi du méthane, des oxydes d’azote et des traînées de vapeur d’eau qui augmentent le forçage radiatif. Les émissions sont particulièrement importantes en phase de montée. Les vols intérieurs sont donc très émissifs. De plus l’avion par sa rapidité incite à aller plus loin donc à émettre plus de GES. Les mesures compensatoires vantées par les compagnie aériennes sont fallacieuses.

L’avion reste un transport de riches. Selon la Direction Générale de l’Aviation Civile seuls 2 % des passagers en avion sont des ouvriers alors qu’ils représentent 12 % de la population. A contrario 50 % des passagers sont de classe sociale supérieure (28 % de la population).

Les billets d’avions sont très bon marché, parce qu’ils sont défiscalisés et subventionnés. Le coût total des subventions et détaxations pour les vols intérieurs est de 505 millions d’euros par an (Jacques Pavaux, étude 2019). « Globalement, avec une fiscalité équitable par rapport aux autres moyens de transport, le billet d’avion serait environ 2 fois plus cher » estime The Shift Project.

Si l’on veut participer à la lutte contre le changement climatique, il faut arrêter de prendre l’avion

La Fnaut demande que
• le kérosène soit soumis aux mêmes taxes que l’essence et le gazole ;
• toutes les externalités soient prises en compte pour atteindre l’équité entre les modes ;
• l’État et les collectivités cessent de subventionner les aéroports, hormis obligation de service public ;
• la régénération du réseau ferré soit prioritaire sur les travaux routiers ou aéroportuaires ;
• l’État et les régions s’engagent dans des politiques réellement écologiques en organisant des services de train performants c’est à dire rapides, fréquents, cadencés y compris des trains de nuit pour les voyages plus longs.

Ce qui permettra de reconvertir les petits aéroports devenus inutiles.

En attendant ces mesures indispensables, si l’on veut participer à la lutte contre le changement climatique, il faut arrêter de prendre l’avion, en commençant par les vols intérieurs.

LE « CONTRE »

Le transport aérien est complémentaire des autres modes

Billet rédigé par :

Nicolas Paulissen

Délégué Général de l’Union des Aéroports Français (UAF)
https://www.aeroport.fr/

La suppression de certaines lignes intérieures est une mesure déconnectée des réalités du transport aérien.

1. Les lignes aériennes intérieures répondent aux besoins de mobilité rapide des Français

Il faut d’abord relever que les usagers du transport aérien sont de plus en plus nombreux. En 2018, le nombre de passagers sur les aéroports français a dépassé les 206 millions. 27% ont emprunté les lignes intérieures soit 52 millions . Les liaisons transversales Région-Région connaissent un engouement certain. Entre 2008 et 2018, le trafic sur les lignes transversales a augmenté de 64,4% alors que les liaisons Régions-Paris ont connu, elles, une baisse de 2,4%.

L’avion est donc complémentaire des autres modes de transport

Les lignes intérieures répondent donc à une véritable attente des Français en matière de mobilité aérienne. Elles permettent de se déplacer rapidement sur certains trajets, à des tarifs comparables à ceux du train, lorsque le ferroviaire n’offre pas de solution de mobilité commode. Ainsi un Caen-Toulouse peut se faire en avion en 1h30 contre plus de 7 heure en train. L’avion est donc complémentaire des autres modes de transport et trouve sa pertinence là où les autres modes ne répondent pas à la demande de mobilité rapide des Français.

2. L’avion n’est pas en concurrence avec le TVG

Sur des trajets de moins de 3 heures, rares sont les Français qui prennent l’avion quand il existe une offre de TGV. Ainsi la part des passagers vers Paris dans le trafic d’aéroports comme Lyon ou Nantes est inférieure à 20%. Et encore faut-il ajouter qu’une écrasante majorité de ces voyageurs est constituée de passagers en correspondance vers le hub de Paris-Charles de Gaulle.

Les solutions aux nuisances environnementales du transport aérien ne sont pas à rechercher dans un report modal illusoire ou une taxation franco-française

Supprimer certaines lignes intérieures reviendrait donc à compliquer l’accès des Français habitant en région aux liaisons internationales via le hub de Paris-Charles de Gaulle. Les principaux bénéficiaires de l’opération ne seraient pas les opérateurs ferroviaires… mais les hubs étrangers comme Londres- Heathrow ou encore Francfort.

Bref, les solutions aux nuisances environnementales du transport aérien ne sont pas à rechercher dans un report modal illusoire ou une taxation franco-française sans aucun effet environnemental mais bien dans le transport aérien lui-même. Il faut plutôt que les pouvoirs publics accompagnent les progrès technologiques du secteur et la mise en place d’une filière biocarburant.

Les chiffres cités sont issus de l’enquête statistique annuelle UAF ou du bulletin statistique annuel du trafic aérien commercial de la DGAC.

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