📋 Le contexte 📋
En juin 2022, au cours d’un entretien auprès de plusieurs quotidiens régionaux, le fraîchement réélu Président Emmanuel Macron a fait pour la première fois allusion à son nouveau projet : le Conseil national de la refondation (CNR).
L’objectif affiché ? Lancer une grande concertation avec les “forces politiques, économiques, sociales, associatives” du pays, en réunissant des élus de tout bord, des syndicats, des acteurs de terrain, mais aussi des citoyens tirés au sort. Les débats s’articuleront autour de plusieurs grands chantiers de réflexion, tels que le pouvoir d’achat, la santé, la perte d’autonomie ou encore l’éducation.
Sur la forme que prendra ce conseil, Emmanuel Macron a confirmé qu’il y aura d’abord “une première séquence de plusieurs jours”, avant la mise en place de “rendez-vous réguliers”. Le CNR sera notamment conduit sous l’égide de Français Bayrou, président du MoDem et haut-commissaire au Plan, nommé secrétaire général de cette nouvelle instance.
C’est à l’occasion de la cérémonie du 78e anniversaire de la libération de Bormes-les-Mimosas, le 19 août dernier, qu’Emmanuel Macron a annoncé la date de la séance d’ouverture du CNR, qui s’est tenu finalement le 8 septembre à Marcoussis dans l’Essonne.
Vous ne l’aurez pas loupé, le choix de cette cérémonie très symbolique ainsi que le sigle “CNR” font bien référence à l’historique Conseil national de la Résistance, qui, durant la Seconde Guerre mondiale, a coordonné les divers mouvements de la Résistance intérieure française malgré leurs différends politiques, tout en mettant en place à la Libération une série de réformes sociales et économiques. Parmi celles-ci, on retrouve notamment le “plan complet de sécurité sociale” prévoyant le remboursement des frais médicaux et les indemnités de chômage, la lutte pour une meilleure indépendance de la presse vis-à-vis des des tenants des grandes industries, ou encore la nationalisation de grandes compagnies françaises comme la SNCF.
Le Conseil national de la refondation s’inscrirait donc dans ce même esprit de dépassement des clivages et de réformes. Pourtant, il est loin de susciter le même enthousiasme, à en croire les réserves de nombreux partis et représentants qui pour certains ont d’ors et déjà annoncé leur intention de boycotter ce nouveau rendez-vous.
Plusieurs syndicats ainsi que l’ensemble des forces de l’opposition, comme les Républicains, le Rassemblement national ou encore les partis coalisés de la NUPES ont décliné l’invitation.
La raison ? Plusieurs représentants politiques y voient un nouvel outil de communication, dépourvu d’une réelle intention de dialogue et d’écoute. Ils mettent également en avant le fait que certaines institutions comme le Conseil économique social et environnemental (CESE) remplissent déjà les fonctions prévues pour le CNR.
D’autres dénoncent une manière de “contourner les instances démocratiques”, pour reprendre les mots du porte-parole du PCF Ian Brossat, une “confusion des rôles” et des “prérogatives institutionnelles” selon le président LR du Sénat, Gérard Larcher, dans sa lettre ouverte au Président.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
🕵 Le débat des experts 🕵
Notre génération est confrontée à de nombreux défis et en cette année 2022, ils se font particulièrement ressentir : urgence climatique, inflation et pénuries d’énergie appellent à des solutions efficaces et immédiates. Il nous faut également penser au futur de notre système social qui est mis à rude épreuve tant en matière de santé que d’emploi, de formation et de retraites. La France a un modèle social qui fait notre fierté, c’est un héritage commun et, comme dans toutes familles, il faut savoir se rassembler et se concerter pour le préserver.
C’est l’ambition du Président de la République qui, en instaurant le Conseil National de Refondation souhaite offrir un cadre à des débats nécessaires sur cinq thèmes : le plein emploi et la réindustrialisation, l’école, la santé, la transition écologique et le bien vieillir en France. Avec pour volonté d’apporter à ces thématiques des solutions nationales et locales, qui correspondent à la diversité de notre pays.
Le Conseil National de la Refondation n’est rien d’autre qu’un espace d’expression
Certains invités, de l’opposition notamment, ont préféré se soustraire à ce débat au motif qu’il déposséderait le Parlement de ses prérogatives. C’est faire bien peu de cas du Sénat comme de l’Assemblée nationale dont les missions demeurent sacralisées par la Constitution et qui poursuivront, bien évidemment, l’élaboration de la loi, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.
Le Conseil National de Refondation n’est rien d’autre qu’un espace d’expression, ouvert à 52 représentants institutionnels et partenaires sociaux, qui disposent tous d’une légitimité démocratique : élus par les citoyens ou par leurs pairs.
Trop souvent, on fait le reproche à l’exécutif, c’est une vieille rengaine, d’être trop centralien et déconnecté des réalités du terrain. Ce Conseil National de Refondation est une occasion pour ceux qui le pensent de le dire, mais aussi de poser leurs diagnostics, de mettre leurs solutions sur la table. Il sera difficile aux 12 représentants de l’opposition et de certains syndicats qui ont fermé cette porte, de se plaindre par la suite de n’être pas assez écoutés et de déplorer le manque de dialogue social français.
A l’heure où le débat public clive et se crispe, c’est aussi un espace de sérénité ou l’invective n’a pas sa place
La question ici n’est pas d’être favorable ou non à Emmanuel MACRON et à son action, elle est de poser dans un cadre serein et ouvert un certain nombre de sujets majeurs pour l’avenir de la Nation. On ne perd jamais rien à échanger, à débattre, à partager. Le Président de la République, en tant que garant des institutions, est sans aucun doute le mieux placer pour appeler à ces échanges et leur offrir un cadre. Il ne peut en outre être accusé d’opportunisme politique, ce deuxième mandat est pour lui le dernier et aucune opposition n’a été écartée de ce Conseil.
Ce Conseil National de Refondation, quelle que soit son issue, apportera de la matière à réfléchir, il donnera à l’exécutif des pistes pour réformer et enrichira les débats parlementaires. À l’heure où le débat public clive et se crispe, attisé par des extrêmes qui tentent d’en tirer profit, c’est aussi un espace de sérénité ou l’invective n’a pas sa place. Peut-être est-ce cela qui aura fait fuir certains, mais il ne sera jamais trop tard pour eux de revenir sur leur position et d’enrichir ce débat entamé.
Le Conseil National de la Refondation (CNR), annoncé fin juin par le Président de la République, n’est finalement que la traduction par les actes d’une promesse faite durant la dernière campagne des législatives, bien avant les résultats de ces scrutins. Nous pouvons donc d’emblée immédiatement balayer la critique qui lui est faite de palier un quelconque manque de majorité absolue au sein de l’Assemblée.
Ce Conseil a pour but de mieux associer l’ensemble des acteurs concernés au processus décisionnel en faisant remonter vers le Parlement les idées de la nation plutôt que de lui imposer des décisions venues d’en-haut. L’objectif est bien d’éclairer le travail parlementaire, pas de s’y substituer.
Le CNR abordera plusieurs thématiques d’avenir
Le CNR abordera plusieurs thématiques d’avenir, dont celles de l’indépendance industrielle, militaire ou alimentaire, du plein emploi, de la transition écologique, ou encore du service public. En pleine cohérence avec le poste de Haut-commissaire au plan qu’il occupe depuis deux ans, c’est François Bayrou qui préside cet outil utile à la revivification du débat démocratique.
Nous l’avons vu lors de la 1re séance du 8 septembre, plusieurs acteurs n’ont pas voulu jouer le jeu de la concertation. En effet, si une quarantaine de représentants des forces politiques, syndicales, économiques, sociales, associatives, et des élus des territoires étaient bien présents, une douzaine ont préféré décliner l’invitation. Je le déplore.
Les mêmes qui, au quotidien, fustigent l’exercice soi-disant solitaire du pouvoir du Président, se défaussent soudainement lorsqu’on leur demande de participer activement aux débats qui inspireront les décisions importantes pour l’avenir du pays. Ils ont tort. Si un mandat politique ou syndical est utile pour marquer son désaccord, il doit aussi l’être pour proposer et participer au débat d’idées.
Je ne trouve finalement pas cela étonnant venant du Rassemblement National et de la France Insoumise, qui préfèreront toujours l’opposition dogmatique au réalisme des propositions concrètes. Leur politique de la chaise vide confirme que les extrêmes n’ont pas pour objectif de faire avancer le pays, mais bien d’entretenir les difficultés, bien réelles, sur lesquelles ils fondent leur succès et de le ramener à des méandres volatiles et disconvenues lorsque l’on a la chance de vivre en démocratie.
L’urgence est à la concertation et pas à l’opposition systématique
Je suis plus étonné, par contre, de l’attitude de certains issus des rangs des Républicains, comme par exemple le Président du Sénat, qui, par crainte d’une hypothétique confusion avec le rôle du Parlement, préfèrent également opposer à ce débat une fin de non-recevoir. Notifions à cet égard une précision évidente : le Parlement conservera la prérogative du vote de la loi, il n’y a aucun débat à ce sujet. Je préfère largement l’attitude du Président de la CFDT qui choisit de constater et, par la suite seulement, éventuellement de s’opposer, ne claquant pas par avance une porte qui lui est grande ouverte.
En ces temps troubles et incertains, il me semble que l’urgence est à la concertation et pas à l’opposition systématique. Elle est au rassemblement et au débat des idées, non à la division artificielle. Leur échec électoral ne devrait pas empêcher nos oppositions de participer à la réussite du pays.
« Est fanatique celui qui est certain de posséder la vérité, définitivement ancré et enfermé dans ses certitudes. Il ne peut de ce fait plus participer aux échanges et perd, par sa prison, l’essence même de ce qui constitue sa personne ». Albert Jacquard.
Les élections législatives ont démontré l’aspiration des Français à faire de l’Assemblée nationale un véritable lieu de débat et de décision, et non plus une chambre d’enregistrement. Nos concitoyens ont exprimé leur choix de façon à rendre l’hémicycle représentatif des grands courants politiques qui composent le pays.
Emmanuel Macron, qui se voulait jupitérien et hostile à l’égard des corps intermédiaires, a multiplié après la crise des Gilets jaunes les comités Théodule et autres consultations qui ne représentent que ceux qui y participent et n’aboutissent, souvent, à pas grand-chose. La Constitution est pourtant claire : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Les consultations doivent se mener dans le cadre des institutions de la Vème République
Dès lors, les consultations doivent se mener dans le cadre des institutions de la Vème République. Les sujets essentiels pour nos concitoyens doivent ainsi être traités au Parlement, et spécifiquement à l’Assemblée nationale qui représente la volonté populaire.
Au-delà de la négation de nos institutions par les comités et conseils créés et organisés unilatéralement par le pouvoir exécutif, leur multiplication peut provoquer un éparpillement néfaste à l’efficacité de l’action publique. L’Assemblée nationale est, d’abord, le lieu idoine : elle dispose des moyens humains et matériels nécessaires. Elle permet de faire avancer les débats par des rencontres et des discussions au sein d’organes dédiés, en commission ou au sein de groupes d’études. Élus par le peuple, les députés en sont les porte-voix et savent quelles sont les préoccupations des citoyens.
Preuve que cette maison du peuple est aujourd’hui méprisée par l’exécutif, le Gouvernement refuse de convoquer une session extraordinaire du Parlement afin d’apporter des solutions concrètes, efficaces et les plus rapides possibles à nos concitoyens en dépit de l’urgence sur de nombreux sujets (énergie, santé, pouvoir d’achat, etc.).
On ne peut que déplorer la déconnexion du Président de la République vis-à-vis des aspirations réelles de nos concitoyens. Celui qui prétend avoir changé avec l’exercice du pouvoir n’a en réalité rien retenu des « gilets jaunes ».
Le « Conseil national de la refondation » est digne du pompier pyromane qui prétend reconstruire tout ce qu’il a participé à détruire
S’il souhaite consulter les Français, il a tout loisir de charger le Gouvernement d’organiser le travail parlementaire. Il peut d’ailleurs recourir au référendum, comme la Constitution le lui permet, pour lancer des chantiers démocratiques importants et attendus des Français comme l’introduction du référendum d’initiative populaire ou le scrutin proportionnel aux élections législatives.
Enfin, la terminologie utilisée par Emmanuel Macron pour qualifier son dernier gadget, le « Conseil national de la refondation » est digne du pompier pyromane qui prétend reconstruire tout ce qu’il a participé à détruire : souveraineté nationale, industrie, modèle social, marché du travail… Les Français ne demandent pas de « refondation » mais des politiques concrètes et ambitieuses propre à leur assurer prospérité et sécurité sur le long terme.
Évidemment, et pour toutes ces raisons, le groupe Rassemblement national et apparentés ne participera pas à cet artefact de communication. Les Français peuvent compter sur les députés patriotes du premier groupe d’opposition pour les défendre !