La loi de modernisation de l’élection présidentielle est-elle juste ?

Le Palais de l'Elysée, lieu de résidence du Président de la République
Le Palais de l'Elysée, lieu de résidence du Président de la République. Photo : Wikimedia Commons - Licence Creative Commons CC BY 2.0

Numéro 1

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Qu'est-ce que la loi de modernisation de l'élection présidentielle ?
Il s’agit d’une loi visant à modifier les règles applicables à l’élection présidentielle dans plusieurs domaines, notamment les parrainages, la campagne électorale audiovisuelle, les opérations de vote et les règles applicables aux Français de l’étranger.

Le projet de loi avait été déposé à l’Assemblée nationale par Bruno Le Roux (Président du groupe socialiste à l’Assemblée) et Jean-Jacques Urvoas le 5 novembre 2015. Ce projet reprenait les recommandations formulées par les différents organismes de contrôle compétents en matière d’élection présidentielle : Conseil constitutionnel, Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l’élection présidentielle, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, Conseil supérieur de l’audiovisuel et Commission des sondages.

Le texte définitif des propositions de loi a été adopté par l’Assemblée nationale le 5 avril 2016.

Le 6 avril 2016, le Premier ministre a saisi le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité de la loi vis-à-vis de la Constitution. Ce dernier a décrété le 21 avril que la loi de modernisation de l’élection présidentielle était conforme à la Constitution.

Quels sont les principaux changements induits par cette loi ?

La loi de modernisation de l’élection présidentielle introduit des changements importants sur 3 aspects : les parrainages, la campagne électorale et les opérations de vote.

  • Les parrainages :
    • Première nouveauté : les formulaires de parrainage sont désormais transmis directement par l’élu au Conseil constitutionnel, et non plus par le candidat ou ses représentants.
    • Ensuite, les parrainages seront à présent tous publics. Jusque là, pour chaque candidat, le Conseil constitutionnel publiait 500 noms d’élus « parrains » tirés au sort ; ils seront rendus publics au fur et à mesure de leur réception, au moins deux fois par semaine.
    • Enfin, la liste des élus habilités à présenter un candidat a été modifiée pour tenir compte des différentes réformes territoriales.
  • La campagne électorale audiovisuelle :
    • Jusqu’ici, le principe de l’égalité du temps de parole s’appliquait à partir de cinq semaines avant le premier tour. Pendant cette période, les candidats avaient le même accès aux médias. Avec l’adoption de cette réforme, cette période se limite désormais à quinze jours.
    • Durant les trois semaines qui précédent cette période d’égalité, le temps de parole des candidats dépendra désormais de leur « représentativité ».  Cette représentativité sera appréciée en fonction des résultats obtenus aux précédentes élections et des indications de sondages d’opinion. C’est le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) qui devra veiller à la bonne application de ce principe.
  • Les opérations de vote :
    • La loi prévoit de reporter la fermeture des bureaux de vote à 19h, sauf dans les grandes villes où l’horaire de 20h restera inchangé. Cela a pour but de limiter l’impact des estimations publiées par certains médias étrangers, par exemple en Suisse ou en Belgique.
    • Elle aggrave les sanctions pénales qui répriment la divulgation de résultats de l’élection avant la fermeture du dernier bureau de vote.
    • Enfin, les commissions de contrôle des opérations de vote prévues dans les communes de plus de 20 000 habitants sont supprimées au motif qu’elles font double emploi avec les délégués du Conseil constitutionnel.

Le texte initial de la proposition de loi prévoyait de réduire à six mois, au lieu d’un an, la période de prise en compte des dépenses de campagne des candidats pour toutes les élections. Cela devait notamment permettre de ne pas mélanger la campagne de la primaire et la présidentielle sur le plan financier. Le délai d’un an est finalement conservé pour l’élection présidentielle, mais passe effectivement à 6 mois pour les autres élections.

Numéro 2

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LE « POUR »

Des mesures concrètes pour améliorer la transparence et l’équité de l’élection présidentielle

Billet rédigé par :

Estelle Grelier

Secrétaire d’Etat chargée des collectivités territoriales
http://www.estellegrelier.eu

Parce qu’elle est la pierre angulaire des institutions de la 5ème République, l’élection présidentielle représente dans notre pays un rendez-vous démocratique majeur.

Modifier les règles de son organisation à un peu plus d’un an de la prochaine échéance n’est pas un acte politique anodin. Il est par conséquent logique (et rassurant !) que cette réforme suscite des interrogations voire des suspicions.

Pour le Gouvernement et la représentation nationale, la facilité aurait été de ne rien changer et de laisser perdurer une situation que chacun s’accorde pourtant à reconnaître insatisfaisante. En effet, à l’issue des deux derniers scrutins présidentiels de 2007 et 2012, les différents organismes de contrôle qui veillaient à leur bon déroulement ont pointé un certain nombre de dysfonctionnement ou de difficultés.

Sur la base de ce constat, le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de l’élection présidentielle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages ont formulé plusieurs recommandations d’ordre technique destinées à y remédier.

Ce sont ces préconisations qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique adoptée le 5 avril dernier en dernière lecture par l’Assemblée nationale.

Cet ensemble de mesures, qui s’inscrit dans une double logique de clarification et de transparence, permet de moderniser les modalités d’organisation du scrutin, et ainsi d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, invariablement, à chaque élection, nourrissent des controverses qui ne débouchent jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels, du financement de la campagne électorale de chaque candidat, y compris dans le cadre de « primaires », ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.

Sur chacun de ces sujets, la nouvelle loi apporte un certain nombre d’améliorations objectives comme par exemple l’extension des horaires d’ouverture des bureaux de vote jusqu’à 19h (avec maintien d’une dérogation jusqu’à 20h dans les plus grandes villes), l’obligation pour les instituts de sondage de préciser leurs critères de redressement et le nombre de personnes ayant refusé de répondre à leur enquête d’opinion, l’obligation d’enregistrer les dépenses de campagne engagées 12 mois avant l’élection (contre 6 actuellement) ou encore la publication par le Conseil constitutionnel, de façon quasi instantanée, de l’ensemble des parrainages pour mettre un terme au traitement différencié induit par la procédure jusqu’alors en vigueur, qui ne prévoyait que la publication de cinq cents noms après tirage au sort.

Je lis et entends les critiques qui se concentrent sur la substitution de l’actuelle règle de stricte égalité des temps de parole au profit d’un principe d’équité «dans des conditions de programmations comparables».

Je veux dire ici que ce changement qui fait polémique permettra de mon point de vue de simplifier et clarifier une réglementation devenue au fil du temps contre-productive puisqu’elle a entraîné une diminution considérable (de l’ordre de – 50% entre l’élection de 2007 et celle de 2012) des temps de paroles consacrés à l’élection présidentielle sur les chaines de télévision et de radio généralistes ainsi que sur les chaînes d’information en continu. Et lorsqu’elles n’ont pas renoncé à organiser des débats, ces médias ont généralement renvoyé en fond de grille et d’audimat l’expression des candidats qui n’apparaissaient pas comme favoris.

Cette situation n’était satisfaisante pour personne, ni pour les candidats, ni pour les électeurs, ni pour la démocratie. Loin d’affaiblir les « petits » candidats, je pense que la loi qui a été votée leur assurera une exposition médiatique de meilleure qualité.

LE « CONTRE »

2017 : Penser le changement ou changer le pansement ?

Billet rédigé par :

Axelle Tessandier

Fondatrice de Axl Agency
http://axlagency.com

Le 5 avril a été voté la loi dite de « modernisation » de l’élection présidentielle. L’intitulé ne manque pas d’ironie quand on se rappelle que nous vivons une révolution numérique sans précédent, qui a le potentiel de réinventer totalement l’engagement citoyen mais aussi l’exercice de pouvoir et ceux qui l’incarnent. On parle civic tech, démocratie 2.0, mais dans un monde parallèle, mais notre représentation semble ne pas avoir eu le mémo.

Le texte vise notamment à rendre publiques toutes les signatures des élus alors que jusqu’à présent elles étaient tirées au sort, ce qui mettra une pression supplémentaire sur les élus qui n’oseront pas soutenir une candidature indépendante.

Le projet rend plus difficile également l’obtention des 500 signatures de parrainage. Les élus devront dorénavant transmettre eux-mêmes leur parrainage au Conseil Constitutionnel alors que jusqu’à présent ils le remettaient au candidat ou à ses représentants qui s’en chargeait.

Le projet de loi vise aussi à limiter à 15 jours le temps d’égalité de parole (en lieu et place de 5 semaines). La règle d’égalité stricte sera remplacée par un « principe d’équité », fondée sur « la représentativité de chaque candidat » et sa « contribution à l’animation du débat électoral ». La règle d’égalité stricte sera réservée aux deux dernières semaines avant l’élection.

Voilà, vous avez bien compris les forces en présence. Nous allons nous retrouver dans une colère des « petits » candidats (qui eux aussi ne changent pas beaucoup) des « petits partis » qui se sentent floués par cette nouvelle mouture. Les médias vont se faire tomber dessus, et au final, on retrouvera probablement les mêmes candidats, toutes formations confondues, qu’en 2012, à peu de chose près.

Les sélectionnés viendront donc des mêmes formations politiques, et seront portés par les machine à prendre le pouvoir que sont devenus les partis politiques, ces structures que cette loi renforcent. En cumulant leur nombre  total d’adhérents, c’est-à-dire 365 000 personnes, les partis représentent 0,45% de la population française.

Plus ils définissent notre démocratie représentative, plus le taux d’abstention semble suivre : 58% des électeurs. 66% chez les 18-34 ans. Coïncidence ? Bien sûr que non.

On croit souvent par confort intellectuel que moderniser, c’est rendre l’ancien système plus efficace.
Non, innover, c’est le contraire. C’est changer le paradigme.

En tant que citoyenne, je n’ai pas envie d’être contre. Ce pays s’empoisonne de sa colère et de sa peur sur laquelle le FN (plus système que le système) surfe tranquillement.

J’ai envie de parler de tout ce pourquoi je suis POUR. Je suis pour imaginer une démocratie qui n’est pas forcément une démocratie des partis. Je suis pour une société du 21ème siècle qui joue le jeu des promesses de la révolution numérique : pas de représentation sans discussion, pas de décision sans explication. Mais aussi encouragement de l’engagement et prise de parole citoyenne, retour de la société civile au cœur de la vie de la cité.

En 2016, il faut arriver à repenser le complexe a dit Edgar Morin. Penser le complexe, sortir des idéologies simplificatrices dans une époque qui nous y invite.

Simone Weil, dans son livre Notes Sur La Suppression des Partis, que je ne saurais recommander suffisamment, écrivait (en 1940) : « Presque partout l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée…C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques… Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. »

Le futur n’est pas écrit dans le marbre. Nous avons un pouvoir sur le réel, pour le transformer.

A nous de ne pas nous laisser imposer le casting de 2017.

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