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Une agriculture sans pesticides : un impératif
Une agriculture quasiment sans pesticides est possible si la société civile le souhaite sincèrement. Mais pour cela, elle doit être bien informée pour espérer changer les choses. Le grand public comprendra très vite le besoin de se passer de presque tout pesticide une fois qu’un calcul global des « coûts et bénéfices » lui aura été présenté. Si auparavant les pesticides ont permis d’optimiser la récolte agricole, le revers de la médaille se révèle aujourd’hui sous forme de résistance croissante chez les insectes ravageurs (en même temps que la disparition d’insectes bénéfiques, et notamment les abeilles), en plus des dégâts inattendus pour l’environnement, pour les écosystèmes et pour la santé humaine.
Concrètement, il faut changer de paradigme si nous voulons éviter un écocide (déjà en cours) pour l’environnement avec des conséquences graves pour l’humanité. Une agriculture sans pesticides s’avère non seulement possible mais devient un impératif. Beaucoup de pesticides sont des polluants actifs persistants en plus de leur caractère de perturbateur endocrinien, comme le démontre le chlordécone aux Antilles françaises, et probablement le glyphosate. En l’occurrence, nous sommes quasiment tous contaminés par des pesticides.
Il est également impossible de quantifier le risque réel pour notre santé étant donné que les tests de toxicité effectués pour la commercialisation de tout pesticide n’ont quasiment aucun rapport avec l’exposition chez l’homme. Ces tests impliquent des rongeurs et des poissons, exposés normalement à une seule substance à la fois et à court terme. Par contre, nous sommes exposés à vie à un véritable « cocktail » de pesticides (on retrouve jusqu’à cinq pesticides à la fois sur les raisins de table non bio). Nous sommes tous cobayes de cette politique sanitaire ratée.
Il y a donc urgence à agir pour notre santé et pour l’environnement. Nous avons la possibilité mais également le devoir d’appliquer le savoir-faire du 21ème siècle afin de promouvoir une agriculture durable. Il s’agit de remplacer les champs de monocultures bien arrosés de pesticides par des stratégies respectueuses de l’environnement dans le cadre d’infrastructures agro-écologiques tels la diversification des cultures, l’allongement des rotations, le désherbage mécanique, l’utilisation de produits phytosanitaires « sains », comme l’ortie, les purins de prêle, ou encore la bio-fumigation (libération de molécules volatiles lors de la dégradation de certaines plantes, principalement les crucifères) et bien d’autres pratiques ayant fait leurs preuves.
Pesticides agricoles, outils précieux pour la santé des plantes cultivées
Catherine Regnault-Roger
Professeur des universités émérite à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, membre titulaire de l’Académie d’agriculture de France, membre correspondant de l’Académie nationale de Pharmaciehttps://bit.ly/2CO7Jhf
Se délivrant des aléas de la cueillette et de la chasse, l’homme a inventé l’agriculture pour mieux se nourrir, favorisant ainsi les insectes et animaux qui s’alimentent de ces plantes cultivées et les maladies causées par des microorganismes pathogènes qui les affectent. Il se rendait aussi compte que certains végétaux (qu’il appela mauvaises herbes), entraient en compétition avec elles pour la disponibilité en eau et nutriments. Comprendre ces phénomènes néfastes et agir avec efficacité pour les contrôler fut un long chemin : tout d’abord l’observation, puis la constatation empirique que certains minéraux ou extraits botaniques pouvaient lutter contre ces nuisibles qui diminuent le rendement des cultures.
Ce n’est qu’après de longs tâtonnements et le développement des connaissances scientifiques permettant d’identifier qu’il existe des moyens rationnels, des composés efficaces pour les combattre, qu’il faut situer la mise au point des pesticides. Ce terme anglais qui signifie « tuer les pestes » est devenu péjoratif. Mais savez-vous que ces produits ont délivré ces femmes agenouillées dans les champs du sarclage du lin à mains nues ? Savez-vous que les enfants des écoles des années 1930 étaient obligés, sur ordre préfectoral, d’aller ramasser des doryphores qui ravageaient les champs de pommes de terre ? Les pesticides ont apporté non seulement une amélioration de la protection des cultures mais également des conditions de vie dans les campagnes.
Aujourd’hui l’agriculture peut-elle se passer des pesticides ? Pas vraiment. Toutes les agricultures utilisent des pesticides pour protéger les plantes cultivées : même l’agriculture biologique est grande consommatrice de pesticides autorisés par son cahier des charges, qu’ils soient chimiques à base de minéraux comme la célèbre bouillie bordelaise (cuivre écotoxique) ou d’extraits botaniques ou microbiens (bactéries et champignons entomopathogènes).
Aujourd’hui, on utilise des pesticides au profil environnemental amélioré (certains s’intégrant dans une démarche de biocontrôle) dans le cadre réglementaire européen obligatoire de la Protection Intégrée. Celle-ci conjugue plusieurs approches complémentaires comme l’amélioration de variétés moins sensibles aux maladies et aux insectes, la mise en œuvre de méthodes prophylactiques ou de systèmes de culture agro-écologiques. On n’y utilise les pesticides qu’en dernier recours, car tout comme les antibiotiques qui soignent les hommes et des animaux, les pesticides agricoles qui protègent la santé des plantes cultivées, doivent être utilisés à bon escient et avec parcimonie.
Il n’existe qu’une santé sur terre : celle des hommes, des plantes, des animaux et de l’environnement. Une seule santé et une seule planète.
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