Syrie : doit-on soutenir une intervention au sol avec Bachar al Assad ?

L'état islamique Daesh en Syrie
Un soldat de l'Etat islamique ou Daesh en Syrie

Numéro 1

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Que se passe-t-il en Syrie ?
Ce que l’on appelle aujourd’hui la guerre civile syrienne a débuté en 2011, dans le cadre du Printemps arabe, par des manifestations contre le régime syrien de Bachar al Assad. Ces manifestations ont été sévèrement réprimées, et se sont rapidement transformées en conflit armé.

Aujourd’hui, de nombreux groupes participent aux conflits, dont :

  • L’Armée Syrienne libre, qui fut un des premiers groupes à combattre le régime de Bachar al Assad et qui perd aujourd’hui en influence. Ils se sont regroupés avec d’autres organisations rebelles pour former la CNFOR : la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution. Cette organisation est soutenue par des pays comme les Etats-Unis, la France et les monarchies sunnites du Golfe.
  • Le front al-Nosra, affilié au groupe terroriste al Qaïda.
  • Daesh (qui est l’acronyme de ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām, en arabe de l’Etat islamique en Irak et au Levant)
  • Les troupes fidèles au régime syrien de Bachar al Assad, soutenu par la Russie, l’Iran, et le Hezbollah libanais,
  • Les Kurdes, qui militent pour une plus grande indépendance du Kurdistan syrien.

Le pays est aujourd’hui morcelé entre ces différentes factions.

Aujourd’hui, le conflit a fait environ 300 000 morts, et près de la moitié des Syriens ont fui le pays, soit environ 4 millions de personnes.

Quels pays étrangers interviennent en Syrie aujourd'hui ? Et de quelle manière ?
Plusieurs pays étrangers interviennent aujourd’hui en Syrie.

  • La Russie et l’Iran soutiennent le régime de Bachar al Assad. A ce titre, ils combattent Daesh, mais aussi l’opposition syrienne de la CNFOR, dont l’Armée Syrienne libre. Ils apportent au régime un soutien logistique (armes, renseignements, milices au sol, etc.) et la Russie mène des frappes aériennes.
  • Une coalition internationale formée en août 2014 par plusieurs pays occidentaux (dont les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, etc) et des pays arabes (dont l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Qatar, etc) pour combattre Daesh. Ils apportent des armes à l’opposition menée par la CNFOR, un soutien logistique et mènent des frappes aériennes contre Daesh en Irak et en Syrie. Ils ne soutiennent pas le régime de Bachar al Assad, mais soutiennent les Kurdes.
  • La Turquie fait partie de la coalition internationale, contre le régime de Bachar al Assad, mais combat également les indépendantistes kurdes en Syrie et sur son sol.

Aujourd’hui, aucun de ces pays n’a envoyé de troupes militaires officielles pour une intervention au sol en Syrie.

Quelle est la position de la France aujourd'hui ?
Aujourd’hui, la France est opposée à Daesh, ainsi qu’au régime de Bachar al Assad. Elle soutient l’opposition syrienne dite modérée (la CNFOR) et les Kurdes.
Son action se matérialise par un soutien financier et logistique à l’opposition syrienne, ainsi que par des frappes aériennes contre Daesh en Irak et en Syrie.

Numéro 2

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LE « POUR »

Savoir choisir son ennemi

Billet rédigé par :

Nicolas DUPONT-AIGNAN

Député de l’Essonne et Président de Debout la France
http://www.debout-la-france.fr/

Depuis 2011, la guerre civile en Syrie n’en finit plus de perturber la communauté internationale. Mais avec l’entrée en lice de Daesh, de sa barbarie et de ses terroristes multinationaux, la crise diplomatique s’est muée en menace directe pour nombre de pays, en particulier la France, cruellement frappée au début de l’année 2015.

Dès lors, l’anéantissement sur le terrain de cette secte terroriste qui veut ressusciter un califat islamique à prétention hégémonique universelle, n’est pas une option, mais une nécessité indiscutable. Les français d’ailleurs ne s’y trompent pas, eux qui réclament très majoritairement la liquidation de ce danger par une intervention au sol.

Or, seule une action unie de la communauté internationale revêtira la légitimité requise pour ce faire. En effet, fort du soutien des populations sunnites d’Irak – et par extension de Syrie -, que la guerre américaine de 2003 a marginalisé et jeté dans les bras du radicalisme religieux, Daech ne se privera pas de jouer la carte de la guerre révolutionnaire, en particulier contre l’Occident, de celle que les Soviétiques ont perdu en Afghanistan et les Américains au Vietnam.

L’unité de la communauté internationale doit donc être sans faille, pour une intervention armée sous l’égide de l’ONU et avec l’engagement d’un maximum de contingents nationaux – et obligatoirement celui, substantiel, des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU.

On objectera, ce que fait en particulier la diplomatie française, qu’une telle hypothèse oblige à sauver la mise à Bachar al Assad, dont la laïcité du régime serait factice tandis que les crimes, eux, sont bien réels. On pointe aussi la responsabilité indirecte du régime syrien qui, par calcul tactique, pour obliger la communauté internationale à le soutenir plutôt qu’à le faire tomber, aurait favorisé l’ascension de Daesh dans le pays.

Quelle que soit la pertinence de ces arguments, qui pour certains d’entre eux mériteraient d’être relativisés, il n’existe pas à l’heure actuelle de solution politique viable du côté des rebelles, qui sont pour une très grande part sous l’emprise de mouvements religieux radicaux comme Al-Qaïda – ce qui d’ailleurs explique les hésitations des Occidentaux à armer vraiment la « rébellion ».

Enfin, si la communauté internationale ne se joint pas à la Russie qui s’engage pleinement en Syrie, elle ne disposera que de peu d’influence pour orienter le règlement politique qui interviendra fatalement après l’écrasement de Daesh. Il faut donc savoir choisir ses ennemis : Hitler hier, Daesh aujourd’hui.

LE « CONTRE »

Pas d'intervention au sol avec l'armée d'Assad !

Billet rédigé par :

Agnès Levallois pour le DrencheAgnès LEVALLOIS

Consultante, chargée de cours à SciencesPo Paris
http://www.agneslevallois.com

Avant de répondre à cette question il faut se poser la question de savoir quel serait l’objectif d’une telle intervention ? Est-ce pour combattre l’organisation État islamique ou combattre les opposants à Bachar al-Assad ?

Dans le premier cas, on serait tenté de répondre oui spontanément tant les exactions commises par ce mouvement sont terribles. Or, il convient de constater qu’Assad n’a jamais combattu Daesh et a même favorisé son implantation tout particulièrement dans l’est du pays.

Donc sur quelle base mettre sur pied une intervention au sol avec Assad ? Une telle opération nécessite une confiance entre les partenaires qui ne peut exister avec le président syrien qui n’a de cesse de manipuler ou tout au moins de tenter de manipuler les uns et les autres.

Enfin, pour être efficace, une action au sol ne peut être menée que par des acteurs locaux ou régionaux qui connaissent le terrain ce qui n’est pas le cas des forces françaises.

Les récents exemples d’intervention occidentale dans la région ont été catastrophiques et n’ont absolument pas permis de rétablir la sécurité pour les populations.

Si intervenir au sol signifie se battre contre les opposants au régime de Damas, là encore c’est inenvisageable pour la France car elle soutient cette opposition. En revanche, il est clair que l’objectif d’Assad est de la combattre plutôt que Daesh car cette dernière lui est très « utile »  pour sa communication vis-à-vis des pays occidentaux.

Depuis l’intervention directe des Russes dans la guerre, la majorité des cibles est cette opposition et pas du tout l’organisation de l’État Islamique.

Le débat sur une intervention au sol doit donc porter sur les objectifs à atteindre. Pour réduire la capacité d’action de Daesh, il faut bien évidemment continuer les frappes ce que fait déjà la France dans le cadre de la coalition mise sur pied en août 2014. Seule la présence au sol de forces locales, comme les Kurdes l’ont fait pour reprendre Kobane, est efficace. Ne tombons pas dans le piège de la propagande du régime Assad qui rêve de nous y attirer. C’est un leurre de penser qu’Assad est « moins pire » que Daesh.

Ne nous attaquons pas seulement aux conséquences, Daesh, mais aux racines du drame, la sauvagerie de ce régime.

Et là l’intervention au sol avec ou sans Assad est inopérante.

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