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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faire face aux nouveaux défis contraceptifs
Sabrina Debusquat
Journaliste indépendante spécialiste de la santé des femmes, animatrice à Radio France, féministehttp://jarretelapilule.fr
À l’heure où l’on interdit le bisphénol A dans les boîtes de conserve, des millions de femmes en parfaite santé ingèrent des molécules similaires mille fois plus puissantes : celles de la pilule. Pourtant, aujourd’hui encore, la moindre critique envers la pilule est immédiatement réprimée par réflexe pavlovien. Or savoir, c’est pouvoir.
Savoir que la pilule est un puissant perturbateur endocrinien qui a certainement bien plus d’effets qu’on ne l’imagine, c’est pouvoir commencer à réfléchir à d’autres solutions pour que les femmes n’aient pas à altérer leur santé ou à prendre un risque, même minime, pour assumer la charge contraceptive. Savoir que la science et les études qui étudient l’impact des hormones synthétiques atteignent des limites techniques et sont gangrenées par les conflits d’intérêts c’est pouvoir demander le financement sain d’une recherche vouée à mieux protéger les citoyens. Savoir que la plupart des femmes arrêtent la pilule à cause d’effets secondaires bien concrets et que cela n’a rien à voir avec une quelconque « défiance », « peur irrationnelle » ou « mode bobo-écolo », c’est comprendre qu’il s’agit du choix d’êtres intelligents qui n’ont pas à recevoir de leçons paternalistes sur ce qu’elles devraient faire pour leur corps.
Savoir que les hormones de la pilule sont rejetées dans les eaux usées via nos urines et perturbent gravement la faune pour revenir ensuite dans l’eau du robinet, c’est pouvoir commencer à agir sur le phénomène. Savoir que les hormones de la pilule se stockent dans les graisses des femmes et qu’elles peuvent atteindre le fœtus durant la grossesse, c’est pouvoir demander dès maintenant des réponses claires pour protéger nos enfants. Savoir que la pilule peut-être à l’origine d’une perte de libido ou d’une dépression, c’est pouvoir éviter d’en souffrir des années en croyant que c’est « dans notre tête ». Savoir que des contraceptions efficaces et sans effets secondaires existent, c’est pouvoir faire un réel choix. Savoir tout cela, c’est commencer à chercher des solutions pour relever le défi d’une contraception efficace, sans risques pour la santé, non polluante et égalitaire.
Ceux qui se sont battus pour la pilule ne doivent pas en faire un nouveau conservatisme ni croire que les nouvelles générations leur crachent au visage. Ces générations s’adaptent tout simplement à des réalités nouvelles. Il ne tient qu’à nous de nous allier pour que les utopies d’aujourd’hui deviennent la réalité de demain. Comme l’ont fait avant nous nos parents et grands-parents.
La pilule contraceptive contribue encore aujourd’hui à la libération de la femme
Bernard Hedon
Professeur de Gynécologie-Obstétrique (Faculté de Médecine et Université de Montpellier)http://www.cngof.fr/
Plus de 50 ans après ce qui a été accueilli comme une avancée majeure pour la « libération de la femme », se poser cette question a quelque chose d’un peu iconoclaste. Mais le monde change et l’expérience acquise avec l’usage de ce contraceptif, ainsi que la multiplication des moyens contraceptifs autres, peuvent amener à se la poser.
La réponse médicale n’est sûrement pas d’abonder dans le sens de la défiance qui a été instillée dans notre pays par les médias qui ont relayé à l’excès et de façon dommageable des affaires juridiques, qui ont d’ailleurs depuis été déboutées. La pilule contraceptive est un médicament qui, comme tout produit répondant à cette définition, a des contre-indications qu’il faut respecter et une balance Bénéfices/Risques qui doit être appréciée à chaque prescription. In fine, c’est la patiente elle-même qui est la mieux placée pour savoir si la pilule contraceptive est adaptée à son cas personnel et prend la décision de l’utiliser.
Les bénéfices potentiels de la pilule sont nombreux. Au-delà de son action contraceptive remarquable, la pilule a aussi de nombreux effets secondaires potentiellement bénéfiques tels que : régularisation du cycle, diminution du volume des règles, amélioration d’une éventuelle dysménorrhée, d’un syndrome prémenstruel, de migraines cataméniales, …) La liste est longue, même si, en regard, les détracteurs de la pilule peuvent rédiger une liste toute aussi longue d’effets secondaires néfastes. C’est pour cela que la réponse à la question posée ne peut être qu’une réponse individuelle, en fonction de la façon dont chaque patiente tire bénéfice ou non de son usage.
Quant aux risques majeurs, bien sûr qu’ils existent. Mais d’une part ils sont évités pour l’essentiel par le respect des règles de prescription et le soin attentif porté à la recherche des facteurs de risque et des antécédents de la patiente. D’autre part ils sont très inférieurs aux risques de la grossesse elle-même ou inhérents à des modes de vie choisis et assumés, notamment le tabagisme.
Prescrite dans le respect des règles, et notamment en prenant soin de rechercher les facteurs de risque et les antécédents de la patiente, la pilule contraceptive continue à occuper une place éminente pour la prévention des grossesses non désirées et pour l’épanouissement d’une vie sexuelle maitrisée.