64 voire 65 ans : faut-il reculer l’âge de départ à la retraite ?

📋  Le contexte  📋

L’âge minimal pour partir à la retraite est aujourd’hui de 62 ans.  Pour pouvoir percevoir une pension complète (c’est-à-dire à taux plein), il faut avoir cotisé un certain nombre de trimestres. Cette durée de cotisation dépend de votre année de naissance. Elle va de 167 trimestres (41 ans et 9 mois) si vous êtes né avant 1959 et va jusqu’à 172 trimestres (43 ans) si vous êtes né après 1973. Si vous remplissez ces 2 conditions (d’âge et de durée de cotisation), vous pouvez percevoir à la fois votre retraite de base à taux plein et votre retraite complémentaire sans minoration. Entre 62 et 67 ans, vous pouvez partir à la retraite même si vous n’avez pas cotisé le nombre de trimestres nécessaires, mais votre pension est alors réduite : une décote est appliquée à votre pension lors du calcul. À 67 ans, un salarié qui n’a pas cotisé le nombre de trimestres nécessaire pourra partir à la retraite sans pénalité de minoration (décote). Néanmoins, sa pension sera calculée au prorata du nombre de trimestres cotisés.

Il existe certains cas de départ anticipé :

  • le départ anticipé pour carrière longue, pour les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans ;
  • le départ anticipé pour handicap, ouvert à partir de 55 ans, à certaines conditions ;
  • le départ anticipé pour carrière pénible, accessible de plusieurs manières (incapacité permanente, compte personnel de prévention ou amiante).

De plus, les âges légaux de départ à la retraite varient selon les régimes. Dans la fonction publique, l’âge d’ouverture des droits à la retraite est variable. Il est de 62 ans pour les agents des catégories « sédentaires » (métiers de bureau), qui sont mis d’office à la retraite à 67 ans, et de 52 ou 57 ans pour les agents des catégories « actives » (métiers de terrain pénibles ou dangereux), qui sont mis d’office à la retraite à 57 ou 62 ans. Dans les régimes spéciaux, l’âge d’ouverture des droits est variable (de 40 à 62 ans) et diffère selon le métier exercé et l’ancienneté. Cependant, depuis la réforme des retraites de 2010 et une série de décrets, la plupart de ces régimes s’alignent progressivement sur l’âge légal de droit commun, à 62 ans.

Le conseil d’orientation des retraites (COR) publie chaque année un rapport sur la situation et les perspectives de l’ensemble des régimes de retraite, de base et complémentaires.  Dans son rapport de juin 2021, le COR indique que le déficit du système a atteint 18 milliards d’euros en 2020, soit 0,8% du produit intérieur brut (PIB). L’ampleur du déficit de 2020 s’explique essentiellement par la baisse des recettes qui ont diminué de 4% (les ressources du système de retraite  étaient de 325 milliards d’euros en 2020). La baisse des cotisations sociales avec la chute de l’emploi, le recours massif au chômage partiel (exempté de cotisations sociales) et les reports de paiement en sont la cause. Le déficit global du système de retraite devrait toutefois se réduire en 2021.  La situation déficitaire durera probablement encore plusieurs années. Toutefois, en dépit de la crise du Covid-19 et du vieillissement démographique attendu, le COR dresse le constat, « à législation inchangée », d’une baisse des dépenses de retraite en pourcentage du PIB. Pour le COR, la part de la richesse nationale consacrée aux retraites pourrait passer de 14,7% du PIB en 2020 à 11,3% en 2070 (selon l’un des scénarios envisagés). Cet indicateur est particulièrement important « dans la mesure où il exprime […] le niveau des prélèvements qu’il faut opérer sur la richesse produite par les actifs pour assurer l’équilibre ». Cette part serait appelée à diminuer dès 2021 et retrouverait un niveau proche d’avant la crise dès 2022. Ce résultat du COR peut sembler étonnant au regard du vieillissement démographique attendu. En fait, selon le COR, les évolutions démographiques défavorables seront contrebalancées par la baisse à venir de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité, à législation inchangée. En clair, la pension continuerait de croître en euros constants, mais moins vite que les revenus. Le solde du système de retraite varierait entre +2,1% et -0,7% du PIB en 2070 selon les scénarios (il existe 4 scénarios de croissance allant de 1% à 1,8%) et la convention retenue.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
François Ecalle
Président de FIPECO
Pour un recul de l’âge de la retraite

L’âge moyen auquel est versée la première pension de retraite est d’un peu plus de 62 ans en 2020 avec de fortes différences entre les régimes de retraite : environ 63 ans pour les salariés du secteur privé et une partie des fonctionnaires ; moins de 60 ans pour les autres fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux (SNCF…). Il est plus élevé qu’en France dans presque tous les autres grands pays de l’OCDE. Malgré la hausse du rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants, les régimes de retraite devraient avoir un résultat financier excédentaire à partir du milieu de la prochaine décennie du fait de la forte baisse du taux de remplacement (rapport entre la pension moyenne et la rémunération d’activité moyenne) qui résultera de la réglementation actuelle. Des mesures de redressement financier peuvent toutefois être justifiées si on donne plus d’importance aux déficits des prochaines années ou si on considère que les régimes de retraite devraient réduire rapidement leurs dettes. En outre, le solde financier des régimes de retraite est amélioré par des subventions de l’Etat aux régimes spéciaux qui pourraient être réduites en revenant sur certaines de leurs particularités (âge minimal de départ à 57 ou 52 ans).

Cette hausse de l’emploi s’accompagne d’une hausse de la production et c’est la principale justification d’un recul de l’âge de la retraite

Le recul de l’âge de la retraite contribue à augmenter la population active (en emploi ou au chômage). Il en résulte une hausse du chômage, mais seulement à court terme. A long terme, l’emploi s’accroît dans la même proportion que la population active et le taux de chômage n’augmente pas. Si on met en relation sur un graphique les taux de croissance de la population active et de l’emploi dans les pays de l’OCDE de 1999 à 2019, il apparait en effet que la croissance de l’emploi est presque partout quasiment égale à celle de la population active. Plus celle-ci est dynamique, plus la croissance de l’emploi est forte. En France, la réforme de 2010 (recul de deux ans de l’âge minimal de départ) a ainsi entraîné une hausse du taux d’emploi, notamment de celui des séniors. Cette hausse de l’emploi s’accompagne d’une hausse de la production et c’est la principale justification d’un recul de l’âge de la retraite. 

Un recul de deux ans de l’âge minimal de départ […] réduirait le déficit public de 0,9% du PIB

Un recul de deux ans de l’âge minimal de départ étalé sur huit ans réduirait le déficit public de 0,9 % du PIB (environ 22 Md€ d’aujourd’hui) à long terme (20 ans). A un horizon de 10 ans et compte-tenu des effets négatifs de court terme, le déficit ne serait diminué que de 0,4 % du PIB (environ 10 Md€), mais les effets d’une telle mesure sont plus rapidement favorables quand les entreprises ont des difficultés pour recruter. Un recul de l’âge effectif de la retraite pourrait donc contribuer à réduire la dette publique, mais aussi permettre de limiter la baisse du taux de remplacement des salaires par les pensions ou encore de financer une meilleure prise en charge de la dépendance. Ce recul pourrait aussi être obtenu en augmentant le nombre de trimestres requis pour avoir une pension au taux plein. Les effets économiques à long terme seraient semblables mais ceux qui ont commencé à travailler tôt seraient moins touchés.

Le « Contre »
Annie Jolivet
Economiste, chercheure au CEET (Centre d’études de l’emploi et du travail) et au CRTD (Centre de recherches sur le travail et le développement) du Conservatoire national des arts et métiers, chercheuse associée à l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) et GIS CREAPT (Centre de recherche sur l’expérience et l’âge des populations au travail).
Débattre de l’âge de départ à la retraite est un débat tronqué

L’âge dont il est question n’est pas l’âge auquel on part à la retraite (auquel on demande à toucher une pension retraite) : c’est l’âge d’ouverture des droits, l’âge auquel au plus tôt on peut toucher une pension de retraite, un âge minimum donc. Ce n’est pas forcément l’âge auquel on aura vraiment droit à une pension de retraite car cet âge-là dépend aussi de la durée pendant laquelle on aura cotisé. On cotise quand on travaille et on peut valider des droits pour une durée d’études, pour des congés maternité/paternité, pour des congés maladie, pour une durée de chômage. Si on a atteint l’âge d’ouverture des droits mais qu’on n’a pas la durée d’assurance minimum nécessaire, il faut attendre. Sinon le montant de la pension est réduit.

On peut entretemps avoir des problèmes de santé ou dégrader sa santé en tenant coûte que coûte

Si on relève l’âge d’ouverture des droits (sans changer la durée d’assurance minimum), les personnes qui ont déjà la durée d’assurance mais pas encore cet âge devront attendre davantage pour demander leur pension de retraite. Aujourd’hui l’âge minimum est de 62 ans. La durée d’assurance minimum pour les personnes nées après 1973 est de 43 ans. Une personne qui a commencé à travailler à 20 ans pourrait donc prendre sa retraite à taux plein à 20+43=63 ans. Si on augmente l’âge minimum à 65 ans, il faut attendre 2 ans de plus. Pas forcément grave. Cela dépend : si on n’a pas de pathologie qui gêne dans le travail, si on arrive à récupérer de la fatigue de la semaine, si on a un emploi, si le travail qu’on fait est tenable et même plutôt sympa, si on a autour de soi des collègues qui rendent le travail tenable voire agréable, pourquoi ne pas continuer un peu plus pour une meilleure retraite ? Cela fait beaucoup de « si ». Il peut être très difficile de tenir, voire de vivre lorsqu’on est sans emploi et sans revenu suffisant. Lorsque l’âge minimum est plus élevé, c’est une contrainte et pas un choix. De plus, au moment où on liquide sa retraite (on en demande le versement), on aura cotisé 2 ans de plus que nécessaire. Sans avoir une retraite plus élevée. Et on peut entretemps avoir des problèmes de santé ou dégrader sa santé en tenant coûte que coûte.

Abaisser l’âge minimum pour une retraite à taux plein […] cesserait de pénaliser les personnes qui auront acquis leur durée d’assurance minimum avant [65ans]

Bien sûr il est possible de prévoir des cas où on peut partir avant l’âge minimum : cela existe déjà avec les retraites anticipées. La plus connue est la retraite anticipée longue carrière. Seulement il faut pour cela remplir des conditions. Pour une longue carrière par exemple, il faut avoir commencé tôt et avoir une durée d’assurance validée plus élevée de 2 ans. S’il manque même un ou deux trimestres seulement, il faudra attendre l’âge minimum pour avoir une retraite à taux plein. Abaisser l’âge minimum pour une retraite à taux plein ne changerait pas grand-chose pour toutes les personnes qui ont commencé plus tard ou ont des « trous » dans leur parcours. La durée d’assurance requise joue de toute façon : 22+43 = 65 ! En revanche, cela cesserait de pénaliser les personnes qui auront acquis leur durée d’assurance minimum avant cet âge, et les personnes qui ne remplissent pas les conditions strictes pour des retraites anticipées.

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