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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Une heure pour l'environnement
Romain Fayet
Ingénieur EnergéticienÀ titre personnel, je n’ai rien pour ou contre l’heure d’été. En tant que scientifique, j’aime regarder les faits et en tirer des conclusions logiques.
Qu’a apporté l’ajout d’une heure à notre fuseau horaire en été ?
Si nous ne l’avions pas, nous resterions tout le temps à l’heure d’hiver, qui est l’heure de référence de notre fuseau. Cela aurait pour effet de voir le soleil se lever à 4h45 (pour Paris) en plein été, avec suffisamment de luminosité pour y voir clair dès 4h du matin. Reconnaissons-le, peu de gens sont debout à cette heure-ci. Le soir, le soleil se coucherait à 21h sans changement. Que de temps d’éclairage gratuit perdu ! Il est bien plus logique de décaler d’une heure le matin pour la gagner le soir.
À l’inverse, si l’on restait toute l’année à l’heure d’été (mais je ne crois pas que cela ait déjà été envisagé), cela aurait pour effet de nous mettre sur le même fuseau horaire qu’Helsinki, Istanbul ou le Caire. Le soleil se lèverait à 9h20 en plein hiver, ce serait fantaisiste.
Déjà, d’un point de vue du confort, il est bien plus agréable de faire le changement d’heure. Nous adaptons notre horaire pour faire en sorte que notre rythme de vie et le soleil coïncident, et c’est une démarche assez naturelle.
Maintenant, regardons le gain. Selon une étude de la très sérieuse ADEME publiée en 2009 (rapport complet), cette heure de décalage en été permet de gagner 440 GWh de consommation électrique d’éclairage par été. C’est certes assez peu, mais cela représente tout de même 15 à 20 jours de production d’un réacteur nucléaire en continu à plein régime.
Même avec l’arrivée des ampoules basses consommations, ce gain devrait se maintenir aux alentours de 340 GWh d’ici 2030.
De plus, le gain se produit au moment du pic de consommation (le soir, entre 19h et 21h), et permet de diminuer la puissance maximale appelée d’environ 3,5 GW. Comme ce sont généralement les centrales thermiques (au gaz et au charbon) qui sont démarrées à ce moment, cela signifie que cette baisse de consommation permet d’éviter de démarrer nos centrales les plus polluantes.
En terme de gaz à effet de serre, sur l’ensemble de l’année, le passage à l’heure d’été permet d’éviter le rejet de 280 000 tonnes de CO2 environ.
Alors, certes, ce n’est pas énorme comparé aux 350 millions de tonnes de CO2 émises chaque année par la France. Mais c’est un petit geste facile à faire, qui apporte à la fois un confort supplémentaire, et permet de faire un petit geste (mais non négligeable) pour l’environnement et le climat.
Or, c’est la somme de petits gestes qui font les grandes réalisations. Alors, surtout à quelques mois de la COP21 à Paris, ce serait dommage de ne pas sourire ce week-end, en pensant qu’on contribue un peu à sauver l’environnement en bougeant les aiguilles de notre montre.
Une seule heure d'avance, et fixe, s'il vous plaît !
Le système d’heure d’été français, que l’on peut appeler “double”, entraîne une avance moyenne pour l’heure légale d’été, d’environ deux heures par rapport à l’heure du méridien de référence, celui de Greenwich, près de Londres, lequel passe par Saumur et Tarbes. On peut donc dire qu’il est midi vrai à quatorze heures !
Ceci constitue une quasi-exception mondiale, car l’heure d’été de la grande majorité des pays que la pratiquent est “simple”, c’est à dire une seule heure d’avance par rapport au méridien géographique de référence.
L’heure d’été n’équivaut pas à un “jet-lag” (changement rapide de lieu). En avançant nos activités “in situ” (sur place), les soirées apparaissent plus claires, ce qui retarde la sécrétion de l’hormone du sommeil et son installation naturelle, d’où une fatigue pour scolaires et adultes, avec une moindre efficacité au travail.
Les après-midi légaux sont plus chauds, augmentant la pénibilité des tâches. Autres problèmes côté travail : absentéisme le matin, travail non déclaré le soir, augmentation du nombre des accidents du travail… Les accidents cardiaques augmentent aussi, suite à l’avancement de l’heure, ainsi que ceux de la circulation, soit à cause de la fatigue, soit à cause de la persistance apparente des brouillards matinaux.
Les coûts que ce régime provoque dans le secteur de la santé sont élevés et irréfutables : consommation accrue de dangereux somnifères, dont notre pays est champion du monde ! Victimes principales : les seniors en maison de retraite. L’heure d’été favorise la maladie d’Alzheimer, l’obésité et les lésions pré-cancéreuses de la peau.. en plus de faire monter les niveaux de polluants photo-oxydants en agglomération, source de pneumopathies.
Concernant les prétendus avantages : les économies d’éclairage sont plus que compensées par les surconsommations entraînées pour le chauffage, la climatisation et le trafic, comme le montre la grande majorité des études faites de par le monde. L’utilisation des lampes modernes, consommant 4 ou 5 fois moins à l’heure (LEDs et fluocompactes) réduit et réduira plus encore les économies d’éclairage liées à l’heure avancée.
Pour les loisirs, il faut réaliser qu’ils sont défavorisés pour toute la population en jours “libres” (week-ends et vacances), parce que des membres de la famille veulent récupérer le sommeil perdu en semaine. Ceci, en plus de l’effet “après-midi chauds”, retarde les sorties.
Une heure d’avance toute l’année, sans changements, comme avant 1976, devrait contenter tous les français.