Faut-il retirer la nationalité française aux terroristes ?

Un drapeau français après les attentats terroristes du vendredi 13 novembre à Paris
Un drapeau français après les attentats terroristes du vendredi 13 novembre à Paris

Numéro 1

S’informer

Est-il possible de retirer sa nationalité française à quelqu'un ? Pour quelles raisons ?
L’article 25 du code civil français précise que :

l’individu qui a acquis la qualité de français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française :
1. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ;
2. S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
3. S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
4. S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France.

Le terrorisme fait donc partie des raisons pour lesquelles il est possible de retirer la nationalité française à une personne ; il s’agit en effet d’un crime, qui tombe sous le coup des points 1, 2 et 4 de l’article.

 

Sous quelles conditions peut-on retirer la nationalité française ?

L’article 25-1 précise, de plus, que la déchéance n’est encourue que si les faits reprochés à l’intéressé et visés à l’article 25 se sont produits antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.

En d’autres termes, il n’est possible de retirer la nationalité française qu’à des personnes l’ayant acquise il y a moins de 10 ans, ou 15 ans dans le cas de crimes graves.

En outre, il faut ajouter une restriction supplémentaire : l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme interdit de créer des personnes apatrides, c’est à dire n’ayant aucune nationalité.

Cela a été confirmé dans la convention de l’ONU du 30 août 1961, que la France a signée.

Combien de personnes se sont vues retirer leur nationalité française ?

En France, il est possible de retirer la nationalité française à un individu depuis 1848. Cette disposition a été prévue lors de l’abolition de l’esclavage, pour les Français qui continueraient à posséder et faire travailler des esclaves.

Elle a été appliquée massivement pour d’autres raisons par le régime de Vichy lors de la seconde guerre mondiale. En effet,  on estime qu’environ 15 000 personnes ont été déchues de leur nationalité française.

Depuis 1990, selon le ministère de l’Intérieur, 21 personnes ont été déchues de leur nationalité française, dont 8 pour terrorisme entre 2000 et 2014.

Quelles évolutions ont-elles été proposées ?
Suite aux attentats du 13 novembre, des évolutions à la loi existante ont été proposées, par la quasi-totalité des partis politiques français. Tous s’accordent à étendre les possibilités de déchéance de nationalité pour tous les terroristes binationaux, y compris à ceux qui sont nés Français, et qui possèdent une seconde nationalité, acquise ou dès la naissance.

Numéro 2

Se positionner

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LE « POUR »

Tolérance zéro

Billet rédigé par :

Philippe VIGIER

Député d’Eure-et-Loir Président du Groupe Union des Démocrates et Indépendants (UDI) à l’Assemblée nationale
http://www.philippevigier.com/

Les attentats du mois de janvier et du mois de novembre 2015 ont été un véritable traumatisme pour notre pays. La société française toute entière et ses valeurs ont été la cible de ces actes inqualifiables.

Mais ces faits interrogent également : de jeunes français, vivant parmi nous, ont commis ces actes odieux au nom d’une idéologie mortifère. En effet, des citoyens français s’engagent de plus en plus nombreux aux côtés des terroristes islamistes. Selon les services de renseignement, près de 1 800 Français seraient impliqués dans des filières djihadistes.

Ces compatriotes prennent donc les armes et rejoignent des pays étrangers afin de combattre dans les rangs de Daech et de groupes terroristes.

Si nous devons tout faire pour protéger notre jeunesse et l’empêcher de partir combattre pour cette cause mortelle, nous devons également résoudre le problème du retour de ces fanatiques sur notre sol.  En l’état actuel du droit, la déchéance de la nationalité est possible pour les individus qui se seraient livrés « au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».

Si le droit évoque les actes accomplis au profit d’une puissance étrangère, il ne prévoit pas explicitement le cas de ceux qui portent les armes contre nos soldats et de nos forces de police, et encore moins ceux qui combattent au profit d’une organisation terroriste sur notre territoire. Dès le mois de septembre 2014, par la voix de son Président Jean-Christophe Lagarde, l’UDI a proposé de déchoir de leur nationalité les Français ayant pris les armes au profit de groupes terroristes.

Il n’est plus acceptable d’admettre que des compatriotes combattent notre armée sur des théâtres d’opération extérieurs ou commettent des attentats sur notre propre sol tout en bénéficiant des bienfaits et des droits attachés à leur qualité de citoyen français. C’est pourquoi, je suis favorable à la déchéance de la nationalité pour les binationaux accusés de terrorisme.

Cette déchéance viserait les Français ayant acquis la nationalité française et les Français nés en France. Ces femmes et ces hommes se verraient retirer leur nationalité française pour avoir commis des attentats sur notre sol et/ou pour avoir combattu sur un théâtre d’opération extérieure où la France est engagée.

Face au radicalisme des groupes terroristes, prêts à mourir pour leur cause, nous devons riposter avec tous les moyens juridiques nécessaires dans le respect de nos valeurs républicaines et démocratiques.

LE « CONTRE »

La fausse bonne idée !

Billet rédigé par :

Alexis DESWAEF

Président de la Ligue des droits de l’Homme (Belgique) et avocat au Barreau de Bruxelles
http://www.quartierdeslibertes.be

Retirer la nationalité française aux terroristes, quelle idée séduisante ! En plus d’une peine de prison, ils ne méritent plus d’être Français. Quoi de plus normal quand on tue aveuglément ses futurs anciens compatriotes innocents ?

En plus, pour ceux qui sont en Syrie, le problème est définitivement réglé vu qu’ils ne pourront plus revenir. S’ils ont choisi d’aller là-bas, qu’ils y restent !

Il faut toujours se méfier des fausses bonnes idées…

La mesure ne vise que les binationaux. En effet, en droit, il est interdit de fabriquer un apatride et la mesure ne peut donc frapper que ceux qui ont la double nationalité.

Si Jean, ayant uniquement la nationalité française, se radicalise et décide de partir en Syrie faire le Djihad, il ne pourra jamais se voir retirer la nationalité, même s’il commet un attentat en France. Par contre, elle pourra être retirée à Mohammed, ayant la double nationalité franco-marocaine ou franco-algérienne.

Une différence de traitement dans une situation identique, cela s’appelle une discrimination. On pourrait rétorquer que c’est son problème à Mohammed, que quand il est devenu Français ou quand il est né Français, de parents ou grands-parents Français, il n’avait qu’à renoncer à sa nationalité d’origine. Ce serait nier la réalité des pays du Maghreb qui ne permettent pas à leurs nationaux émigrés, même de la troisième génération, de renoncer à leur nationalité d’origine.

Politiquement, à l’heure du « vivre ensemble », c’est un mauvais message à toute la communauté d’origine maghrébine. On leur dit : quelle que soit la qualité de votre intégration, votre nationalité ne vaudra jamais autant que la nôtre, vu que la vôtre peut toujours vous être enlevée. Aujourd’hui, pour terrorisme, mais demain peut-être pour d’autres crimes et après-demain pour des délits mineurs, car, après tout, qui vole un œuf vole un bœuf.

Un juge d’instruction spécialisé dans la lutte anti-terrorisme affirme que c’est contre-productif de retirer la nationalité française aux djihadistes partis en Syrie. Cela bloquera ceux qui veulent revenir et qui sont réinsérables dans la société, mais cela ne dissuadera jamais les plus dangereux qui veulent revenir pour commettre un attentat. Ils deviennent uniquement plus difficiles à suivre sur les écrans radars et notre société est donc davantage en danger.

Le gouvernement le sait mais pousse cette mesure pour rassurer la population. Cela s’appelle du populisme. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un gouvernement qui doit lutter contre le terrorisme pour protéger sa population.

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