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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Pourquoi une primaire ?
Nous vivons une crise démocratique majeure.
Partout en France, l’abstention est majoritaire et très largement en tête. Quant à ceux qui continuent à se rendre aux urnes, près de 30% d’entre eux, d’entre nous donc, choisissent le FN.
Ainsi, parmi ceux qui veulent encore prendre part à ce moment de démocratie, la majorité, relative, mais la majorité quand même, choisit l’extrême-droite. Plus encore, parmi les jeunes, qui s’abstiennent plus que la moyenne de la population, l’extrême-droite est encore plus haut.
Ceux qui restent se mobilisent très largement « contre », « contre l’extrême-droite », mais de plus en plus rarement « pour », autrement dit en faveur d’idées, d’un projet.
Ce constat n’est pas nouveau et ne cesse de s’amplifier au fil des élections comme on l’a vu ces dernières années aux élections municipales, européennes, puis départementales. À la suite de ces élections, il est sans cesse affirmé que le « message » a été entendu, mais rien ne change.
De même, nous ne parvenons pas à apporter des réponses satisfaisantes aux énormes défis qui se présentent à nous. Le chômage ne cesse d’augmenter créant des situations humaines intolérables.
Malgré le succès diplomatique de la COP 21, notre planète continue à se dégrader très rapidement, rendant de plus en plus de parties du globe inhabitables.
Mais derrière cette triste réalité, il y a aussi des raisons solides d’espérer.
Partout, des intellectuels, des associations, des entrepreneurs, des citoyens, réfléchissent, innovent, inventent, changent la société, apportent des réponses.
L’objectif de la primaire que nous appelons de nos vœux est de mettre ces propositions et solutions en débat et de leur offrir ensuite, seulement ensuite, un débouché politique incarné par un candidat ou une candidate.
Présidentialiser ou démocratiser la vie politique
Manuel Cervera-Marzal
Chercheur en science politique à l’EHESShttp://www.csprp.univ-paris-diderot.fr/Cervera-Marzal
La tribune publiée le 10 janvier dans Libération part d’un juste constat, celui d’une droitisation de la société française. Pour stopper ce mouvement, les auteurs se fixent une haute ambition : réinventer la démocratie. Mais il n’est pas certain que le moyen proposé – une primaire de la gauche aux prochaines élections présidentielles – soit à la hauteur du défi et de l’objectif annoncé.
Trois raisons permettent de douter de l’utilité d’une telle primaire. D’abord, il est difficilement envisageable de réunir toute la gauche dans une même procédure puis derrière un même candidat tant la fracture entre le gouvernement et ses opposants est actuellement grandissante. Renoncements aux promesses de campagne, racisme d’Etat, régressions sociales, austérité, impérialisme humanitaire, etc., la liste est encore longue des griefs que la gauche radicale adresse aux politiques de Hollande, Valls et Macron. A l’inverse, on voit mal comment ces derniers pourraient faire cause commune avec des militants syndicalistes, zadistes, écologistes, antiracistes et anticapitalistes qu’ils s’acharnent à réprimer à coup de lois sécuritaires.
Le second problème posé par une primaire de la gauche relève d’ailleurs de l’idée que l’on a du rôle des mouvements sociaux en démocratie. Exposons clairement l’alternative : si l’ambition est de réinventer la démocratie, le chemin passe-t-il par un aménagement de ses institutions ou par une contestation desdites institutions ? Autrement dit, peut-on « sauver » la forme actuelle de démocratie ou faut-il, plus profondément, en instaurer une nouvelle ? Ce clivage oppose les partisans de la modération et de la patience à ceux de la radicalité subversive. Tandis que les premiers proposent des primaires de la gauche, les seconds misent sur la construction de luttes sociales et politiques. La voie des urnes et la voie de la rue sont rarement compatibles.
Enfin, on peut se demander si l’organisation d’une telle primaire n’aurait pas un effet contraire à celui désiré. On entend qu’il s’agit, par une large consultation citoyenne, de densifier les liens entre électeurs et élus qui s’étiolent de jour en jour. L’objectif est limpide : démocratiser la vie politique. Mais qu’est-ce que l’institution présidentielle, à laquelle la primaire entend donner encore plus de place que celle, déjà exorbitante, qu’elle occupe aujourd’hui dans la vie politique française ? Cette institution est un vestige de la monarchie. Une telle somme de pouvoir dans les mains d’un seul individu est la négation même de la démocratie, qui désigne au contraire le pouvoir de tous, le pouvoir du peuple. Cette primaire n’entraînerait donc pas une démocratisation des élections présidentielles mais une présidentialisation de notre déjà bien morose « démocratie ».
Alors, quelle alternative proposez-vous ? Car le défi démocratique demeure de grande urgence. D’une telle urgence qu’on ne voit pas pourquoi attendre 2017 pour engager le combat. C’est dès aujourd’hui qu’il faut construire des combats auto-organisés et des expérimentations démocratiques dans nos lieux de vie, d’étude et de travail. Personne, et surtout pas un Président, ne le fera pour nous.