Boycott JO

Pour ou contre un boycott total des JO de Pékin ?

📋  Le contexte  📋

Un boycott est une entente volontaire visant à infliger un dommage financier ou moral à un individu, à une entreprise ou à un pays, par le refus systématique :

  • d’acheter ses marchandises ou ses services
  • d’entretenir des relations (sociales, culturelles, économiques)
  • de participer à un évènement public comme : une élection, un rassemblement politique ou un évènement sportif comme… les Jeux Olympiques

L’objectif de ce refus collectif est en général de faire pression sur la cible pour qu’elle réponde à une demande précise.

Le terme vient du nom du britannique Charles Cunningham Boycott (1832-1897), intendant d’un riche propriétaire terrien du comté de Mayo, en Irlande de l’Ouest, durant le xixe siècle : comme il traitait mal ses fermiers, il subit un blocus de leur part en 1880. Le mot boycott se répandit par voie de presse et « boycottage » fit son entrée en France en 1881, officialisant une pratique qui existait depuis des siècles, puis est devenu « boycott » récemment, comme dans le reste du monde francophone,

Dans le cas des Jeux Olympiques, on distingue en effet deux formes différentes de boycott.

Le boycott intégral ou total, parfois également appelé boycott sportif, consiste à ne pas envoyer d’athlètes aux Jeux. C’est notamment ce qui s’est passé en 1980, lorsque les Etats-Unis ont décidé qu’aucun sportif américain ne se rendrait aux Jeux de Moscou, en signe de protestation contre l’invasion des troupes soviétiques en Afghanistan.

Le boycott diplomatique consiste, lui, a n’envoyer aucun représentant de l’Etat. En revanche, les sportifs peuvent participer aux Jeux.

Si vous habitez dans un grotte, que vous détestez le sport ou simplement si vous n’avez pas suivi toute l’actualité, vous apprendrez que les Jeux Olympiques de Pékin ont débuté le vendredi 4 février 2022. Ceux-ci se dérouleront dans un climat de fortes tensions politiques. Les États-Unis ont annoncé en décembre 2021 boycotter les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin. L’Australie et le Royaume-Uni ainsi que le Canada leur ont emboîté le pas.

Les motifs invoqués à l’encontre de la Chine sont l’occupation militaire du Tibet, la répression des Ouïghours — qualifiée de « génocide » par trois des pays protestataires — et la crise démocratique à Hong Kong. En janvier 2022, les Pays-Bas et le Danemark annoncent un boycott diplomatique des Jeux à leur tour. De son côté, la France, après avoir déclaré qu’elle allait se coordonner au niveau européen, a finalement annoncé qu’elle se rendrait en Chine.  Elle sera représentée par la ministre Roxana Maracineanu. La Chine, elle, a avertit que « les pays du boycott diplomatique en paieront le prix ».

Si le volet diplomatique divise le monde, le rôle des sportifs est lui aussi au cœur des débats. Plusieurs ONG militent pour un boycott total.

Alors, les politiques et les sportifs doivent-ils boycotter les Jeux Olympiques ? On en débat !

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Marie HOLZMAN
Sinologue, Présidente de Solidarité Chine
Pas de JO dans une Chine non démocratique !

Pourquoi est-il si important pour un pays d’obtenir du Comité International Olympique la possibilité d’organiser des Jeux Olympiques, que ce soit en hiver ou en été ? Parce que les Jeux Olympiques bénéficient d’un prestige exceptionnel. Pour tous les athlètes du monde, l’obtention d’une médaille d’or aux J.O. est la consécration suprême, et pour les gouvernements des pays dans lesquels les Jeux se déroulent, c’est une source de fierté nationale : le monde entier a les yeux rivés sur leur patrie. La presse internationale est là, toute prête à faire des reportages positifs sur les infrastructures exceptionnelles, sur la beauté des lieux, etc.

Que la Chine ait envie d’accueillir ces J.O. d’hiver 2022, 14 ans après les J.O. de Pékin inaugurés en grande pompe le 8 août 2008 n’est pas surprenant. Mais le souci du gouvernement chinois ne ressemble en rien à celui de pays comme l’Australie, le Japon ou la France de 2024. Le Parti-Etat chinois est une dictature totalitaire dont la seule obsession est de maintenir la stabilité de son régime. En 2008, la tenue des J.O. a été une source de légitimité inestimable. Pour Hu Jintao, qui dirigeait alors le pays, c’était la preuve que la Chine avait réellement retrouvé sa place, et que le monde se pressait pour admirer ses prouesses dans tous les domaines : la modernité des stades, du réseau routier, des hôtels.

Seul un boycott des Jeux Olympiques qui serait mené avec détermination par tous les athlètes et les personnalités politique du monde permettrait de faire trembler l’édifice sur ses bases

Pourtant, dès que les Jeux furent terminés, dès que les derniers journalistes eurent terminé leurs reportages, la répression a repris de plus belle : le pouvoir avait démontré que pratiquement tous les gouvernements du monde avaient envoyé des représentants plus ou moins haut placés, et que donc, leur manière de gérer leur pays était unanimement reconnue et acceptée. Dès le mois de décembre 2008 Liu Xiaobo fut arrêté pour avoir pris l’initiative d’une proposition pour une réforme constitutionnelle, la Charte 08. Il fut condamné en 2009 à onze ans de détention. En 2010 sa renommée lui valut le Prix Nobel de la Paix, mais ne le protégea pas de la vindicte des dirigeants chinois : il mourut en prison le 13 juillet 2017 à l’âge de 62 ans. En d’autres termes : tant que les dirigeants chinois souhaitent obtenir quelque chose des pays démocratiques, ils font profil bas, et affirment leur désir de cohabitation pacifique, d’entraide et de fraternité. Dès que la séquence est terminée, la violence repart.

Cette fois-ci, le Président Xi Jinping ne s’est même pas donné la peine de se refaire une crédibilité aux yeux du monde : il peaufine l’écrasement de toute forme de libertés à Hong Kong en fermant les derniers médias indépendants de l’ancien régime « Un pays deux systèmes » qui était censé protéger la ville jusqu’en 2049, selon un contrat signé entre la Chine et la Grande Bretagne, en forçant la joueuse de tennis Peng Shuai à revenir sur ses accusations de viol par un très haut dignitaire chinois, en maintenant en prison Jiang Hengjun, un journaliste de nationalité australienne gravement malade, en refusant à Guo Feixiong, avocat défenseur des droits civiques, de se rendre aux USA au chevet de son épouse en phase terminale d’un cancer. Cette femme est décédée le 11 janvier 2022, et Guo Feixiong a été jeté en prison. La liste est trop longue pour citer tous les actes de violence d’une police qui n’a pas hésité à incarcérer un million de Ouighours pour les faire renoncer à leur culture et leur identité et en faire des « bons Chinois » taillables et corvéables à merci.

Ce qui est certain, c’est que seul un boycott des Jeux Olympiques qui serait mené avec détermination par tous les athlètes et les personnalités politiques du monde permettrait de faire trembler l’édifice totalitaire sur ses bases, donnant ainsi au peuple chinois l’espoir de se sentir soutenu et compris.

Le « Contre »
Éric MONNIN
Vice-Président de l'Université de Franche-Comté à l’Olympisme. Directeur du Centre d'études et de recherches olympiques universitaires (CEROU)
Le boycott aux Jeux olympiques ne sert à rien

Les XXIVᵉˢ Jeux olympiques d’hiver qui ont débuté à Beijing le 4 février suscitent de nombreuses polémiques. Le 6 décembre 2021, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki annonce qu’aucun représentant de la diplomatique américaine se rendra en Chine pour les Jeux en raison du « génocide et des crimes contre l’humanité en cours au Xinjiang ». Dans la foulée l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada rejoignent les États-Unis dans ce premier « boycott diplomatique ».

Par le passé, plusieurs olympiades ont été perturbées par le boycottage de nombreuses nations participantes.

Dès 1896, les Turcs boycottent les premiers Jeux organisés par les Grecs. En 1908, des athlètes irlandais refusent de concourir à Londres sous le drapeau anglais. Durant la septième olympiade à Anvers, en 1920, ses rivalités nationales s’amplifient à la suite de la Première guerre mondiale. Les pays vaincus (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Hongrie et Turquie) ne sont pas invités par le pays organisateur à participer aux épreuves olympiques. Les vainqueurs du conflit, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, refusent de rencontrer dans des compétitions internationales leurs anciens ennemis. Quant à l’Union soviétique, à cause de son régime politique communiste elle refuse de participer à ces « Jeux bourgeois ». Elle crée dès 1928 ses propres Jeux les Spartakiades. 

Le sport international semble réservé aux puissances capitalistes et démocratiques. En 1948, à Londres, l’Allemagne et le Japon sont aussi mis à l’écart comme nations responsables du déclenchement de la Seconde guerre mondiale. En 1964, lors des JO de Tokyo, l’Afrique du Sud est exclue par le Comité international olympique (CIO) à cause de la mise en place de sa politique d’apartheid. Les exemples sont nombreux (on pourrait les multiplier) pour démontrer la liaison entre considérations politiques et Olympiades. 

Les décideurs politiques oublient à cet instant tous les sacrifices liés au sport de haut niveau. Les Athlètes sont les seuls et uniques grands perdants de ce « boycott total ».

Le « boycott total » des Olympiades de 1956 (Melbourne, 7 nations boycottent), 1976 (Montréal, 22 nations boycottent) 1980 (Moscou, 67 nations boycottent) et 1984 (Los Angeles, 19 nations boycottent) a un objectif précis, celui de stopper la tenue des Jeux. Les athlètes des délégations concernés sont donc interdits de participer à cette fête quadriennale. Les décideurs politiques oublient à cet instant tous les sacrifices liés au sport de haut niveau (vie de famille, nombreux déplacements…). Les athlètes sont les seuls et uniques grands perdants de ce « boycott total ». 

Pour Fernand Landry et Magdeleine Yerlès, pour qu’un boycott se justifie, il faut d’une part que l’organisation des Olympiades soit mise à mal (guerre, attentat, crise économique, géopolitique…) et par ricochet qu’un nombre très important de Comités nationaux olympiques (CNO) refusent d’envoyer des athlètes. Cela conduit soit à l’annulation des Jeux ou des compétitions olympiques qui ne représentent plus aucun intérêt.

Par exemple en 1956, trois crises internationales ont conduit sept nations à boycotter les Jeux (Crise hongroise :  Espagne, les Pays-Bas et la Suisse ; Crise de Suez : Égypte, le Liban et l’Irak et Crise chinoise : République populaire Chine). Pour autant les Jeux ont eu lieu. 3.314 athlètes représentants 72 Comités nationaux olympiques (CNO) ont concouru dans 151 épreuves. De grand champions (Agnes Keleti, Viktor Chukarin, Bobby Morrow, Larisa Latynina…) ont été récompensés. De toute évidence le fondement même d’un « boycott total » décrit par Fernand Landry et Magdeleine Yerlès n’a pas eu l’effet escompté. Certains États s’en sont servis et ont sacrifié une nouvelle fois les athlètes pour dénoncer leur désaccord politique, économique ou géopolitique.

Le « boycott total » conduit à politiser l’événement olympique qui doit être au contraire une trêve au sens de la « Trêve olympique », ou « Ekecheiria », (idée déjà présente dans la Grèce antique dès le IXe siècle avant J.-C). Il est important de rappeler que depuis 1993, l’Assemblée générale des Nations Unies adopte, pour chaque Jeux, une résolution intitulée « Pour l’édification d’un monde pacifique et meilleur grâce au sport et à l’idéal olympique ».

L’annonce du « boycott diplomatique » pour Pékin 2022 présente un intérêt à double titre. Pour la première fois aux Jeux, cette « arme » diplomatique est déployée par les États afin d’exercer des pressions diplomatiques et politiques directement sur les organisateurs des Jeux. La seconde raison est essentielle et rassurante, elle ne prend pas en otage les athlètes. Ces derniers peuvent ainsi poursuivre leur rêve de prendre part à cet événement planétaire. 

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