Passe vaccinal

Le passe vaccinal doit-il succéder au passe sanitaire ?

📋  Le contexte  📋

Depuis le 9 juin dernier, le passe sanitaire est en vigueur en France. Le pass sanitaire permet aux individus ayant reçu l’intégralité du schéma vaccinal, mais aussi les personnes détenant un test antigénique ou PCR négatif de moins de 24h ou un certificat de rétablissement au Covid, de se déplacer à l’étranger et d’aller dans les lieux publics.

Ce passe pourrait être remplacé par une version plus restrictive : le passe vaccinal. Le passe vaccinal n’autorise que les personnes vaccinées à 100 % à se rendre dans ces lieux ou à voyager. Actuellement, 6 millions de Français ne sont pas vaccinés.

Vendredi 17 décembre, Jean Castex annonçait que le gouvernement allait déposer un projet de loi au Parlement afin de transformer le passe sanitaire que nous connaissons actuellement en passe vaccinal.

L’article 1er du projet de loi prévoit qu’un justificatif de statut vaccinal pour le Covid-19 sera demandé en lieu et place de l’actuel passe sanitaire, pour accéder aux activités de loisirs, aux restaurants et débits de boissons (à l’exception de la restauration collective), aux foires, séminaires et salons professionnels, et aux transports publics interrégionaux (avions, trains, cars). Dans ce cas des transports, une exception est prévue : pas besoin d’un passe pour « motif impérieux d’ordre familial ou de santé »  sous la réserve de présenter un test négatif « sauf en cas d’urgence ».

Le passe vaccinal doit entrer en application au 15 janvier, mais les préfets pourront adapter la date, en particulier outre-mer où le taux de vaccination est plus faible.

Depuis lundi, l’Assemblée nationale se penche sur le projet de loi  « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire » dont la principale disposition est la mise en place du passe vaccinal. Mais pour la deuxième fois en deux soirs, l’Assemblée nationale a suspendu les débats.

La décision a été prise après les propos d’Emmanuel Macron, dans Le Parisien, sur les non-vaccinés : « Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français, a déclaré M. Macron. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie. » […] « Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la vie sociale, explique le chef de l’Etat. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire : à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… »

La séance est censée reprendre aujourd’hui afin d’étudier les quelques 450 amendements restants. Le gouvernement vise une adoption définitive du projet de loi en début de semaine prochaine, avant une entrée en vigueur au 15 janvier.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Yves Buisson
Epidémiologiste, président de la cellule COVID de l’Académie nationale de médecine
Le passe vaccinal doit succéder au passe sanitaire

La Covid-19 est une maladie infectieuse très contagieuse au point d’être devenue pandémique en quelques semaines. Elle peut être sévère et parfois mortelle : en moins de deux années, elle a déjà tué plus de 5 400 000 personnes dans le monde. Contre cette maladie, on dispose de vaccins que l’on sait efficaces à plus de 90% contre les formes graves. Ces vaccins sont bien tolérés, 3,77 milliards de personnes (soit 48,3% de la population mondiale) ayant déjà été complètement vaccinées. Toutes les paramètres pouvant justifier la promulgation d’une vaccination obligatoire sont donc réunis, comme cela a été le cas de 1902 à 1984 pour la variole, en 1938 pour la diphtérie, en 1940 pour le tétanos, de 1950 à 2007 pour la tuberculose, en 1964 pour la poliomyélite et en 2017 pour 11 vaccins du nourrisson.

Le gouvernement a préféré une mesure intermédiaire, le passe sanitaire, entré en vigueur le 9 juin 2021. Délivré aux personnes ayant un schéma complet de vaccination ou un test de dépistage négatif récent, ou un certificat de rétablissement après contamination par le SARS-CoV-2, ce passe sanitaire est exigible pour accéder aux établissements recevant du public et, depuis le 9 août 2021, aux cafés, restaurants, hôpitaux, maisons de retraite, avions, trains,

Cette mesure a incité de nombreuses personnes à se faire vacciner pour ne pas être privées des avantages de ce précieux sésame. D’autres ont préféré recourir aux tests de dépistage, renouvelés à volonté puisque gratuits et réalisables sans ordonnance. À partir du 15 octobre, le déremboursement des tests dits « de confort » a ramené une partie de ses usagers vers la vaccination qui, elle, reste gratuite.

Malgré ces dispositions, 10% des personnes éligibles pour la vaccination (c’est-à-dire toutes les personnes âgées de 12 ans et plus) n’étaient toujours pas vaccinées ; la couverture vaccinale de l’ensemble de la population plafonnait à 75%, alors qu’il faudrait un taux minimum de 90% pour atteindre une immunité collective qui permette de contenir la circulation du virus.

L’intensité de la cinquième vague pandémique apparue au mois de novembre 2021 a rappelé la nécessité de rendre la vaccination anti-Covid obligatoire. Cette mesure, recommandée depuis plus de 6 mois par l’Académie nationale de médecine [1], repose sur le concept d’exigibilité, déjà en vigueur pour les 11 vaccins du nourrisson qui conditionnent l’entrée en crèche et à l’école maternelle. Dans le cas présent, la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal serait une incitation forte et salutaire à l’intention des personnes non vaccinées pour qu’elles bénéficient le plus tôt possible d’une protection vaccinale complète. 

La persistance de la crise sanitaire et de ses lourdes conséquences sociologiques et économiques justifie la mise en œuvre rapide d’un passe vaccinal étendu dans tous les lieux de rassemblement (travail, loisirs, déplacements) afin de compléter l’immunité collective de la population et de mettre un point final à cette pandémie.

 

[1] : Communiqué de l’Académie nationale de médecine. « Obligation n’est pas un gros mot quand il s’agit de vacciner contre la Covid-19 », 25 mai 2021

Le « Contre »
Jean-François Toussaint
Professeur de Physiologie, Université de Paris - Ancien Président des Etats Généraux de la Prévention
Sortir de l’impasse

La vaccination est recommandable à juste titre mais le pass vaccinal n’est pas une mesure sanitaire établie : il doit, comme toute intervention thérapeutique innovante, d’abord faire la preuve de son efficacité. Or aucun essai prospectif n’a été proposé pour la mesurer. Seules des études observationnelles en suivent l’évolution, dont les biais rendent les conclusions incertaines, sans qu’on puisse comprendre les liens de causalité. 

Sur ces mesures non pharmacologiques (confinements, pass, etc.), nous assistons à une fiction scientifique (méthodes non validées, résultats sur-interprétés, décisions non fondées…). Or les faits demeurent : absence de surmortalité depuis huit mois (Figure 1 ci-dessous) en France, où les personnes fragiles meurent plus l’hiver (+50%) selon un rythme saisonnier usuel (la mortalité passant de 1400-1600 décès quotidiens en été (hors canicule) à 2000-2400 décès les jours d’hiver), pas d’augmentation des décès Covid dans le monde depuis 20 semaines malgré les nouveaux variants (Figure 2 ci-dessous), âge au décès proche de l’espérance de vie, dégâts considérables causés par ces mesures en particulier pour les plus jeunes

Dans ce contexte, il faut continuer à encourager la vaccination pour les personnes à haut risque, y compris chez les patients immuno-déprimés, car elle diminue leur probabilité de forme grave et de décès, mais il faut préciser le rapport bénéfice/risque pour la société, c’est-à-dire le coût de nos actions et les années de vie qu’elles permettent de gagner. 

Une obligation vaccinale générale se justifie lorsque 1. une maladie est caractérisée par une morbi-mortalité élevée 2. les vaccins limitent complètement la transmission et 3. s’ils restent très efficaces. Or on constate désormais une efficacité de 40 à 60%. Un taux aussi rapidement réduit et le grand nombre de réservoirs animaux suggèrent qu’elle ne permettra pas d’arrêter la circulation virale à moyen terme. 

Il faut donc considérer d’abord les bénéfices individuels. Ils sont bien réels mais ne s’appliquent pas à tous identiquement. La primauté de la personne doit alors guider le choix médical, surtout quand il s’agit d’enfants, le respect de la personne et son consentement demeurant essentiels à la réussite de toute démarche thérapeutique nouvelle. La situation justifie-t-elle de s’affranchir de ce principe ? [1] 

Il est donc prématuré de conditionner notre quotidien à une conformité vaccinale précaire. L’espoir de protéger les plus fragiles par une immunité collective fondée sur une couverture large de la population n’est plus qu’un souvenir. Il faut donc continuer de protéger les plus vulnérables et réduire leur risque avant que leur résilience ne s’effondre. 

Au lieu de choisir l’impasse d’une vaccination obligatoire, il serait plus pertinent de recourir à une vaccination ciblée sur les risques (cardio-vasculaires, métaboliques, cancers, âge, …) avec un vaccin adapté aux variants récents. Nous savions le faire pour les infections respiratoires hivernales avec syndrome grippal. Il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions y parvenir à nouveau. 

 

[1] Dans le groupe contrôle du principal vaccin, seuls 7% des participants (environ 1600) sont restés au moins 6 mois dans l’essai, d’où notre incapacité à anticiper le long terme puisque le suivi mondial comparatif repose pour l‘instant sur ces 1600 personnes seulement.

 

Figure 1. Décès quotidiens en France pour les trois dernières années. Insee, 17/12/21. 

Passe vaccinal

Figure 2. Les Contaminations (courbes supérieures, en rose) et les Décès quotidiens (inférieures, en gris) en France (à droite) et dans le monde (à gauche) montrent une dé-corrélation récente entre leurs pentes de progression (flèche noire vs. pointillée bleue) lors de la dernière phase, qui n’a plus le caractère abrupt de la première (flèches rouges). Le taux mondial de létalité (0,41%) est aujourd’hui 5 fois plus faible que la moyenne globale sur ces deux dernières années (2%). CSSE – Le Monde, 4/1/22.

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