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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Discutons entre concitoyens
Monseigneur Michel Dubost
Évêque catholique d'Évry-Corbeil-EssonnesLa France est un pays démocratique et lorsqu’un concitoyen lance un débat, surtout s’il a une raison de le faire, il est normal d’y participer.
Monsieur Boubakeur (ex-président du CFCM Conseil français du culte musulman, et à l’origine de la proposition, NDLR) pose la question des églises inutilisées, il convient d’y répondre sans passion.
Certes, les églises sont des lieux hautement symboliques et chacun sait que la proposition de les transformer en mosquée rencontrerait des refus presqu’insurmontables.
Cela ne manquerait pas d’apparaitre à beaucoup comme un abandon de la mémoire nationale. D’autres difficultés apparaitraient vite : le statut administratif particulier des églises, la localisation de ces églises non utilisées (loin des centres où se trouvent la majorité des musulmans) ne seraient pas les moindres.
Cela dit…l’Évangile du Christ n’est pas un code de propriété et dans un pays où l’on croit à la fraternité démocratique, les questions doivent être discutées et les droits des musulmans à pouvoir pratiquer leur religion dignement doivent être respectés.
Certains en appellent à la réciprocité…mais notre culture n’est pas celle des dictatures et si nous agissons comme elles, nous avons perdu notre raison d’être !
Certains craignent d’être submergés : qu’ils fassent vivre les églises !
Et ce qui fait vivre l’Église c’est la participation, pas les lamentations.
Après tout, pour un chrétien, le Pape François en tête, la prière des musulmans est d’une plus grande valeur que l’idéologie de la consommation et que le nationalisme maurrassien !
Pourquoi ce n’est pas possible
Dalil Boubakeur, ex-président du CFCM (Conseil français du culte musulman), a émis cette idée devant le double constat de l’insuffisance du nombre de mosquées en France et de l’importance du nombre d’églises peu ou pas utilisées. Ce constat est réel mais incomplet car il faut tout de même situer les choses.
Tout d’abord, les musulmans ont le droit de pratiquer en France ce qui n’est pas le cas pour les chrétiens dans un certain nombre de pays comme l’Arabie Saoudite. Ensuite, les 2 500 mosquées pour 5 millions de fidèles en France (une mosquée pour 2 000 fidèles) est à rapprocher des 22 églises de la péninsule arabique où vivent 3,1 millions de chrétiens (une église pour 141.000 fidèles), soit un nombre proportionnellement 70 fois supérieur pour les mosquées en France. Enfin, les églises vides aujourd’hui sont essentiellement dans des déserts démographiques (zones rurales) où le besoin en mosquées n’est pas criant.
D’autre part, émettre ce genre d’initiatives alors qu’il y a déjà une crispation sur une impression de remplacement de population en France et en même temps une réelle guerre menée contre les chrétiens au Moyen-Orient n’est simplement pas raisonnable. Tout au long de l’histoire, des églises ont été transformées en mosquées par la force et le sont encore de nos jours comme à Mossoul par exemple. Proposer la même chose ici relève de la provocation, même involontaire.
Enfin, un lieu de culte n’est pas un simple bâtiment interchangeable qui pourrait servir tantôt à l’un ou l’autre culte. Les lieux sont marqués: autel, crucifix, vitraux pour les églises, mirhab (niche désignant la direction de la Mecque) et minbar (siège ou pupitre pour les sermons) pour les mosquées). Mais pour l’Eglise catholique, l’église est plus qu’un simple lieu de rassemblement pour la prière, c’est le lieu de la présence de Dieu qui y réside « corporellement » dans les Saintes Espèces, les hosties consacrées contenues dans le tabernacle.
Une église ne peut donc devenir une mosquée, d’autant plus que nous en aurons besoin dans l’avenir. L’archevêque de Bamako disait qu’il y avait comme une éclipse de la foi aujourd’hui en Europe mais que dans 50 ans, on regretterait d’avoir dilapidé ce patrimoine, signifiant par là qu’un retour de la pratique était plus que probable.