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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Feux rouges pour les vols intérieurs
Anne-Marie Ghemard
Vice présidente de la fédération nationale des associations d'usagers des transportshttps://www.fnaut.fr/
L’urgence climatique est là. Nous la constatons tous au quotidien et l’inquiétude monte. Le transport est le plus grand responsable en France : 30 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2017. Il faut donc changer rapidement nos habitudes de déplacement. Nous n’échapperons pas à une augmentation du prix des carburants mais pour que cette hausse soit acceptable, elle doit être équitablement répartie et les transports publics durables doivent être efficaces.
Selon l’ADEME, l’avion produit 40 fois plus de GES que le TGV
L’avion est le moyen de transport le plus gros émetteur de gaz à GES par km passager transporté. Selon l’ADEME, l’avion produit 40 fois plus de GES que le TGV. De plus, les avions produisent aussi du méthane, des oxydes d’azote et des traînées de vapeur d’eau qui augmentent le forçage radiatif. Les émissions sont particulièrement importantes en phase de montée. Les vols intérieurs sont donc très émissifs. De plus l’avion par sa rapidité incite à aller plus loin donc à émettre plus de GES. Les mesures compensatoires vantées par les compagnie aériennes sont fallacieuses.
L’avion reste un transport de riches. Selon la Direction Générale de l’Aviation Civile seuls 2 % des passagers en avion sont des ouvriers alors qu’ils représentent 12 % de la population. A contrario 50 % des passagers sont de classe sociale supérieure (28 % de la population).
Les billets d’avions sont très bon marché, parce qu’ils sont défiscalisés et subventionnés. Le coût total des subventions et détaxations pour les vols intérieurs est de 505 millions d’euros par an (Jacques Pavaux, étude 2019). « Globalement, avec une fiscalité équitable par rapport aux autres moyens de transport, le billet d’avion serait environ 2 fois plus cher » estime The Shift Project.
Si l’on veut participer à la lutte contre le changement climatique, il faut arrêter de prendre l’avion
La Fnaut demande que
• le kérosène soit soumis aux mêmes taxes que l’essence et le gazole ;
• toutes les externalités soient prises en compte pour atteindre l’équité entre les modes ;
• l’État et les collectivités cessent de subventionner les aéroports, hormis obligation de service public ;
• la régénération du réseau ferré soit prioritaire sur les travaux routiers ou aéroportuaires ;
• l’État et les régions s’engagent dans des politiques réellement écologiques en organisant des services de train performants c’est à dire rapides, fréquents, cadencés y compris des trains de nuit pour les voyages plus longs.
Ce qui permettra de reconvertir les petits aéroports devenus inutiles.
En attendant ces mesures indispensables, si l’on veut participer à la lutte contre le changement climatique, il faut arrêter de prendre l’avion, en commençant par les vols intérieurs.
Le transport aérien est complémentaire des autres modes
La suppression de certaines lignes intérieures est une mesure déconnectée des réalités du transport aérien.
1. Les lignes aériennes intérieures répondent aux besoins de mobilité rapide des Français
Il faut d’abord relever que les usagers du transport aérien sont de plus en plus nombreux. En 2018, le nombre de passagers sur les aéroports français a dépassé les 206 millions. 27% ont emprunté les lignes intérieures soit 52 millions . Les liaisons transversales Région-Région connaissent un engouement certain. Entre 2008 et 2018, le trafic sur les lignes transversales a augmenté de 64,4% alors que les liaisons Régions-Paris ont connu, elles, une baisse de 2,4%.
L’avion est donc complémentaire des autres modes de transport
Les lignes intérieures répondent donc à une véritable attente des Français en matière de mobilité aérienne. Elles permettent de se déplacer rapidement sur certains trajets, à des tarifs comparables à ceux du train, lorsque le ferroviaire n’offre pas de solution de mobilité commode. Ainsi un Caen-Toulouse peut se faire en avion en 1h30 contre plus de 7 heure en train. L’avion est donc complémentaire des autres modes de transport et trouve sa pertinence là où les autres modes ne répondent pas à la demande de mobilité rapide des Français.
2. L’avion n’est pas en concurrence avec le TVG
Sur des trajets de moins de 3 heures, rares sont les Français qui prennent l’avion quand il existe une offre de TGV. Ainsi la part des passagers vers Paris dans le trafic d’aéroports comme Lyon ou Nantes est inférieure à 20%. Et encore faut-il ajouter qu’une écrasante majorité de ces voyageurs est constituée de passagers en correspondance vers le hub de Paris-Charles de Gaulle.
Les solutions aux nuisances environnementales du transport aérien ne sont pas à rechercher dans un report modal illusoire ou une taxation franco-française
Supprimer certaines lignes intérieures reviendrait donc à compliquer l’accès des Français habitant en région aux liaisons internationales via le hub de Paris-Charles de Gaulle. Les principaux bénéficiaires de l’opération ne seraient pas les opérateurs ferroviaires… mais les hubs étrangers comme Londres- Heathrow ou encore Francfort.
Bref, les solutions aux nuisances environnementales du transport aérien ne sont pas à rechercher dans un report modal illusoire ou une taxation franco-française sans aucun effet environnemental mais bien dans le transport aérien lui-même. Il faut plutôt que les pouvoirs publics accompagnent les progrès technologiques du secteur et la mise en place d’une filière biocarburant.
Les chiffres cités sont issus de l’enquête statistique annuelle UAF ou du bulletin statistique annuel du trafic aérien commercial de la DGAC.
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