Une agriculture sans pesticides est-elle possible ?

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce qu'un pesticide ?

Un pesticide est une appellation générique qui regroupe différentes catégories de produits chimiques permettant de combattre des organismes considérés comme nuisibles ou indésirables.

Ils regroupent les fongicides (pour éliminer les champignons), les herbicides ou désherbants (pour éliminer des végétaux), les insecticides (pour tuer ou repousser des insectes) et les parasiticides (pour éliminer les parasites).

Les pesticides sont utilisés dans l’agriculture, le traitement du bois, la gestion des espaces verts et des forêts, les lieux publics (pour lutter contre les cafards, par exemple) mais aussi pour l’usage domestique : les anti-poux, anti-fourmis, antimites, etc. sont également des pesticides.

Ils sont majoritairement fabriqués par des entreprises de l’agrochimie dont les plus connues : Syngenta, BASF, Dupont, Monsanto, Bayer ou Dow.

Chaque année, c’est plus de 66.600 tonnes pesticides qui sont utilisées en France dans les cultures agricoles (90%) ou horticoles (10%).

Que dit la loi au sujet des pesticides ?

Les lois sur les pesticides sont aussi nombreuses que les différents types de pesticides.

En France, c’est le ministère de l’agriculture et l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui délivrent les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires, dont les pesticides. L’agence fonctionne en collaboration avec le programme Physan de la Commission européenne, qui régule les autorisations de pesticides au niveau européen.

Selon la Commission européenne, environ 4000 produits différents sont autorisés à la vente en France.

Aucune loi française aujourd’hui fixe une limite de concentration de pesticides dans l’air. La France est d’ailleurs le pays le plus consommateur de pesticides en Europe, aux cotés de l’Espagne.

Pour pallier à cela, le gouvernement a lancé le plan « Ecophyto » en 2008 lors du Grenelle de l’environnement. Son objectif ? Réduire les pesticides à 50% d’ici 2018. Au vu des échecs, les exigences furent repoussées à 2025.

Différents labels, comme le label Bio / Agriculture biologique, garantissent la non-utilisation des pesticides de synthèse.

Pourquoi on en parle en ce moment ?

Depuis quelques années, de plus en plus d’études pointent du doigt la dangerosité des pesticides pour l’environnement mais également au niveau de la santé, notamment certains pour leurs effets cancérigènes.

Dernièrement, la multinationale Monsanto a perdu son procès contre un agriculteur atteint d’une maladie neurologique.

L’agriculture utilisant des pesticides est ainsi de plus en plus remise en cause, mais est-ce possible aujourd’hui de faire sans ? Découvrez notre débat.

Numéro 2

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LE « POUR »

Une agriculture sans pesticides : un impératif

Billet rédigé par :

André Ménache

Conseiller scientifique pour Antidote Europe
http://www.antidote-europe.org

Une agriculture quasiment sans pesticides est possible si la société civile le souhaite sincèrement. Mais pour cela, elle doit être bien informée pour espérer changer les choses. Le grand public comprendra très vite le besoin de se passer de presque tout pesticide une fois qu’un calcul global des « coûts et bénéfices » lui aura été présenté. Si auparavant les pesticides ont permis d’optimiser la récolte agricole, le revers de la médaille se révèle aujourd’hui sous forme de résistance croissante chez les insectes ravageurs (en même temps que la disparition d’insectes bénéfiques, et notamment les abeilles), en plus des dégâts inattendus pour l’environnement, pour les écosystèmes et pour la santé humaine.

Concrètement, il faut changer de paradigme si nous voulons éviter un écocide (déjà en cours) pour l’environnement avec des conséquences graves pour l’humanité. Une agriculture sans pesticides s’avère non seulement possible mais devient un impératif. Beaucoup de pesticides sont des polluants actifs persistants en plus de leur caractère de perturbateur endocrinien, comme le démontre le chlordécone aux Antilles françaises, et probablement le glyphosate. En l’occurrence, nous sommes quasiment tous contaminés par des pesticides.

Il est également impossible de quantifier le risque réel pour notre santé étant donné que les tests de toxicité effectués pour la commercialisation de tout pesticide n’ont quasiment aucun rapport avec l’exposition chez l’homme. Ces tests impliquent des rongeurs et des poissons, exposés normalement à une seule substance à la fois et à court terme. Par contre, nous sommes exposés à vie à un véritable « cocktail » de pesticides (on retrouve jusqu’à cinq pesticides à la fois sur les raisins de table non bio). Nous sommes tous cobayes de cette politique sanitaire ratée.

Il y a donc urgence à agir pour notre santé et pour l’environnement. Nous avons la possibilité mais également le devoir d’appliquer le savoir-faire du 21ème siècle afin de promouvoir une agriculture durable. Il s’agit de remplacer les champs de monocultures bien arrosés de pesticides par des stratégies respectueuses de l’environnement dans le cadre d’infrastructures agro-écologiques tels la diversification des cultures, l’allongement des rotations, le désherbage mécanique, l’utilisation de produits phytosanitaires « sains », comme l’ortie, les purins de prêle, ou encore la bio-fumigation (libération de molécules volatiles lors de la dégradation de certaines plantes, principalement les crucifères) et bien d’autres pratiques ayant fait leurs preuves.

LE « CONTRE »

Pesticides agricoles, outils précieux pour la santé des plantes cultivées

Billet rédigé par :

Catherine Regnault-Roger

Professeur des universités émérite à l’Université de Pau et des pays de l’Adour, membre titulaire de l’Académie d’agriculture de France, membre correspondant de l’Académie nationale de Pharmacie
https://bit.ly/2CO7Jhf

Se délivrant des aléas de la cueillette et de la chasse, l’homme a inventé l’agriculture pour mieux se nourrir, favorisant ainsi les insectes et animaux qui s’alimentent de ces plantes cultivées et les maladies causées par des microorganismes pathogènes qui les affectent. Il se rendait aussi compte que certains végétaux (qu’il appela mauvaises herbes),  entraient en compétition avec elles pour la disponibilité en eau et nutriments. Comprendre ces phénomènes néfastes et agir avec efficacité pour les contrôler fut un long chemin : tout d’abord l’observation, puis la constatation empirique que certains minéraux ou extraits botaniques pouvaient lutter contre ces nuisibles qui diminuent le rendement des cultures.

Ce n’est qu’après de longs tâtonnements et le développement des connaissances scientifiques permettant d’identifier qu’il existe des moyens rationnels, des composés efficaces pour les combattre, qu’il faut situer la mise au point des pesticides. Ce terme anglais qui signifie « tuer les pestes »  est devenu péjoratif. Mais savez-vous que ces produits ont délivré ces femmes agenouillées dans les champs du sarclage du lin à mains nues ? Savez-vous que les enfants des écoles des années 1930 étaient obligés, sur ordre préfectoral, d’aller ramasser des doryphores qui ravageaient les champs de pommes de terre ?  Les pesticides ont apporté non seulement une amélioration de la protection des cultures mais également des conditions de vie dans les campagnes.

Aujourd’hui l’agriculture peut-elle se passer des pesticides ? Pas vraiment. Toutes les agricultures utilisent des pesticides pour protéger les plantes cultivées : même l’agriculture biologique est grande consommatrice de pesticides autorisés par son cahier des charges, qu’ils soient chimiques à base de minéraux comme la célèbre bouillie bordelaise (cuivre écotoxique) ou d’extraits botaniques ou microbiens (bactéries et champignons entomopathogènes).

Aujourd’hui, on utilise des pesticides au profil environnemental amélioré (certains s’intégrant dans une démarche de biocontrôle) dans le cadre réglementaire européen obligatoire de la Protection Intégrée. Celle-ci conjugue plusieurs approches complémentaires comme l’amélioration de variétés moins sensibles aux maladies et aux insectes, la mise en œuvre de méthodes prophylactiques ou de systèmes de culture agro-écologiques. On n’y utilise les pesticides qu’en dernier recours, car tout comme les antibiotiques qui soignent les hommes et des animaux, les pesticides agricoles qui protègent la santé des plantes cultivées, doivent être utilisés à bon escient et avec parcimonie.

Il n’existe qu’une santé sur terre : celle des hommes, des plantes, des animaux et de l’environnement. Une seule santé et une seule planète.

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