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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Tolérance zéro
Philippe VIGIER
Député d’Eure-et-Loir Président du Groupe Union des Démocrates et Indépendants (UDI) à l’Assemblée nationalehttp://www.philippevigier.com/
Les attentats du mois de janvier et du mois de novembre 2015 ont été un véritable traumatisme pour notre pays. La société française toute entière et ses valeurs ont été la cible de ces actes inqualifiables.
Mais ces faits interrogent également : de jeunes français, vivant parmi nous, ont commis ces actes odieux au nom d’une idéologie mortifère. En effet, des citoyens français s’engagent de plus en plus nombreux aux côtés des terroristes islamistes. Selon les services de renseignement, près de 1 800 Français seraient impliqués dans des filières djihadistes.
Ces compatriotes prennent donc les armes et rejoignent des pays étrangers afin de combattre dans les rangs de Daech et de groupes terroristes.
Si nous devons tout faire pour protéger notre jeunesse et l’empêcher de partir combattre pour cette cause mortelle, nous devons également résoudre le problème du retour de ces fanatiques sur notre sol. En l’état actuel du droit, la déchéance de la nationalité est possible pour les individus qui se seraient livrés « au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».
Si le droit évoque les actes accomplis au profit d’une puissance étrangère, il ne prévoit pas explicitement le cas de ceux qui portent les armes contre nos soldats et de nos forces de police, et encore moins ceux qui combattent au profit d’une organisation terroriste sur notre territoire. Dès le mois de septembre 2014, par la voix de son Président Jean-Christophe Lagarde, l’UDI a proposé de déchoir de leur nationalité les Français ayant pris les armes au profit de groupes terroristes.
Il n’est plus acceptable d’admettre que des compatriotes combattent notre armée sur des théâtres d’opération extérieurs ou commettent des attentats sur notre propre sol tout en bénéficiant des bienfaits et des droits attachés à leur qualité de citoyen français. C’est pourquoi, je suis favorable à la déchéance de la nationalité pour les binationaux accusés de terrorisme.
Cette déchéance viserait les Français ayant acquis la nationalité française et les Français nés en France. Ces femmes et ces hommes se verraient retirer leur nationalité française pour avoir commis des attentats sur notre sol et/ou pour avoir combattu sur un théâtre d’opération extérieure où la France est engagée.
Face au radicalisme des groupes terroristes, prêts à mourir pour leur cause, nous devons riposter avec tous les moyens juridiques nécessaires dans le respect de nos valeurs républicaines et démocratiques.
La fausse bonne idée !
Alexis DESWAEF
Président de la Ligue des droits de l’Homme (Belgique) et avocat au Barreau de Bruxelleshttp://www.quartierdeslibertes.be
Retirer la nationalité française aux terroristes, quelle idée séduisante ! En plus d’une peine de prison, ils ne méritent plus d’être Français. Quoi de plus normal quand on tue aveuglément ses futurs anciens compatriotes innocents ?
En plus, pour ceux qui sont en Syrie, le problème est définitivement réglé vu qu’ils ne pourront plus revenir. S’ils ont choisi d’aller là-bas, qu’ils y restent !
Il faut toujours se méfier des fausses bonnes idées…
La mesure ne vise que les binationaux. En effet, en droit, il est interdit de fabriquer un apatride et la mesure ne peut donc frapper que ceux qui ont la double nationalité.
Si Jean, ayant uniquement la nationalité française, se radicalise et décide de partir en Syrie faire le Djihad, il ne pourra jamais se voir retirer la nationalité, même s’il commet un attentat en France. Par contre, elle pourra être retirée à Mohammed, ayant la double nationalité franco-marocaine ou franco-algérienne.
Une différence de traitement dans une situation identique, cela s’appelle une discrimination. On pourrait rétorquer que c’est son problème à Mohammed, que quand il est devenu Français ou quand il est né Français, de parents ou grands-parents Français, il n’avait qu’à renoncer à sa nationalité d’origine. Ce serait nier la réalité des pays du Maghreb qui ne permettent pas à leurs nationaux émigrés, même de la troisième génération, de renoncer à leur nationalité d’origine.
Politiquement, à l’heure du « vivre ensemble », c’est un mauvais message à toute la communauté d’origine maghrébine. On leur dit : quelle que soit la qualité de votre intégration, votre nationalité ne vaudra jamais autant que la nôtre, vu que la vôtre peut toujours vous être enlevée. Aujourd’hui, pour terrorisme, mais demain peut-être pour d’autres crimes et après-demain pour des délits mineurs, car, après tout, qui vole un œuf vole un bœuf.
Un juge d’instruction spécialisé dans la lutte anti-terrorisme affirme que c’est contre-productif de retirer la nationalité française aux djihadistes partis en Syrie. Cela bloquera ceux qui veulent revenir et qui sont réinsérables dans la société, mais cela ne dissuadera jamais les plus dangereux qui veulent revenir pour commettre un attentat. Ils deviennent uniquement plus difficiles à suivre sur les écrans radars et notre société est donc davantage en danger.
Le gouvernement le sait mais pousse cette mesure pour rassurer la population. Cela s’appelle du populisme. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un gouvernement qui doit lutter contre le terrorisme pour protéger sa population.