Faut-il bannir la voiture de Paris ?

📋  Le contexte  📋

En 1956, la crise du canal de Suez contraint certains pays à prendre des mesures drastiques sur le carburant. La Belgique, les Pays-Bas et la Suisse inaugurent alors des “dimanches sans voiture”. Ces opérations sont répétées à l’occasion de la crise pétrolière de 1973.

En 1996, se tient à Reykjavik, la capitale islandaise, la première journée sans voiture officielle. Elle a pour but de sensibiliser les automobilistes à adopter une mobilité propre et responsable.

En France, la ville de La Rochelle devient pionnière en réservant son centre-ville aux piétons dès 1997.

A l’échelle européenne, l’initiative de la “journée sans voiture” fut officiellement lancée en 1998. Depuis 2007, elle tend à être remplacée par une “semaine de la mobilité”, laquelle présente une thématique différente chaque année (par exemple le changement climatique en 2006). 

Entre 1998 et 2005, 1500 villes dans le monde ont adoptés des mesures restreignant l’usage des voitures en ville, parmi lesquelles Copenhague, Bruxelles et Ljubljana, qui font figure de modèles.

Source : RTBF

Face au volume du trafic automobile parisien et aux problèmes de santé qu’il occasionne (notamment les décès liés à la pollution atmosphérique), les initiatives visant l’interdiction de la voiture dans la capitale se font plus nombreuses.

Aujourd’hui, tous les véhicules portant la vignette Crit’Air 5 (voitures diesel immatriculées avant 2001 et essence avant 1997) et depuis le 1er juillet, la vignette Crit’Air 4 (voitures diesel avant 2006) ont l’interdiction de circuler à Paris.  2,7 millions d’automobilistes et 658000 véhicules seraient concernés en Ile-de-France.

L’interdiction des Crit’air 3 (voitures diesel d’avant 2010 et essence d’avant 2005) est programmée pour 2024.

Source : Le Parisien

Depuis 2014, la maire de Paris Anne Hidalgo s’était engagée à dédier le centre de Paris aux piétons, aux circulations douces et aux transports collectifs un dimanche par mois dans le cadre de l’opération “Paris respire”.

En 2015, par exemple, est mis en place le Plan Vélo qui prévoit de doubler la longueur des voies cyclables d’ici 2020 (vous pouvez lire notre débat sur le Plan Vélo, ici).

Aussi, en 2016, la ville de Paris ferme l’accès aux voies sur berge de la rive droite pour les voitures et annonce vouloir élargir la piétonnisation à tous les dimanches dès 2019. Une mesure encore inachevée mais qu’Anne Hidalgo compte bien concrétiser si elle est réélue aux élections municipales de 2020.

Mais la politique de la maire de Paris fait face à de nombreuses oppositions, fermement attachées à la présence de la voiture dans la capitale.

Source : RFI

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Le « Pour »
Collectif Paris sans voiture
Rendez-vous dès 11h dimanche 22 septembre à la Porte Saint-Denis, 10e arrondissement.
La journée sans voiture : 7 heures d'expérimentation urbaine pour un changement durable

La journée sans voiture, à quoi cela sert-il ?

Tout a commencé avec un rêve, celui de quelques parisiennes et parisiens qui souhaitaient vivre Paris autrement. Assis à une terrasse de café, ils imaginent les rues de Paris comme de véritables lieux de vie, de rencontre, des lieux où les piétons ne sont plus cantonnés à se déplacer et interagir sur des trottoirs étroits, où les cyclistes et autres usagers des modes de déplacements doux (vélo, trottinette, skateboard, etc) peuvent profiter d’espaces qui leur sont réservés.

C’est la naissance de la Journée sans voiture. Bien que cette journée n’ait lieu qu’une seule fois dans l’année, sa portée se veut annuelle. Cette expérimentation ponctuelle doit permettre aux habitant.e.s, aux élu.e.s et à tous les utilisateurs de la ville de prendre conscience d’un besoin urgent : celui de réduire considérablement la place réservée à la voiture à Paris. Cette même voiture, qui empêche les “usagers sans moteur” de s’approprier pleinement leur ville, leur impose ses nombreuses pollutions : atmosphérique, sonore et visuelle.

Réduire la pollution de l’air

Pour le collectif Paris sans voiture, réduire le nombre de véhicules carbonés permet tout d’abord de réduire la pollution de l’air, qui est responsable de plus de 6000 décès prématurés en région parisienne[1]. Les véhicules motorisés sont aussi source d’une importante pollution sonore. À ce titre, la Journée sans voiture est très représentative de ces maux urbains puisqu’il a été enregistrée une importante baisse de la pollution de l’air et sonore lors de ses précédentes éditions[2].

Cette année, la Journée sans voiture prend davantage d’ampleur puisque le collectif Paris sans voiture organise l’événement Quartier Libre, qui invite près d’une centaine d’associations et de collectifs de riverains à investir les rues du quartier du Faubourg Saint-Denis dans le 10e arrondissement. L’espace jusqu’alors réservé aux véhicules motorisés est converti pour devenir le terrain de jeu de nouveaux usages. La Journée sans Voiture permet là aussi de pointer du doigt le déséquilibre qui persiste dans l’aménagement urbain de Paris : trop peu d’espace est réservé aux usages qui ne sont source d’aucune pollution.

Bannir certains usages

Il n’est pas question de bannir la totalité des voitures à Paris, mais d’en bannir certains usages. En particulier les déplacements qui peuvent être remplacés par des alternatives plus respectueuses de l’humain et de l’environnement.

Pendant ce dimanche 22 septembre, les rues libérées des véhicules motorisés se transformeront en « Rue de la Sieste », « Avenue des Mobilités Douces », « Passage des Sportifs », « Rue Zéro Déchet » et bien d’autres pour savourer une ville apaisée, respirable et conviviale. C’est l’occasion de développer le désir de profondes transformations pour Paris, de repartir la tête pleine de solutions et d’idées, et de faire des rencontres inattendues entre des mondes qui se croisent peu. Et, pendant quelques heures, savourer ce que pourrait être la ville de demain libérée de l’omniprésence des voitures.

[1] https://www.lemonde.fr/pollution/article/2016/07/01/tout-comprendre-a-l-interdiction-des-vehicules-polluants-a-paris_4961651_1652666.html#eFhSg1x6piiSf5G4.99

[2] Source : https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/242 ; https://www.bruitparif.fr/bilan-de-la-journee-sans-voiture-dans-paris/

Le « Contre »
Didier Bollecker
Président de l’Automobile Club Association
La voiture toujours, mais différemment. La voiture, en ville aussi.

Stigmatiser la voiture n’est pas une solution

La voiture est doucement mais sûrement poussée hors de nos villes. Les décisions « anti-voiture » des villes se multiplient, empreintes d’un certain dogmatisme clivant qui oppose les « bons » et les « mauvais » modes de déplacement alors même que la pollution de l’air diminue. Or il n’y a pas lieu  d’attribuer de valeur intrinsèque aux différents modes de transports et d’opposer leurs usagers qui pour l’essentiel ne sont pas les mêmes.

En France, 7 salariés sur 10 vont travailler en voiture. Plus de 3 salariés sur 4 quittent leur commune de résidence pour aller travailler et en revenir. Moins il y a de transports publics, plus le taux de motorisation est élevé (67 % en région Ile de France, 94 % en zone rurale).

L’utilisation de la voiture est vitale mais doit se renouveler

Le véhicule particulier assure l’essentiel des besoins de mobilité de l’essentiel des ménages français. La périurbanisation et l’éclatement géographique et temporel des déplacements nécessitent d’avoir une offre multimodale de déplacements sans prédominance d’un mode et sans stigmatisation. Dépassionnons le débat pour avancer de manière constructive et sans brutalité.S’il est difficile de se passer de sa voiture, une marge de progression est indéniable dans la manière de l’utiliser.

Mais une approche punitive et donc souvent antisociale va à l‘encontre du but recherché, à savoir l’adhésion des citoyens à une démarche globale pour une mobilité durable et économe en énergie. Les usagers sont prêts à repenser leur mobilité mais ils doivent être accompagnés

Le covoiturage et l’éco-conduite : deux moyens de repenser le déplacement automobile

L’automobiliste est prêt à soutenir des mesures pragmatiques, pour circuler de manière plus responsable et à opter par exemple pour le covoiturage qui limite l’autosolisme en réduisant les dépenses automobiles, le trafic et les émissions polluantes. Ce complément des transports en commun est aussi le garant d’une mobilité pour tous (personnes sans véhicule, âgées etc…). Il faut faciliter le développement de cet usage par des outils adaptés et une offre qui correspond aux besoins divers des citoyens (courtes distances, trajets pendulaire).

Rouler plus responsable c’est aussi une question de formation. Les programmes d’éco-conduite, sujet souvent absent du débat public, doivent être soutenus et généralisés car ils permettent d’impacter l’efficacité environnementale et énergétique (-15% de consommation en moyenne) sans contrainte punitive.

Repensons les déplacements selon le concept des « smart cities » où les modes doivent cohabiter et pour cela les villes et leur organisation ont un rôle crucial à jouer.

Le vrai défi est de créer des solutions d’une mobilité plurielle qui offrent un choix aux usagers, de la flexibilité et une inter-connectivité entre les différents modes de transport.

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

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