Chaque mois, pour chaque numéro, deux étudiants en partenariat avec Eloquentia débattent d’une question plus ou moins fondamentale… Le but est de réaliser un exercice d’éloquence et de débat par écrit. Nous les publions maintenant en ligne !
Vous aussi, ça vous tente ? Envoyez-nous un petit mail à contact@ledrenche.fr, on s’occupe du reste !
Le bûcher n’est pas que brutalité
Charlotte Eugène Guibbaud
étudiante en 3ème année de licence Arts et spectacle à l'Université Paris 8 de Saint-Denis, candidate à la formation Eloquentia Saint-Denishttp://eloquentia-saintdenis.fr/
22h30, Biarritz Town. Coucher de soleil sur le mois d’août.
Lui, cheveux décoiffés par le sel, la gratte brandie comme arme de séduction massive. Moi, la dix-septième année revendiquée, trace de maillot exhibée, je l’observe. Brûlante évidence à la Carla Bruni : Toi, t’es ma came. Réunis par un feu de joie improvisé, une décennie d’amour se dessine ; je me rêve mère de son foyer, femme et amante de cette créature mi-homme mi-artiste devenu ma moitié.
Obstacle : Christina, à son bras, crépite déjà. Je boue, refuse de voir mon avenir partir en fumée ; Christina, c’est toi ou moi. AU FEU ! Car oui : nous devons parfois mettre nos potes au feu.
D’abord par pragmatisme : c’est une solution radicale et aisée pour se débarrasser d’un ami envahissant ; On est jamais mieux servi que par soi-même, et une petite soirée babos-bolas ou bobo-feu-de-cheminée s’organise facilement.
Ensuite, par tradition ! Autant que le pot-au-feu revient, laissons le pote-au-feu revenir dans nos maisons ! Pratique fédératrice et spectacle joyeux du moyen âge : c’est un fait, le bûcher n’est pas que brutalité.
Le bûcher est une expérience en soi ; pour l’observateur, qui réalise que le corps n’est qu’enveloppe précaire et que les attentions qu’il lui porte sont bien fortuites ; pour le brûlé, à qui une palette de sensation nouvelles est offerte. Nul ne pourrait sans flamme connaître la sensation d’une chaire qui fond. Or, qui surmonte la plaie surmonte la vie. D’aucun pourrait s’outrer de la fatale issue ; Ce n’est pas ici ce que je revendique. Il s’agit de dorer plus que de mourir ! Tendance peau cramoisie, témoin d’une résilience déjà testée. Une épreuve surmontée, c’est un plus sur le CV.
Christina, embrasse plutôt les braises, ce soir c’est ambiance Caliente. Je t’offre un joli plan B : messeigneurs les pompiers.
L’amitié est un festin dont on est jamais vraiment rassasié
Delphine Allard
Etudiante en 3ème année de licence Théâtre à l'Université Paris 8 de Saint-Denis, candidate à la formation Eloquentia Saint-Denishttp://eloquentia-saintdenis.fr/
Mettre ses potes au feu, c’est mettre ses potes au chaud et les garder sous le coude pour les jours de disettes. Or l’amitié est un festin dont on est jamais vraiment rassasié.
À quoi bon mettre ses potes au feu ? Une amitié, ça mijote, ça rissole, ça crépite, c’est toujours en ébullition.
Parfois, nos potes on doit les cuisiner, Dans le grand restaurant de la vie, les chefs étoilés ont parfois des recettes douteuses. Mais si on est suffisamment saucée, on sait à quelle sauce on doit les manger.
L’amitié c’est déjà brûlant, le risque en mettant ses potes au feu, c’est de carboniser les liens ! Et de même qu’un jambon de pays nécessite de l’affûtage, une amitié nécessite une cuisson longue. Alors mieux vaut tailler le bout de gras que mettre ses potes au feu.
On ne doit pas mettre ses potes au feu, les amitiés se meuvent dans les eaux troubles de la vie, et quand on a pêché un gros poisson, on évite le barbeuc’ : on préfère la cuisson papillote.
L’essentiel dans la papillote c’est la préparation ! Garnir, assaisonner, et choisir les petits légumes avec attention, après il faut faire confiance et laisser cuire à feu doux.