Pour ou contre l’amendement sur le consentement présumé du don d’organes ?

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce que le don d'organes ?

Le don d’organes désigne l’acte de prélever sur une personne vivante ou décédée, un organe en état de fonctionner pour le greffer sur une personne dont le même organe n’est pas viable et a besoin d’être remplacé.

La plupart du temps  (92 % des cas selon l’agence de la biomédecine, qui relève du ministère de la Santé), les organes sont prélevés sur une personne décédée. Les 8 % restants concernent les dons de reins, et de lobe de foie, qui peuvent être prélevés sur un donneur vivant.

En 2013, sur un peu plus de 550 000 décès en France, seuls 3 336 étaient de potentiels donneurs, c’est-à-dire décédés avec des organes en état de fonctionnement et placés rapidement sous réanimation pour oxygéner les organes.

Actuellement, quelle est la règle sur le don d'organes en France ?

Aujourd’hui, lorsqu’une personne décède en condition de donner ses organes, les médecins consultent le registre national du refus de don d’organes. 90 000 Français environ y sont inscrits, soit 0,15 % de la population.

Si la personne décédée n’y figure pas, l’équipe médicale consulte ses proches : parents, conjoint, tuteurs… Dans ce cas, ce sont les proches qui décident ou non du don d’organes.

Qu'en pensent les Français ? Et que font-ils ?

Selon une enquête réalisée en 2013, 79 % des Français se déclarent prêts à donner un ou plusieurs organes après leur mort. Pourtant, entre 30 % et 40 % des familles refusent le don d’organes.

En 2013, sur les 3 336 personnes potentiellement prélevables, l’accord des proches a été obtenu pour 2 237 cas, et 1 657 ont finalement été prélevées (dans certains cas, les paramètres médicaux des organes ne permettent pas le don).

Aujourd’hui, environ 20 000 personnes attendent une greffe en France, il y a donc une pénurie de don d’organes.

Que prévoit le nouveau texte de loi ?

Le projet de loi Santé (dite loi Marisol Touraine) prévoyait dans un premier temps de faire du registre national du refus de don d’organes le seul et unique moyen de refuser un don d’organes. Cela signifie que tous les Français étaient considérés comme donneurs présumés consentant en cas de décès, sauf en cas d’inscription sur le registre national. Les familles ne sont donc plus consultées lors d’un prélèvement d’organes, mais seulement informées.

Le texte a été modifié par un amendement, qui prévoit de faire du registre le principal moyen de refus (et non plus le seul). Les éventuels autres moyens de refus devront être discutés hors du projet de loi « après une large concertation avec l’ensemble des acteurs, par décret en Conseil d’Etat« , selon le ministère de la Santé.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

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LE « POUR »

Le respect du droit de chacun à disposer de son corps et de ses organes

Billet rédigé par :

Jean-Louis TOURAINE

Professeur de médecine - Député du Rhône
http://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA334768
L’amendement évoqué « n’introduit pas » le « consentement présumé ». Celui-ci existe dans la loi française depuis 1976 (loi CAILLAVET) et il n’a jamais été remis en question

 

De quoi s’agit-il ? Après le décès, lorsque le défunt n’avait pas exprimé de son vivant sa volonté sur la destinée de ses organes (comme c’est le plus souvent le cas), devons-nous postuler qu’il était favorable au don ou défavorable ? Comme la totalité des Français est pour la transplantation quand il s’agit de recevoir un organe et la très grande majorité (80 à 90%) quand il est question de donner, il est raisonnable d’appliquer ce raisonnement majoritaire, faute d’information sur l’opinion du défunt.

L’amendement ajoute que ce consentement doit être éclairé et que toutes les chances doivent être données aux personnes opposées au don, de s’inscrire sur le registre des refus ou sur un autre moyen qui sera défini avant le 1er janvier 2017 dans un décret en Conseil d’Etat.

 

Ainsi une large information des Français offrira à chacun la possibilité de connaître le dispositif existant depuis 1976 et celle de savoir que chaque personne n’ayant pas exprimé son refus est considérée comme favorable au don. Pourquoi ne pas prévoir également un registre des acceptations ? Parce que l’expérience montre que presque personne ne s’inscrit sur un tel registre, quelles qu’en soient les raisons : négligence, superstition, etc. La Belgique et d’autres pays ont fait la tentative du registre du « oui », moins de 2% de la population est inscrite en dépit d’une très forte médiatisation.

 

La loi renforce l’obligation d’information préalable et approfondie de la famille. Elle confirme que le droit au respect de la volonté propre du défunt, exprimée de son vivant, explicitement ou tacitement, et non altérée ni par l’Etat, ni par les proches, ni par les professionnels de la santé. Elle respecte le droit à la quiétude de la famille dans un moment de deuil et de recueillement.

On est bien loin, on le voit, des craintes des détracteurs dénonçant une « nationalisation des corps » ; au contraire l’Etat met tout en mesure et fait tous les efforts pour que les personnes opposées puissent exprimer leur refus et le faire respecter.

 

Certains pays considèrent que les personnes contre le don ne devraient pas être acceptées comme receveuses en priorité lorsqu’elles ont besoin d’être traitées par une transplantation. Ce n’est pas le cas de la France qui, ainsi, ne sanctionne pas l’égoïsme. Notre pays fait le postulat de la solidarité, le pari que la générosité l’emporte sur l’égoïsme parmi nos concitoyens.

 

 

 

LE « CONTRE »

Lorsque le don devient obligation

Billet rédigé par :

Carole GENTY

Présidente de l’AFCH (Association Française des Coordonnateurs Hospitaliers)
http://www.afch.fr/

« L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. »

Cet article de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine éclaire de toute sa justesse les motifs de contestations des professionnels de santé quant à l’utilisation du Registre National de Refus (RNR) comme seule modalité d’expression d’opposition au don d’organe. .

 

Les équipes de Coordination effectuent leur travail dans le cadre de la loi en respectant le principe du consentement présumé appliqué en France depuis 1976. Lorsque l’interrogation du RNR ne permet pas de détecter l’expression d’un refus, les proches sont  consultés afin de rechercher la non opposition du défunt à un don d’organes et de tissus, et non dans le but de solliciter une autorisation.

Ce dialogue est un acte de soins, et, à ce titre, s’inscrit comme un acte de bienfaisance qui se réfère aux valeurs de tous soignants.

 

Il nous paraît inconcevable d’aller à l’encontre de la volonté d’une famille, alors même que le défunt ne s’est pas inscrit sur le RNR, au risque de voir les attitudes conflictuelles se multiplier, ou pire, infliger un acte de maltraitance en imposant à des proches endeuillés une décision allant à l’encontre de leur souhait.

 

Justifier l’application de cet amendement en prétendant que les proches ne respectent pas toujours la volonté du défunt, que l’abord du don provoque une douleur supplémentaire à la famille ou alourdit le travail des coordinations, est une contre-vérité qui témoigne de la méconnaissance de la réalité des entretiens. Le nombre de proches exprimant un avis contraire à celui du défunt est infime, et la question du don est bien souvent vécue comme légitime par les proches. Enfin, le dialogue mené par une équipe  experte, apporte humanité et sensibilité soignante à un moment que d’aucun qualifie d’inopportun.

 

La vive controverse dans le milieu des professionnels de santé  suscitée par cet amendement  a provoqué une réécriture de l’article 46 ter. Cette version corrigée a été adoptée par l’Assemblée nationale ce 14 avril et vise à renforcer la qualité du dialogue avec les proches et à clarifier les modalités d’expression du refus.

 

Aujourd’hui, les coordinations sont  impatientes de participer à la concertation qui ne manquera pas d’en précéder l’application.

 

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