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Deux sont complémentaires, vingt-sept c'est une foule !
Emma Farrugia
Avocate, Membre du Bureau exécutif de Jeunes Européens Fédéralistes (JEF Europe)http://www.jef.eu/
L’idée d’une armée européenne commune n’est pas une nouveauté apparue ces dernières années. Cette discussion était en effet présente depuis la création du projet européen, qui était premièrement et avant tout une initiative pacifique.
Après de nombreuses années de petits progrès en ce qui est sans doute une des plus importantes fonctions du projet, l’Union Européenne a finalement regagné une volonté et un dynamisme politique pour réaliser cette ambition avec le président Macron et la chancelière Merkel, tous deux appelant en novembre 2018 à créer une armée européenne commune.
Nous avons atteint les limites d’un système décentralisé
La responsabilité que nous avons à continuer d’assurer la paix et la stabilité sur notre continent ne peut pas être acquise en maintenant la coopération intergouvernementale entre les Etats membres – les limites d’un système décentralisé ont été atteintes. Aujourd’hui, les défis et les menaces auxquels l’Europe fait face sont simplement trop importants pour que chaque état membre les combatte seul.
L’Europe est d’autant plus légitime pour lutter contre les nouvelles menaces
Les menaces réelles et communes des nationalistes, populistes, le terrorisme et la criminalité organisée, les instabilités au Moyen-Orient et les régions de l’Afrique du Nord, et plus particulièrement, des Etats illibéraux comme la Russie, demande un renouvellement d’efforts des Etats membres. Cette situation peut être combattue uniquement par les capacités européennes et une autonomie stratégique.
En pratique, cela signifierait de créer une réelle union de défense en metttant en commun la recherche et les ressources techniques, financières et civiles pour avancer vers l’objectif de la création d’une force militaire Européenne et multi-nationale. Elle disposerait des capacités militaires et de planification propres aux domaines de la prévention de conflits et de la gestion des crises.
Il faut renforcer l’influence de l’UE et ne plus compter sur la protection des Etats-Unis
L’avantage d’avoir une approche solide et commune au lieu de vingt sept politiques de sécurité et de défense différentes préviendra une duplication de ressources, particulièrement dans le secteur de l’investissement pour la défense, qui augmenterait à son tour l’efficacité en temps de crise, les économies dans les budgets nationaux et qui renforcerait l’influence de l’UE à l’échelle globale.
A part les menaces réelles auxquelles fait face l’UE sous l’administration du président Trump, la politique étrangère des Etats-Unis envers l’Europe change à grande vitesse, il est donc grand temps que l’UE arrête de compter sur les Etats-Unis pour être son protecteur. Au lieu de cela, elle doit faire plus pour protéger ses citoyens.
Grâce à une armée européenne commune, l’UE pourrait enfin agir indépendamment en gérant et en répondant aux crises de manière efficace, tout en rendant l’OTAN plus opérationnel dans son rôle de garant de la sécurité et de la défense en Europe.
Un projet coûteux et inutile pour l'UE
Adriel Kasonta
Consultant politique et analyste en affaires étrangères, Adriel Kasonta Consultinghttps://www.adrielkasonta.com/
Afin de mesurer la faisabilité d’une « armée européenne », il faut étudier le concept d’armée avant d’explorer plus largement ce sujet. Si l’on s’en tient à la définition la plus basique d’une « armée », on comprend que cette notion est fortement liée aux questions de souveraineté et d’état nation. L’armée, soit le service armé d’un état nation, a toujours été utilisée pour renforcer l’unité nationale et le patriotisme.
Si l’on accepte que l’armée est un des cœurs des institutions de l’état souverain, principalement utilisé comme une force extérieure, il paraît donc légitime de se demander comment une « armée européenne » pourrait voir le jour.
Une concurrence de la raison d’état de ses membres
Alors que l’UE peut (et devrait) remplir son rôle de deuxième économie mondiale, il lui serait extrêmement difficile de concurrencer la raison d’état de ses états membres si hétérogènes sur le plan historique, culturel et économique. Ainsi, plusieurs questions légitimes émergent autour de cette problématique :
Cette « armée européenne » aurait-elle ses propres troupes (comment seraient-elles régulées), ou bien aurait-elle plutôt recours aux contributions individuelles des états membres ?
Quelle serait l’ampleur de cette armée et pourquoi ?
Comment seraient prises les décisions organisant la direction et la mise en exécution de ses opérations militaires ?
Et surtout, comment serait-elle financée ?
Une dépense qui n’est pas prioritaire pour l’Europe
Les modes de financement de cette armée joueraient un rôle crucial. Le cas des dépenses de l’OTAN donne un exemple inégalé de l’approche européenne concernant la budgétisation requise à un tel projet. Selon le rapport annuel de l’OTAN publié en Mars 2018, parmi les 29 membres de l’organisation internationale, seuls 7 d’entre eux atteignent le niveau de dépenses recommandé (2% du PIB). Vu l’état actuel des choses, cela n’encourage pas à penser que la défense fait partie des « priorités » pour l’Europe, et encore moins la création de sa propre armée.
Une politique de sécurité commune déjà suffisante
La préoccupation la plus évidente est qu’une telle institution se superposerait inutilement aux structures déjà en place, et négligées, de l’OTAN, mais aussi, qu’elle concurrencerait cette-dernière en matière de ressources militaires qui sont déjà si difficiles à obtenir. Actuellement, sous la « Politique Européenne de Sécurité Commune », des opérations militaires de l’UE peuvent être demandées à des fins de maintien de la paix, prévention des conflits et renforcement de la sécurité internationale. Cette possibilité assure déjà suffisamment de pouvoirs à une alliance économique sans intentions hostiles.
Destinons le budget à d’autres projets et solidifions nos structures existantes
Dans les faits, les Parlements nationaux des états membres continueront de jouer un rôle crucial dans les décisions de déploiement des soldats, et ils seront très réticents à l’idée de céder le moindre pouvoir substantiel lié à cette matière qui (pour l’instant) reste de ressort national.
Au lieu de gâcher l’argent de ses contribuables dans un projet coûteux et inutile, l’Union Européenne devrait plutôt le destiner à la recherche scientifique, à l’éducation, et à enfin s’impliquer sérieusement dans les structures existantes et salutaires de l’OTAN.
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