📋 Le contexte 📋
Fondée en 1994 par Jeff Bezos, Amazon est une entreprise américaine de commerce en ligne dont le siège social est à Seattle. Les consommateurs peuvent acheter des biens neufs ou d’occasion vendus par Amazon ou les vendeurs utilisant Amazon en tant que Marketplace. Amazon est aujourd’hui la « plus grande librairie du monde » et le principal producteur d’e-books. Avec Amazon Prime, l’entreprise est également devenue une des principales plateformes de vidéo à la demande par abonnement. En 2018, les recettes nettes de l’entreprise étaient de 232,89 milliards de dollars, soit une hausse de 31 % par rapport à 2017.
Les reproches formulés envers Amazon ne datent pas d’hier. En 2019, l’ex-secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi et l’association Attac estimaient que l’entreprise détruisait deux fois plus d’emplois qu’elle n’en créait. La même année, plusieurs organisations dénonçaient les pratiques d’Amazon sur le plan environnemental et fiscal. Selon leur rapport, Amazon dissimulerait 57% de son chiffre d’affaires réalisé en France – lui permettant ainsi de pratiquer de l’évasion fiscale. La firme aurait également détruit 3 millions de produits neufs en France. Amazon, troisième employeur au monde, essuie aussi de nombreux scandales autour des conditions de travail de ses salariés.
Les Français ne peuvent effectuer leurs achats dans les commerces de proximité que depuis le 28 novembre. Les achats dits « non-essentiels » se faisaient jusqu’alors via la vente en ligne. Selon le baromètre de l’audience du e-commerce en France, au deuxième trimestre 2020, 69% des Français ont consulté chaque mois, au moins un des 15 plus grands sites et/ou applications de vente sur internet, avec en tête Amazon. Depuis, de nombreuses personnalités politiques comme Roselyne Bachelot appellent au boycott d’Amazon afin de soutenir les petits commerces en difficulté financière. Une pétition #NoelSansAmazon, a été lancée et signée par des élus et des associations.
🕵 Le débat des experts 🕵
Cher Père Noël, En 2020, chaque jour, l’urgence sociale et écologique s’est rappelée à nous. La crise sanitaire que nous traversons a déjà eu des conséquences dramatiques en France : des milliers d’emplois ont disparu, le chômage atteint 9% et un million de personnes ont basculé dans la pauvreté. Cette situation inédite est la conséquence directe de nos modes de production, mondialisés, et de notre consommation de ressources naturelles, déraisonnée. Pour sortir de cette crise, il nous faut retrouver notre souveraineté nationale et européenne, et notre esprit de solidarité. Et nous commencerons par cette bonne résolution : cette année, nous fêterons #NoelSansAmazon. Nous ferons sans cette entreprise prédatrice des emplois (1 emploi créé chez Amazon, c’est entre 2,2 et 4,6 emplois détruits sur nos territoires), du commerce, des terres et des aides publiques. Sans cette entreprise qui s’exonère de ses impôts, ne paie même pas la TVA tout en réalisant un chiffre d’affaires de 7,7 milliards d’euros en France. Sans cette entreprise qui dit aider les petites entreprises françaises à vendre plus, quand elle applique une commission de 15% sur chaque vente et que les entreprises françaises ne représentent que 4,7% des 210 000 vendeurs enregistrés sur Amazon.fr. Cette année nous privilégions nos commerces de proximité, et pour nos commandes en ligne nous avons choisi les solutions alternatives à Amazon, pour un e-commerce responsable : dispositifs de Click & Collect connectés aux commerçants locaux, plateformes locales d’achat en ligne, entreprises qui misent sur l’économie circulaire pour proposer en ligne des produits recyclés ou reconditionnés, à la fois moins chers et plus responsables. Sans compter les produits d’occasion, le Do It Yourself (Faites-le vous-même), la réutilisation de matériaux usagés à des fins d’artisanat ou de création. Mais surtout, que voulons-nous, cher Père Noël, au pied de notre sapin ? Des lois. Des lois qui interdisent la construction de nouveaux entrepôts géants, à Montbert comme ailleurs. Des lois qui mettent fin à la concurrence déloyale et à l’injustice fiscale entre les mastodontes du numérique et les commerces physiques et de proximité. Des lois qui mettent à égalité les géants des plateformes et les commerces du coin. Des lois qui protègent mieux les employés de ces plateformes. Des lois qui permettent enfin de taxer les profits immenses d’Amazon et dont le produit pourrait financer un fonds exceptionnel pour le maintien des commerces de proximité. Des lois utiles à notre économie plutôt qu’à la fortune déjà délirante de Jeff Bezos (plus de 200 milliards de dollars soit le PIB de la Grèce !).
Avant la crise sanitaire, seuls 10% de nos achats étaient réalisés en ligne. Les périodes de confinement ont incité les ménages à réaliser davantage leurs achats sur le web. Cette parenthèse, qui nous a empêché de circuler librement, a eu pour conséquence de développer notre aptitude à recourir à ce mode d’achat. Nous sommes devenus collectivement plus aguerris à cette alternative qu’offre Amazon notamment. Il y aura ainsi un avant et un après Covid. Acheter sur internet grâce à l’efficacité des plateformes permet d’accroître nos loisirs en nous dégageant du temps libre pour nous adonner à des activités que l’on considère individuellement plus récréatives que celles des achats de certains produits. Le succès de ces plateformes au niveau mondial montre bien l’intérêt des consommateurs à bénéficier de ces supports de vente. Il serait incohérent et illusoire de vouloir les supprimer. Le shopping à distance restera néanmoins davantage concentrer sur des produits considérés comme « non essentiels » pour le bien-être des consommateurs. Les plateformes en ligne n’ont pas vocation à remplacer le shopping en présentiel, en particulier en France. Les boutiques des centres villes restent « essentielles » non seulement pour notre commerce en général mais aussi pour assurer du lien social. Ainsi, les consommateurs vont sans doute de plus en plus orienter leurs achats dans les commerces de proximité pour leur seul plaisir et non plus par nécessité. Partant de l’hypothèse de base qu’un commerce a vocation à répondre aux besoins de ses clients, il semble dans ce contexte incompréhensible de décider de boycotter la vente en ligne et en particulier Amazon. Car le problème ne provient pas de l’existence de ce mastodonte américain du numérique mais davantage de notre incapacité à avoir mis en place une offre concurrente en France en particulier et en Europe plus généralement. L’Union européenne (UE) s’est fait vassaliser par les GAFAM sans broncher et nos commerces de proximité ont pris du retard pour accroître leur offre de produits en ligne. Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, il est temps pour l’UE de s’emparer concrètement de ce défi structurant pour notre souveraineté afin de construire une plateforme en ligne qui puisse concurrencer Amazon. Le plan de relance européen, s’il voit le jour, prévoit d’injecter 150 milliards d’euros dans le numérique. C’est au niveau de l’Europe que la riposte est possible. Les 27 pays membres pris chacun de leur côté ne peuvent pas lutter contre la suprématie d’Amazon, l’Union européenne est la seule issue. C’est sur la capacité à fédérer les volontés politiques et le pragmatisme des gouvernements que l’UE sera jugée par ses citoyens.