Avertissement !
Ce débat, surtout formulé comme ceci, est trompeur. Il place sur le même plan deux opinions dont l’Histoire a montré qu’elles n’étaient pas dignes d’être sur le même plan. Néanmoins, à l’époque, elles l’étaient. Nous ressuscitons ces débats historiques dans leur contexte pour montrer que les débats d’hier ont contribuer à façonner le monde que nous connaissons, et par extension que les débats d’aujourd’hui contribuent à façonner le monde de demain. Et, qui sait ? Peut-être que dans quelques générations, certains de nos débats actuels ne mériteront plus le pied d’égalité dont ils ont bénéficié aujourd’hui ?
📋 Le contexte 📋
C’est une peine capitale prévue par la loi consistant à exécuter une personne reconnue coupable.
L’injection létale, l’électrocution (la chaise électrique), la pendaison, la fusillade, l’asphyxie par gaz, la décapitation et la lapidation sont les formes d’exécutions les plus utilisées aujourd’hui.
Source : RTS
La peine capitale a longuement été discutée en France. De nombreux penseurs tels que Voltaire, Cesare Beccaria, Victor Hugo ou encore Albert Camus ont très tôt défendus une position abolitionniste.
En 1908, la dernière tentative d’abolition est avortée : le projet de loi soumis par Aristide Briand, garde des sceaux sous la présidence de Georges Clemenceau, est rejeté malgré un débat d’anthologie entre Jean Jaurès et Maurice Barrès.
Il faut attendre le 18 septembre 1981 pour que Robert Badinter, garde des sceaux sous la présidence de François Mitterrand, obtienne l’abolition définitive de la peine de mort à 363 voix contre 117. La loi d’abolition est promulguée le 9 octobre 1981.
Toutefois, en 2004, 47 députés rassemblés par le député UMP Richard Dell’Agnola déposaient une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme.
Source : Le Figaro
A ce jour, 106 Etats ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, ce qui représente plus de ⅔ des pays du monde.
Cependant, en 2017, Amnesty International dénombre encore 993 exécutions à travers le monde.
En 2018, la Chine aurait exécuté plus de 600 personnes soit presque trois fois plus de personnes que tous les pays qui ont recours à la peine capitale réunis.
Source : Courrier International et France Diplomatie
🕵 Le débat des experts 🕵
Discours pour l’abolition de la peine de mort en France (Paris, 17 septembre 1981)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai l’honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France.
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Le retard français sur la question de la peine capitale
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux, l’un des derniers pays, presque le dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidentale dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort.
Pourquoi ce retard ? Voilà la première question qui se pose à nous.
[…]
Pour ma part, j’y vois une explication qui est d’ordre politique. Pourquoi ?
L’abolition, je l’ai dit, regroupe, depuis deux siècles, des femmes et des hommes de toutes les classes politiques et, bien au-delà, de toutes les couches de la nation.
Mais si l’on considère l’histoire de notre pays, on remarquera que l’abolition, en tant que telle, a toujours été une des grandes causes de la gauche française. Quand je dis gauche, comprenez moi, j’entends forces de changement, forces de progrès, parfois forces de révolution, celles qui, en tout cas, font avancer l’histoire. Examinez simplement ce qui est la vérité. Regardez-la.
[…]
Mais je dois rappeler, puisque, à l’évidence, sa parole n’est pas éteinte en vous, la phrase que prononça Jaurès : « La peine de mort est contraire à ce que l’humanité depuis deux mille ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble. Elle est contraire à la fois à l’esprit du christianisme et à l’esprit de la Révolution.»
[…]
Fini d’attendre !
Il se trouva qu’une partie de la presse entreprit aussitôt une campagne très violente contre les abolitionnistes. Il se trouva qu’une partie de la Chambre n’eut point le courage d’aller vers ces sommets que lui montrait Briand. C’est ainsi que la peine de mort demeura en 1908 dans notre droit et dans notre pratique.
Depuis lors – soixante-quinze ans – jamais une assemblée parlementaire n’a été saisie d’une demande de suppression de la peine de mort.
C’est seulement après ces épreuves historiques qu’en vérité pouvait être soumise à votre assemblée la grande question de l’abolition.
[…]
Attendre, après deux cents ans !
Attendre, comme si la peine de mort ou la guillotine était un fruit qu’on devrait laisser mûrir avant de le cueillir !
Attendre ? Nous savons bien en vérité que la cause était la crainte de l’opinion publique. D’ailleurs, certains vous diront, mesdames, messieurs les députés, qu’en votant l’abolition vous méconnaîtriez les règles de la démocratie parce que vous ignoreriez l’opinion publique. Il n’en est rien.
Nul plus que vous, à l’instant du vote sur l’abolition, ne respectera la loi fondamentale de la démocratie.
[…]
Le pouvoir de mort sur les hommes n’appartient pas aux hommes
Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être absolument infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable. Pour ceux d’entre nous qui croient en Dieu, lui seul a le pouvoir de choisir l’heure de notre mort.
Pour tous les abolitionnistes, il est impossible de reconnaître à la justice des hommes ce pouvoir de mort parce qu’ils savent qu’elle est faillible.
Le choix qui s’offre à vos consciences est donc clair : ou notre société refuse une justice qui tue et accepte d’assumer, au nom de ses valeurs fondamentales – celles qui l’ont faite grande et respectée entre toutes – la vie de ceux qui font horreur, déments ou criminels ou les deux à la fois, et c’est le choix de l’abolition ; ou cette société croit, en dépit de l’expérience des siècles, faire disparaître le crime avec le criminel, et c’est l’élimination.
Cette justice d’élimination cette justice d’angoisse et de mort, décidée avec sa marge de hasard, nous la refusons. Nous la refusons parce qu’elle est pour nous l’anti-justice, parce qu’elle est la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité.
[…]
Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées.
À cet instant plus qu’à aucun autre, j’ai le sentiment d’assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c’est-à-dire au sens de « service ». Demain, vous voterez l’abolition de la peine de mort. Législateur français, de tout mon cœur, je vous en remercie.
Proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme (8 avril 2004)
Le terrorisme est une menace mondiale
Mesdames, Messieurs,
Le 11 mars 2004, deux ans et demi après l’attentat du World Trade Center aux Etats-Unis, l’Espagne a été, à son tour, frappée par le terrorisme. A travers elle, c’est l’Europe toute entière qui a été prise pour cible. Avec plus de 200 morts et 1 400 blessés, les attentats de Madrid sont parmi les plus meurtriers dans le monde depuis la fin des années 70.
Après New York aux Etats-Unis en 2001, Bali en Indonésie en 2002, Casablanca au Maroc en 2003, les pays occidentaux sont à nouveau confrontés au terrorisme. Depuis le début des années 80, les actes terroristes n’ont cessé de se multiplier partout dans le monde. La France a malheureusement payé un lourd tribut, avec la vague d’attentats à la bombe qui avait ensanglanté Paris en 1985, 1986 puis 1995 et 1996 dans le RER aux stations Saint-Michel et Port-Royal.
Aujourd’hui, la terreur est mondiale, organisée, fanatique. Le terrorisme utilise désormais les moyens les plus archaïques et les technologies les plus sophistiquées aux pires fins : il tue massivement et n’épargne aucun pays. Ces attaques meurtrières ne visent pas seulement des individus mais les valeurs fondamentales de nos Etats démocratiques et la première d’entre elles, la liberté. La menace, qui pèse sur eux, est permanente, globale et diffuse.
Les démocraties doivent se défendre
Face à cette forme nouvelle de « guerre » sans règles, ni frontières, les démocraties semblent souvent démunies et ne disposent pas toujours, des moyens de se défendre et d’agir. De fait, les politiques mises en place pour lutter contre le terrorisme se sont traduites par des mesures préventives qui ont montré leurs limites. Cette « faiblesse » des démocraties face au terrorisme alimente un sentiment d’impuissance qui bafoue la mémoire de milliers de morts, victimes du fanatisme de quelques-uns, et met en danger les valeurs qui sont les siennes.
Si certains terroristes « kamikazes » sont prêts à donner leur vie pour l’accomplissement de leur funeste dessein, les chefs de ces organisations terroristes restent, quant à eux, dans la clandestinité. Une fois arrêtés, que dire alors de ces terroristes condamnés à la prison à vie qui continuent à communiquer au grand jour depuis leur cellule avec leurs complices, à donner des interviews voire à publier leurs mémoires ? L’exemple récent du terroriste Carlos emprisonné en France en a donné une triste illustration. Que faire devant le risque, demain, de voir des attentats perpétrés pour obtenir la libération d’un chef terroriste incarcéré et devenu le porte-drapeau d’un mouvement extrémiste ?
La peine de mort : une légitime défense contre les attentats
Toutes les démocraties européennes ont aboli, au cours des dernières décennies, la peine de mort au nom des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. La France a également renoncé au châtiment suprême avec la loi du 9 octobre 1981. Cette évolution générale constitue une avancée pour l’homme qu’il n’est pas, aujourd’hui, question de remettre en cause. Pour autant, les pays occidentaux ne doivent pas céder devant le terrorisme. Ils doivent pouvoir lutter et condamner avec la plus grande fermeté ces actes barbares, en apportant une réponse forte et sans équivoque aux ennemis de la liberté. Rien ne doit les amener à composer avec cette forme ultime de violence qu’est le terrorisme.
Dans l’intérêt supérieur des Etats, la France, en lien étroit avec ses alliés européens, doit amplifier la lutte antiterroriste et afficher une fermeté exemplaire. C’est pourquoi, il importe qu’elle puisse disposer de cette peine d’exception qu’est la peine capitale, pour combattre le terrorisme, « crime majeur contre la démocratie », selon l’expression de Robert Badinter.
En temps de « guerre », car c’est le mot qu’il faut employer pour qualifier les attaques répétées et meurtrières dont les démocraties sont la cible, la défense des Etats et des peuples doit primer sur toute autre considération.
[…]
Le texte, que nous avons l’honneur de vous soumettre, propose donc le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme tels qu’ils sont définis au 1o de l’article 421-1 du code pénal.