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Des mesures concrètes pour améliorer la transparence et l’équité de l’élection présidentielle
Estelle Grelier
Secrétaire d’Etat chargée des collectivités territorialeshttp://www.estellegrelier.eu
Parce qu’elle est la pierre angulaire des institutions de la 5ème République, l’élection présidentielle représente dans notre pays un rendez-vous démocratique majeur.
Modifier les règles de son organisation à un peu plus d’un an de la prochaine échéance n’est pas un acte politique anodin. Il est par conséquent logique (et rassurant !) que cette réforme suscite des interrogations voire des suspicions.
Pour le Gouvernement et la représentation nationale, la facilité aurait été de ne rien changer et de laisser perdurer une situation que chacun s’accorde pourtant à reconnaître insatisfaisante. En effet, à l’issue des deux derniers scrutins présidentiels de 2007 et 2012, les différents organismes de contrôle qui veillaient à leur bon déroulement ont pointé un certain nombre de dysfonctionnement ou de difficultés.
Sur la base de ce constat, le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de l’élection présidentielle, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages ont formulé plusieurs recommandations d’ordre technique destinées à y remédier.
Ce sont ces préconisations qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique adoptée le 5 avril dernier en dernière lecture par l’Assemblée nationale.
Cet ensemble de mesures, qui s’inscrit dans une double logique de clarification et de transparence, permet de moderniser les modalités d’organisation du scrutin, et ainsi d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, invariablement, à chaque élection, nourrissent des controverses qui ne débouchent jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels, du financement de la campagne électorale de chaque candidat, y compris dans le cadre de « primaires », ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.
Sur chacun de ces sujets, la nouvelle loi apporte un certain nombre d’améliorations objectives comme par exemple l’extension des horaires d’ouverture des bureaux de vote jusqu’à 19h (avec maintien d’une dérogation jusqu’à 20h dans les plus grandes villes), l’obligation pour les instituts de sondage de préciser leurs critères de redressement et le nombre de personnes ayant refusé de répondre à leur enquête d’opinion, l’obligation d’enregistrer les dépenses de campagne engagées 12 mois avant l’élection (contre 6 actuellement) ou encore la publication par le Conseil constitutionnel, de façon quasi instantanée, de l’ensemble des parrainages pour mettre un terme au traitement différencié induit par la procédure jusqu’alors en vigueur, qui ne prévoyait que la publication de cinq cents noms après tirage au sort.
Je lis et entends les critiques qui se concentrent sur la substitution de l’actuelle règle de stricte égalité des temps de parole au profit d’un principe d’équité «dans des conditions de programmations comparables».
Je veux dire ici que ce changement qui fait polémique permettra de mon point de vue de simplifier et clarifier une réglementation devenue au fil du temps contre-productive puisqu’elle a entraîné une diminution considérable (de l’ordre de – 50% entre l’élection de 2007 et celle de 2012) des temps de paroles consacrés à l’élection présidentielle sur les chaines de télévision et de radio généralistes ainsi que sur les chaînes d’information en continu. Et lorsqu’elles n’ont pas renoncé à organiser des débats, ces médias ont généralement renvoyé en fond de grille et d’audimat l’expression des candidats qui n’apparaissaient pas comme favoris.
Cette situation n’était satisfaisante pour personne, ni pour les candidats, ni pour les électeurs, ni pour la démocratie. Loin d’affaiblir les « petits » candidats, je pense que la loi qui a été votée leur assurera une exposition médiatique de meilleure qualité.
2017 : Penser le changement ou changer le pansement ?
Le 5 avril a été voté la loi dite de « modernisation » de l’élection présidentielle. L’intitulé ne manque pas d’ironie quand on se rappelle que nous vivons une révolution numérique sans précédent, qui a le potentiel de réinventer totalement l’engagement citoyen mais aussi l’exercice de pouvoir et ceux qui l’incarnent. On parle civic tech, démocratie 2.0, mais dans un monde parallèle, mais notre représentation semble ne pas avoir eu le mémo.
Le texte vise notamment à rendre publiques toutes les signatures des élus alors que jusqu’à présent elles étaient tirées au sort, ce qui mettra une pression supplémentaire sur les élus qui n’oseront pas soutenir une candidature indépendante.
Le projet rend plus difficile également l’obtention des 500 signatures de parrainage. Les élus devront dorénavant transmettre eux-mêmes leur parrainage au Conseil Constitutionnel alors que jusqu’à présent ils le remettaient au candidat ou à ses représentants qui s’en chargeait.
Le projet de loi vise aussi à limiter à 15 jours le temps d’égalité de parole (en lieu et place de 5 semaines). La règle d’égalité stricte sera remplacée par un « principe d’équité », fondée sur « la représentativité de chaque candidat » et sa « contribution à l’animation du débat électoral ». La règle d’égalité stricte sera réservée aux deux dernières semaines avant l’élection.
Voilà, vous avez bien compris les forces en présence. Nous allons nous retrouver dans une colère des « petits » candidats (qui eux aussi ne changent pas beaucoup) des « petits partis » qui se sentent floués par cette nouvelle mouture. Les médias vont se faire tomber dessus, et au final, on retrouvera probablement les mêmes candidats, toutes formations confondues, qu’en 2012, à peu de chose près.
Les sélectionnés viendront donc des mêmes formations politiques, et seront portés par les machine à prendre le pouvoir que sont devenus les partis politiques, ces structures que cette loi renforcent. En cumulant leur nombre total d’adhérents, c’est-à-dire 365 000 personnes, les partis représentent 0,45% de la population française.
Plus ils définissent notre démocratie représentative, plus le taux d’abstention semble suivre : 58% des électeurs. 66% chez les 18-34 ans. Coïncidence ? Bien sûr que non.
On croit souvent par confort intellectuel que moderniser, c’est rendre l’ancien système plus efficace.
Non, innover, c’est le contraire. C’est changer le paradigme.
En tant que citoyenne, je n’ai pas envie d’être contre. Ce pays s’empoisonne de sa colère et de sa peur sur laquelle le FN (plus système que le système) surfe tranquillement.
J’ai envie de parler de tout ce pourquoi je suis POUR. Je suis pour imaginer une démocratie qui n’est pas forcément une démocratie des partis. Je suis pour une société du 21ème siècle qui joue le jeu des promesses de la révolution numérique : pas de représentation sans discussion, pas de décision sans explication. Mais aussi encouragement de l’engagement et prise de parole citoyenne, retour de la société civile au cœur de la vie de la cité.
En 2016, il faut arriver à repenser le complexe a dit Edgar Morin. Penser le complexe, sortir des idéologies simplificatrices dans une époque qui nous y invite.
Simone Weil, dans son livre Notes Sur La Suppression des Partis, que je ne saurais recommander suffisamment, écrivait (en 1940) : « Presque partout l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée…C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques… Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. »
Le futur n’est pas écrit dans le marbre. Nous avons un pouvoir sur le réel, pour le transformer.
A nous de ne pas nous laisser imposer le casting de 2017.