RADIOACTIF
Le Drenche et l’Andra vous proposent de découvrir un résumé des épisodes du podcast Radio Actif et de sa série Demain dans 1 000 ans, la série qui explore la mémoire sous tous les angles !
Dangereux pour l’Homme et l’environnement, les déchets radioactifs doivent être isolés dans des installations spécifiques le temps qu’ils présentent des risques. Mais lorsqu’il est question de durées allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers d’années, la mémoire revêt un enjeu particulier et doit être préservée et transmise dès aujourd’hui… et pour demain. L’Andra déploie donc un vaste programme pour informer nos descendants. Cette série de podcast en fait partie !
Le troisième épisode explore la sémiologie sonore. La sémiologie étudie les signes de la vie sociale, c’est la science générale de la communication. La sémiologie du son étudie les signaux sonores. Pour construire une mémoire collective, le son peut être un outil de transmission : une voix, une musique, un bruit sont des signes chargés de sens. Qu’est-ce qui fait sens pour la population ? Ce sens est-il compris de manière universelle ? Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré Rémi Adjiman, chercheur au laboratoire PRISME (Perception Représentations Image Son Musique) et Paul Bloyer, sémiologue ayant étudié le rapport entre sémiologie sonore et construction d’une mémoire collective des stockages de déchets radioactifs.
LA SÉMIOLOGIE SONORE, KEZAKO ?
Pour commencer cet épisode, Rémi Adjiman redéfinit la sémiologie comme « la compréhension des signes. Pour certains, elle consiste à observer les objets et les signes qui en émanent. Pour d’autres, elle s’est ouverte vers la vie sociale et doit répondre à des questions sociologiques : comment cet objet est observé ? Par qui, à quelle époque ? »
Paul Bloyer travaille dans sa thèse sur un cas concret de sémiologie sonore : comment le son peut-il servir à créer et porter une mémoire pérenne de Cigéo, le centre de stockage géologique pour les déchets radioactifs les plus dangereux ?
« Avant de savoir ce qu’on va dire avec le son, il faut comprendre comment il fait sens. La grande question autour de la mémoire des déchets radioactifs est : va-t-on évoquer l’idée de danger ? Pour cela, il y aura des signes en surface – des panneaux, des monuments, des signaux sonores – qui indiqueront que ces déchets sont sous terre. Mais il faudrait également créer la mémoire aujourd’hui et la transmettre, avec des sons qui seront acceptés et portés par la société. Dans ce cas, si l’on veut qu’ils soient portés dans la durée, l’idée de danger n’est pas forcément adaptée car il faut que ce soit des sons qui seront facilement acceptés par la culture qui va les transmettre ».
Le message sonore pose également la question du dispositif. Les signes devront avertir ou communiquer sur des longues périodes.
Pour l’écrit, on peut graver dans du marbre par exemple. Mais pour le son ? « C’est plus complexe. Il y a deux stratégies : la première est de faire quelque chose de durable et compréhensible dans une époque lointaine. Mais c’est une stratégie risquée car nous n’avons pas le droit à l’erreur. L’autre est d’affirmer que l’important n’est pas de communiquer aux générations lointaines mais de communiquer aujourd’hui pour faire vivre la mémoire de génération en génération. Partant du principe que la mémoire doit être vivante, il faudrait créer un patrimoine sonore qui évoluera avec les prochaines cultures et civilisations. »
EXISTE-IL DES SONS COMPRIS DE TOUS ?
Rémi Adjiman nous présente les recherches faites à ce sujet au sein de son laboratoire PRISME. «Une partie de l’équipe a réalisé plusieurs expériences avec des cobayes à qui ils ont soumis des sons pour observer leurs réactions. Ils ont travaillé sur un dispositif qui produit en synthèse des sons correspondant au roulement d’une bille sur différentes matières. Ils sont arrivés à des résultats surprenants, qui renvoient à la notion d’invariant.» Le son d’une bille en acier qui roule sur du verre est-il reconnu par tous ? «A priori oui. Il existerait, dans le son, des composantes qui seraient interprétées comme un même signe par une immense majorité de la population.»
Avec la mondialisation, assiste-t-on à une uniformisation des codes et à l’apparition d’invariants globaux ?
« Dans le son, comme dans d’autres domaines, la mondialisation a créé des invariants culturels. On retrouve des situations récurrentes dans la production audiovisuelle mondiale. Quand un personnage de film est dans une perception subjective, un moment de stupeur ou d’angoisse, les sons extérieurs sont filtrés. Ce travail sur la matière sonore est reconnu par les spectateurs et est devenu un invariant culturel. »
À propos des invariants, Paul Boyer complète :« Il faut connaître les interprétations communes d’une culture à l’autre. Dans la musique par exemple, on sait que les gammes pentatoniques sont utilisées dans le monde entier. J’ai fait écouter des sons à des profils variés en leur demandant ce que cela leur évoquait. Effectivement, il y a des interprétations communes d’un individu à l’autre. Après, il reste difficile de définir l’origine de ces interprétations. Il y a tout de même un fondement commun : le corps. On peut faire appel aux sensations physiques les plus simples. Si on lance le son d’un cœur qui bat, tout être humain est capable de le reconnaître.»
QUELS SONS RENVOIENT À LA NOTION DE DÉCHET RADIOACTIF ?
«Je prends souvent l’exemple du compteur geiger, nous explique Paul Boyer, cette espèce de crépitement. Mais pour créer un son atemporel, ce son est-il le bon ? Sera-t-il reconnu dans plusieurs siècles? C’est à étudier.»
La création d’une mémoire sonore est un sujet d’étude en développement : quels sons choisir, pour quelles interprétations ? Ce sont ces questions auxquelles les sémiologues cherchent encore des réponses.
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