Apprenez à parler du cancer

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Apprenez à parler du cancer

Le cancer est un phénomène de société”. En effet, chaque jour 1000 personnes apprennent qu’elles sont touchées par cette maladie en France. Si on observe une baisse du taux de mortalité depuis les 25 dernières années, grâce à l’amélioration des traitements et des méthodes de diagnostic, le cancer reste la première cause de mortalité en France.

Pourtant, malgré le fait que le cancer soit très répandu et fasse parfois partie de notre quotidien (via nos proches ou nous-même), cette maladie reste empreinte d’un grand tabou. En ce mois de prévention contre le cancer du sein, qui touche plus de 50 000 personnes chaque année, l’art peut permettre de sensibiliser le public. 

LE CONSEIL DE DÉGUSTATION

Laurence Cauzénil vous conseille pour accompagner votre lecture le thé Montagne d’or de chez Mariages Frères 

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« L’objectif était vraiment de casser le tabou,  d’informer sur la maladie en l’exploitant du point de vue scientifique, sociétal et intime»

L’exposition Cancers, qui a ouvert ses portes début septembre et qui investit 600m2 de la Cité des sciences et de l’industrie pendant un an, a un objectif clair : explorer toutes les facettes  du cancer. D’ailleurs comme nous l’explique la commissaire d’exposition Laurence Caunézil, le titre de cette exposition s’écrit cancers avec un « s » car il en existe près de 200 types. “C’est pas une seule maladie mais une grande famille de maladies.”

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Affiche de l’exposition Cancers de la Cité des Sciences et de l’Industrie

C’est la première fois que ce thème est le centre d’un projet de cette envergure. L’art avait bien-sûr déjà traité du cancer, comme par exemple dans l’œuvre de Prune Nourry qui dévoile son combat contre son cancer du sein. Mais jamais une exposition de cette taille n’avait vu le jour.

Les commissaires d’exposition  Laurence Caunézil et Maud Gouy ont travaillé main dans la main avec le commissaire scientifique Alain Eychène, également directeur du pôle recherche et innovation à l’Institut national de recherche du cancer (INca). À cette collaboration s’est ajouté un travail avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et plusieurs associations.

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.« Un engagement humain »

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Chaque information intégrée dans l’exposition a ainsi été préalablement vérifiée. Pour préparer au mieux cette exposition, les deux commissaires sont allées faire une journée d’immersion dans un hôpital afin de connaître le parcours de soins proposé aux patients. Puis elles sont allées dans un laboratoire de recherche pour mieux comprendre le quotidien des chercheurs. “On a été frappées par l’engagement qui ne s’arrête pas le soir (ndlr: après la journée de travail), et cette volonté de combattre cette maladie partagée par les médecins, les chercheurs et les associations” confie Laurence Caunézil.  

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Les différentes cellules de l’exposition Cancers

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« Nos visiteurs vont pouvoir poser à l’entrée le bagage émotionnel avec lequel ils arrivent»

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L’exposition est organisée en cinq installations audiovisuelles qui reprennent toutes la forme circulaire d’une cellule. Différents réalisateurs ont été appelés à participer à cette exposition. Pour Laurence Caunézil “cela permet de donner des esthétiques différentes et donc des représentations de la maladie différentes pour parler au plus grand nombre”.

À l’entrée, les visiteurs commencent par regarder une animation expliquant que le cancer n’est pas, contrairement aux idées reçues, une maladie moderne. En effet, elle existe depuis 500 millions d’années avec l’apparition des êtres multicellulaires. Les plantes et les animaux peuvent aussi développer des cellules cancéreuses.

« La partie sensible de la maladie »

Cette première installation rappelle aussi l’imagerie du crabe, associée pour la première fois à la maladie par Hippocrate. Remonter aux prémices du cancer en montrant que cette maladie touche tout le règne du vivant permet aux visiteurs, selon Laurence Caunézil, de se décentrer. Ils peuvent ainsi se détacher de leur bagage émotionnel. “C’est un sujet qui nous touche tous de près et de loin et auquel on rattache une grande anxiété« . 

En suivant le parcours de l’exposition, le visiteur a l’occasion de comprendre tout le processus de la cancérogenèse, c’est-à-dire quand une cellule devient cancéreuse, à travers un film d’animation en stop-motion. Après avoir compris le processus biologique et génétique du cancer, l’attention est portée sur l’annonce de la maladie au patient.

Pour 33% des patients, ce moment est le plus difficile à vivre dans tout leur processus de soin. Il provoque de multiples émotions, la panique, la peur, ou encore le déni et la solitude. L’exposition met alors en scène “cette sidération avec une double installation” comprenant un film d’animation et une compilation de témoignages filmés.

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« Informer c’est libérer la parole »

La suite du parcours se concentre sur les progrès scientifiques et l’état de la recherche actuelle. À travers différentes vidéos de chercheurs, on a l’occasion d’en apprendre plus sur l’immunothérapie ou bien sur les apports de l’intelligence artificielle. Après cela, l’exposition se penche sur les différents parcours de soins proposés aux patients. 

Pour Laurence Caunézil, “Informer c’est libérer la parole”. Notamment en parlant des différents traitements disponibles comme l’hormonothérapie, la chimiothérapie ou la radiothérapie et la manière dont ils peuvent se combiner. La lumière est mise sur des procédés généralement méconnus et sur des pratiques habituellement enfermées entre les quatre murs de l’hôpital.

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« Avec 4 cancers on balaie 50% des cancers les plus communs en France»

À travers une vidéo, où plusieurs acteurs prennent le rôle de patients atteints des cancers les plus communs (cancer du sein, de la prostate, des poumons et cancer colorectal), l’installation explique de manière factuelle les différents traitements proposés. Interprétés comme une pièce de théâtre, on regarde ces quatre actes qui permettent de répondre à plusieurs de nos questions. C’est quoi la chirurgie ? Pourquoi ce patient a-t-il une thérapie ciblée ? Qu’est ce qu’un essai clinique ? 

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Campagne de prévention – Exposition Cancers

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« On a pas peur des injonctions contradictoires»

La dernière partie de l’exposition traite de l’aspect politique de la maladie. “On n’a pas peur des injonctions contradictoires. A l’entrée on vous dit que c’est un processus naturel mais en fin d’exposition on vous dit aussi que c’est une problématique politique.”  Il est vrai que 50% des cancers seraient évitables avec une meilleure hygiène de vie, comme l’arrêt du tabac  ou la pratique d’une activité physique régulière. Mais en dehors de ces comportements individuels, le cancer reste une problématique collective.

Nous vivons pour la plupart dans un environnement pollué, où les fruits et légumes que nous consommons sont imprégnés de pesticides et cela a un impact sur notre santé. “On peut aussi parler de maladie politique dans le sens où les grandes campagnes de dépistages, mises en place par l’Etat, nous permettent de faire de la détection tôt. Et on sait que plus on détecte tôt un cancer, plus les taux de guérison augmentent.

La dernière “cellule” met ainsi en avant les différentes affiches de prévention et des spots contre les méfaits de l’alcool, du tabac ou encore sur l’importance du vaccin HPV (papillomavirus). Avant de partir, chaque visiteur est invité à réfléchir sur son mode de vie et à répondre sur un tableau à la question “Et vous, que feriez-vous pour lutter contre le cancer ?

« Parler de la maladie à travers l’art»

Offrant un moment d’apaisement artistique, cinq sculptures « totémiques » ont été réparties entre les espaces thématiques. Ces œuvres réalisées par Matthieu Lemarié et Pénéloppe Bozzi, du duo les Chevreaux Suprématistes, permettent aux visiteurs de faire une pause afin de mieux absorber les différentes informations.

La première sculpture reprend la composition du tableau “Portrait de Madame le Récamier” du peintre Jacques-Louis David. À la place de la jeune femme, le duo a créé un corps cubique mettant en avant l’imagerie liée au cancer. On voit alors des radiographies, des IRM ou encore des échographies pour aborder la détection et le diagnostic des différents cancers. Par la suite, ce sont les soins de support qui sont mis à l’honneur.

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Portrait de Madame Le Récamier de Jacques-Louis David (1800)
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Totem 1 – réalisé par les Chevreaux Suprématistes

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« Le corps et la psyché »

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À travers une sculpture d’un homme avec la tête dans un nuage, le visiteur peut comprendre l’importance des soins de support dans le chemin vers la guérison. Plusieurs artefacts sont alors collés sur le nuage tels un ballon de basket, de la peinture, un sein ou encore une petite figurine de Sigmund Freud. Ces éléments reliés à un texte explicatif exposé à l’arrière-plan mettent en évidence la relation du corps et du psyché. “Les soins de support appelés aussi oncologie intégrative comprennent l’ensemble des soins et soutiens nécessaires à la personne tout au long de sa maladie […] Une prise en charge complète de son être et pas seulement de l’organe atteint” nous explique l’œuvre.

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Totem 2 – réalisé par les Chevreaux Suprématistes

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Grâce à plusieurs activités comme l’art thérapie, la musicothérapie ou l’exercice de l’acupuncture et de la sophrologie, on prend en compte différentes problématiques. Les patients qui éprouvent des difficultés sociales, nutritionnelles ou encore vis-à-vis de leur rapport au corps peuvent ainsi être accompagnés. Différents soins comme l’oncofertilité, la physiothérapie, l’oncosexologie ou les soins socio-esthétiques sont ainsi mis à l’honneur. 

« De la poésie et des idées reçues»

Le troisième totem, reliant l’état de la recherche et les parcours de soins, met en avant à travers la poésie l’omniprésence du cancer dans le règne animal et le rôle des ces êtres vivants dans la recherche. Vous apprendrez alors que le rat taupe nu est l’un des seuls à être immunisé de cette maladie. Le totem suivant se concentre quant à lui sur les stéréotypes liés au cancer à travers un jeu de vrai ou faux. Non, boire du thé vert ne vous aidera pas à diminuer les risques de cancer, tout comme il n’existe aucune preuve scientifique de l’impact du jeûne. En revanche, oui, les pesticides ont une incidence négative et au contraire l’allaitement se révèle positif.

« Cancer ou carrière ?»

Le cinquième et dernier totem met en exergue le lien souvent problématique entre cancer et monde du travail. Sur 1000 personnes qui apprennent avoir un cancer, 400 travaillent.

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Totem 5 – réalisé par les Chevreaux Suprématistes

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Combiner maladie et travail se révèle compliqué pour beaucoup de patients et soulève plusieurs questions, comme “doit-on dire à notre patron que nous sommes malades ?” A travers une installation utilisant des pancartes de manifestations “ Travail de nuit – Travail me nuit”, “Cancer du travail – cancer au travail” ou “Le travail me cancerne”, l’exposition évoque plusieurs parcours. On peut alors écouter différents témoignages liés au travail, au prêt ou encore au respect du droit à l’oubli. “Cette mise en œuvre esthétique vient s’inscrire dans le travail des associations et de leurs revendications” précise Laurence Caunézil. 

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« Une exposition d’utilité publique»

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Pour ce qui est du dépistage, notamment celui du sein, des examens à faire soi-même sont possibles. Une palpation régulière peut permettre une détection plus rapide. Vous pouvez également vous référer à votre médecin en cas de question ou doute. Pour plus d’informations : https://www.e-cancer.fr/ 

Alors, t’as capthé


 

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