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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pour l’ouverture de salles de consommation à moindre risque
Le débat sur les salles de consommation à moindre risque a été relancé en France en 2012, et a connu un avancement concret avec le feu vert donné par Matignon le 5 février 2013. L’association Gaia-Paris a mené depuis lors, avec la mairie de Paris, un projet d’ouverture d’une salle de consommation dans le nord-est parisien, dans le quartier de la gare du nord.
Le projet a été construit en prenant comme base de réflexion les années passées sur le terrain par le CAARUD de Gaia-Paris depuis 2006-2007. Les contacts établis avec les usagers, à la fois de proximité et de confiance, ont permis année après année de faire remonter le besoin pressant d’avoir accès à un espace où l’hygiène et la sécurité permettraient d’injecter dans des conditions acceptables.
Des évaluations et expertises[1] démontrent l’intérêt et l’impact de ce type de dispositif tant en matière de santé publique (diminution des pratiques de partage de seringue, diminution du nombre d’overdoses, augmentation du nombre d’usagers entamant un parcours de soins, traitement de substitution aux opiacés, soins médico-sociaux…), que de sécurité dans les quartiers jouxtant ces salles et sur les « scènes ouvertes » d’usage.
Le projet que souhaite mettre en œuvre l’association Gaia-Paris s’appuie sur des éléments d’expertise relevés dans les différentes salles de consommation existant en Europe, la première ayant été ouverte à Berne, en Suisse, en 1986. Il est important de souligner :
– Qu’une salle de consommation n’encourage pas la consommation de personnes qui ne sont pas déjà dépendantes.
– Qu’une salle de consommation s’inscrit en proximité d’une scène de consommation, et que celle-ci existe depuis 2006 aux alentours de la gare du nord.
– Que les dealers sont eux aussi déjà là et n’ont aucun intérêt à se déplacer : les abords de la gare présentent beaucoup plus d’opportunités en termes d’échappées que les abords de la future salle de consommation.
– Que le travail mené en réduction des risques n’est pas le même que celui effectué par des médecins dans un hôpital : des partenariats peuvent être faits et certains existent déjà, d’autres peuvent être renforcés.
– Qu’une salle de consommation est une réponse pour les usagers les plus précaires, ceux qui n’ont pas de « chez- eux » et injectent dans des conditions sanitaires très souvent fort dégradées.
[1] Expertise collective sur la réduction des risques. Les centres d’injection supervisés, Inserm, juin 2010.
Salle de shoot : l'idéologie n'est pas bonne conseillère !
Déborah Pawlik
Conseiller de Paris - élue UMP du 10e arrondissementhttp://www.deborahpawlik2014.fr/
L’idéologie n’est jamais bonne conseillère. Surtout en matière de santé publique. Pourtant, le projet d’expérimentation d’une salle de shoot dans le 10e arrondissement est une véritable obsession de la gauche parisienne. Un serpent de mer dont l’avancée avait été stoppée net par le Conseil d’Etat en raison de son illégalité. Las, le projet va ressurgir avec l’examen prochain de la loi Santé à l’Assemblée nationale et le cadre juridique sur mesure qu’elle offre à la salle de shoot. Si le texte était adopté, il sera possible dans quelques mois de consommer de la drogue, au 39 boulevard La Chapelle à Paris, en toute légalité.
Les positions sur l’ouverture d’une salle de shoot sont souvent caricaturées. Le pragmatisme est pourtant de rigueur sur cette question d’importance. Et c’est justement par pragmatisme que je refuse une telle expérimentation, ce projet n’étant en rien adapté à la réalité parisienne et aux besoins des toxicomanes parisiens.
Les exemples étrangers montrent, en effet, que les salles de shoot ont permis, dans une certaine mesure, de réduire les risques sanitaires liés à la consommation de drogues. Mais à Paris l’urgence n’est pas là, car les transmissions de maladies infectieuses ont diminué avec la mise à disposition de matériels depuis 20 ans.
A contrario, Paris a besoin d’une politique qui offre aux toxicomanes un accompagnement vers le sevrage. Or, ces salles de shoot “entretiennent la dépendance aux drogues au lieu d’aider les gens à s’en débarrasser”, comme l’a dénoncé la Vice-présidente de la Fédération mondiale contre les drogues.
Les zones d’ombre entourant le projet sont par ailleurs nombreuses. Il est question d’expérimentation, mais sur une durée particulièrement longue – 6 ans – et sans la nécessaire évaluation qui devrait l’accompagner.
Des projets alternatifs, de surcroit moins onéreux (le coût de fonctionnement annuel de la salle de shoot serait d’un million d’euros), existent pourtant. Ainsi, la mise en place, en concertation avec les riverains, d’une structure d’accueil, de prévention et de suivi, portée par plusieurs arrondissements, ou à proximité d’un centre hospitalier, devrait être explorée.
Tendre la main aux toxicomanes en impulsant une politique d’accompagnement responsable, alliant suivi médical et réinsertion sociale, voilà ce qui devrait être l’obsession de tous les représentants politiques. Enfermer des personnes en souffrance dans une salle de shoot et dans leur dépendance, ne peut être au contraire une politique digne d’un pays comme la France. Ce serait un simple abandon de la lutte contre la toxicomanie.