Déchets nucléaires

Déchets nucléaires dangereux : faut-il les enfouir ?

📋  Le contexte  📋

Fin 2016, la France comptait 1 540 000 m³ de déchets radioactifs sur son territoire. 90% de ces déchets, majoritairement à vie courte, sont stockés en surface en attente de décroissance radioactive sur des sites gérés par l’Andra (L’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs).

Les déchets les plus radioactifs ou à durée de vie longue issus du retraitement des combustibles nucléaires usés sont quant à eux entreposés dans des usines de traitement en attente d’une solution de stockage durable.

Des recherches ont été menées à partir de 1991 afin de choisir un mode de stockage durable pour les déchets les plus dangereux. 3 pistes ont été étudiées : la séparation/transmutation, l’entreposage de longue durée en surface ou subsurface et enfin le stockage géologique profond. C’est cette dernière qui a été retenue par la loi de 2006.

En 2016, le Parlement a voté une loi définissant les modalités du projet dans le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), dont la construction est prévue près de la commune de Bure. Cependant, la construction du site n’est pas encore autorisée et l’Andra doit encore déposer une demande d’autorisation.

Un grand débat public sur le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs a été lancé par l’état en avril et s’achèvera le 25 septembre. Son objectif affiché est d’aborder les grands enjeux dans ce domaine : gestion des combustibles usés, des déchets issus du démantèlement des centrales, des capacités d’entreposage, la sûreté, etc.. Et vous pouvez contribuer sur participons.debatpublic.fr ! L’occasion pour nous de poser le débat…

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
Le « Pour »
Alexis Quentin
Membre de l’association "Les Voix du Nucléaire"
Cigéo : la meilleure solution, que ce soit sur le plan technique ou démocratique

Le débat sur la gestion des déchets à haute activité agite la scène politique et médiatique depuis presque trente ans.

En 1991 est votée la Loi Bataille donnant 15 ans aux scientifiques pour effectuer des recherches sur les trois solutions alors envisagées : l’entreposage, la transmutation et le stockage en couches géologiques profondes.

Un choix démocratique et scientifique

Ces travaux seront prolongés de 5 ans, toujours sur demande du Parlement. Vingt ans de travaux, et une proposition, le stockage en couches géologiques profondes, Cigéo. Cette proposition sera soumise à débat public (boycotté par les opposants), et le choix sera entériné en juillet 2016 par le Parlement.

Jean-Luc Mélenchon disait lors de l’examen de la Loi Bataille que la meilleure des sécurités nucléaires, c’était la démocratie. Le choix de Cigéo s’est fait de manière on ne peut plus démocratique, à moins de considérer que le Parlement ne l’est pas. Et ce choix s’est fait sur des bases scientifiques. Les synthèses de ces travaux sont d’ailleurs librement et gratuitement accessibles au public.

Une solution sûre, faisable et réversible

Elle est la solution qui présente le moins de risques et dont la faisabilité a été démontrée, naturellement. Car peu le savent, mais il a existé un réacteur nucléaire à l’état naturel, à Oklo au Gabon, qui a fonctionné il y a quelques millions d’années.

La solution qu’a trouvée la Nature pour confiner les déchets ? Les couches géologiques. Et la roche choisie pour Cigéo, basée sur les travaux de géologues, offre les garanties de stabilité nécessaires.

L’autorité de sûreté nucléaire, également impliquée dans le processus et dont l’indépendance n’est pas remise en cause, veille aussi au grain, faisant de ce projet un projet sûr.

Les alternatives sont encore trop risquées et incomplètes

Quelles sont les alternatives ? L’entreposage en surface consiste à laisser complètement le fardeau aux générations futures, et s’en laver les mains. Sans oublier les risques de sécurité dont cette solution fait preuve, car des installations de surface où seraient entreposés les déchets présentent à terme des risques de sécurité qui n’existent pas pour le stockage en profondeur.

La transmutation, aujourd’hui, n’est pas prête. Des projets existent, dont celui proposé dernièrement par Gérard Mourou, mais on ne sait pas s’ils seront faisables. Et c’est là que vient la réversibilité de Cigéo, elle aussi inscrite dans la Loi.

Pendant cent ans, si on vient à trouver une meilleure solution, on peut changer son fusil d’épaule et modifier la solution de gestion.

En somme Cigéo est une solution robuste techniquement, décidée démocratiquement. En d’autres termes, la meilleure des solutions qu’on ait aujourd’hui.

Le « Contre »
Bernard Laponche
Physicien nucléaire, consultant international dans les domaines de l’énergie et de l’efficacité énergétique et membre de l’association Global Chance
Déchets nucléaires : une alternative à Cigéo

En France, les déchets nucléaires les plus dangereux, de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL), sont les sous-produits de la production du plutonium par le « retraitement » des combustibles irradiés à La Hague. La solution actuellement choisie pour leur gestion est l’enfouissement en couche géologique argileuse profonde: le projet Cigéo.

De nombreux problèmes de sûreté et de sécurité

L’examen du dossier d’options de sûreté soumis par l’Andra en 2016 a mis en évidence de nombreux problèmes de sûreté et de sécurité : risque d’explosion (production d’hydrogène et ventilation), risque d’incendie (en particulier colis bitumineux), agressions extérieures naturelles (notamment liées aux bouleversements climatiques) ou malveillantes, non-récupération possible d’un colis qui s’avérerait défaillant… La réversibilité demandée par le Parlement, qui devrait garantir aux générations futures la possibilité d’intervenir et de « changer de méthode », n’est pas assurée.

Un risque de pollution généralisée des eaux souterraines

La reproduction un peu partout dans le monde d’un tel modèle de gestion dans des conditions incontrôlables pour des déchets nucléaires ou chimiques conduirait inévitablement à une pollution généralisée des eaux souterraines.

À la logique du projet Cigeo s’oppose la notion d’entreposage surveillé et pérennisé qui repose sur la notion d’évolution : évolution scientifique et technique, évolution des esprits et des sociétés.

On rejoint ainsi l’association de deux des voies proposées par la loi de 1991 : associer l’entreposage à sec à moyen terme en subsurface à la poursuite de la recherche afin de réduire la nocivité et la durée de vie des déchets nucléaires les plus dangereux.

L’entreposage à sec existe déjà en France, à l’usine de La Hague, pour les types de déchets qui seraient stockés dans Cigeo. Ils peuvent être transférés dans des conteneurs spécialement conçus pour un stockage à sec de longue durée, pouvant être fabriqués par Orano (qui en vend déjà aux États-Unis).
Puis de les entreposer dans des hangars creusés à faible profondeur ou dans un flanc de colline dans des conditions de surveillance et de contrôle, d’accessibilité, de récupérabilité et de réversibilité pendant une durée que l’on peut estimer à 300 ans, car c’est la durée pendant laquelle les stockages des déchets de moindre activité devront être contrôlés et surveillés.

La séparation-transmutation : une alternative qui peut être améliorée

Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, la solution «  séparation-transmutation  » pourrait constituer une alternative au stockage géologique et pourrait être améliorée par le traitement laser proposé par le prix Nobel de physique Gérard Mourou. Cette solution présente des difficultés, mais la science nucléaire est récente et il faut « laisser le temps à la recherche » pour de nouvelles propositions.

Rien ne justifie que l’on récuse la voie de la recherche d’une solution satisfaisante au profit d’un enfouissement irréversible inacceptable sur le plan éthique.

Quelle est votre opinion maintenant ?

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".