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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Savoir choisir son ennemi
Nicolas DUPONT-AIGNAN
Député de l’Essonne et Président de Debout la Francehttp://www.debout-la-france.fr/
Depuis 2011, la guerre civile en Syrie n’en finit plus de perturber la communauté internationale. Mais avec l’entrée en lice de Daesh, de sa barbarie et de ses terroristes multinationaux, la crise diplomatique s’est muée en menace directe pour nombre de pays, en particulier la France, cruellement frappée au début de l’année 2015.
Dès lors, l’anéantissement sur le terrain de cette secte terroriste qui veut ressusciter un califat islamique à prétention hégémonique universelle, n’est pas une option, mais une nécessité indiscutable. Les français d’ailleurs ne s’y trompent pas, eux qui réclament très majoritairement la liquidation de ce danger par une intervention au sol.
Or, seule une action unie de la communauté internationale revêtira la légitimité requise pour ce faire. En effet, fort du soutien des populations sunnites d’Irak – et par extension de Syrie -, que la guerre américaine de 2003 a marginalisé et jeté dans les bras du radicalisme religieux, Daech ne se privera pas de jouer la carte de la guerre révolutionnaire, en particulier contre l’Occident, de celle que les Soviétiques ont perdu en Afghanistan et les Américains au Vietnam.
L’unité de la communauté internationale doit donc être sans faille, pour une intervention armée sous l’égide de l’ONU et avec l’engagement d’un maximum de contingents nationaux – et obligatoirement celui, substantiel, des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.
On objectera, ce que fait en particulier la diplomatie française, qu’une telle hypothèse oblige à sauver la mise à Bachar al Assad, dont la laïcité du régime serait factice tandis que les crimes, eux, sont bien réels. On pointe aussi la responsabilité indirecte du régime syrien qui, par calcul tactique, pour obliger la communauté internationale à le soutenir plutôt qu’à le faire tomber, aurait favorisé l’ascension de Daesh dans le pays.
Quelle que soit la pertinence de ces arguments, qui pour certains d’entre eux mériteraient d’être relativisés, il n’existe pas à l’heure actuelle de solution politique viable du côté des rebelles, qui sont pour une très grande part sous l’emprise de mouvements religieux radicaux comme Al-Qaïda – ce qui d’ailleurs explique les hésitations des Occidentaux à armer vraiment la « rébellion ».
Enfin, si la communauté internationale ne se joint pas à la Russie qui s’engage pleinement en Syrie, elle ne disposera que de peu d’influence pour orienter le règlement politique qui interviendra fatalement après l’écrasement de Daesh. Il faut donc savoir choisir ses ennemis : Hitler hier, Daesh aujourd’hui.
Pas d'intervention au sol avec l'armée d'Assad !
Agnès Levallois pour le DrencheAgnès LEVALLOIS
Consultante, chargée de cours à SciencesPo Parishttp://www.agneslevallois.com
Avant de répondre à cette question il faut se poser la question de savoir quel serait l’objectif d’une telle intervention ? Est-ce pour combattre l’organisation État islamique ou combattre les opposants à Bachar al-Assad ?
Dans le premier cas, on serait tenté de répondre oui spontanément tant les exactions commises par ce mouvement sont terribles. Or, il convient de constater qu’Assad n’a jamais combattu Daesh et a même favorisé son implantation tout particulièrement dans l’est du pays.
Donc sur quelle base mettre sur pied une intervention au sol avec Assad ? Une telle opération nécessite une confiance entre les partenaires qui ne peut exister avec le président syrien qui n’a de cesse de manipuler ou tout au moins de tenter de manipuler les uns et les autres.
Enfin, pour être efficace, une action au sol ne peut être menée que par des acteurs locaux ou régionaux qui connaissent le terrain ce qui n’est pas le cas des forces françaises.
Les récents exemples d’intervention occidentale dans la région ont été catastrophiques et n’ont absolument pas permis de rétablir la sécurité pour les populations.
Si intervenir au sol signifie se battre contre les opposants au régime de Damas, là encore c’est inenvisageable pour la France car elle soutient cette opposition. En revanche, il est clair que l’objectif d’Assad est de la combattre plutôt que Daesh car cette dernière lui est très « utile » pour sa communication vis-à-vis des pays occidentaux.
Depuis l’intervention directe des Russes dans la guerre, la majorité des cibles est cette opposition et pas du tout l’organisation de l’État Islamique.
Le débat sur une intervention au sol doit donc porter sur les objectifs à atteindre. Pour réduire la capacité d’action de Daesh, il faut bien évidemment continuer les frappes ce que fait déjà la France dans le cadre de la coalition mise sur pied en août 2014. Seule la présence au sol de forces locales, comme les Kurdes l’ont fait pour reprendre Kobane, est efficace. Ne tombons pas dans le piège de la propagande du régime Assad qui rêve de nous y attirer. C’est un leurre de penser qu’Assad est « moins pire » que Daesh.
Ne nous attaquons pas seulement aux conséquences, Daesh, mais aux racines du drame, la sauvagerie de ce régime.
Et là l’intervention au sol avec ou sans Assad est inopérante.