Désert médical : les étudiants en médecine doivent-ils y réaliser une partie de leur formation ?

Village perdu entouré d'une forêt représentant un désert medical

Numéro 1

S’informer

C'est quoi un désert médical ?
Un désert médical est une zone géographique dont la densité en professionnels ou établissements du secteur de la santé, en particulier en médecins, est, rapportée à sa population et ses besoins, nettement plus faible que dans le reste du pays. Ils sont corrélés avec un moindre dynamisme, notamment économique ou un vieillissement de la population et une difficulté de remplacement des professionnels cessant leur activité en dépit de leur charge de travail.

Et que fait-on contre ça ?
Pour remédier à cette situation, des réformes et mesures se sont développées depuis le début des années 2000 avec des résultats pour l’instant jugés mitigés : aides à l’installation, mesures fiscales, aides à l’investissement, bourses d’étude, etc…

Pour le moment, les acteurs publics ont mis en oeuvre essentiellement des stratégies fondées sur des outils incitatifs et non coercitifs.

Pourquoi on en parle en ce moment ?

En juin, députés et sénateurs sont parvenus en commission mixte paritaire (CMP) à un accord sur une version commune du projet de loi santé. Ce texte prévoit une réforme des études de santé, avec entre autre la suppression du «numerus clausus» ou encore une régularisation de médecins étrangers.

Les parlementaires sont également parvenus à un compromis sur le sujet épineux des déserts médicaux : alors que le Sénat avait voté l’obligation pour les internes de médecine générale et certaines spécialités d’effectuer leur dernière année d’étude du 3 ème cycle en autonomie dans un désert médical, la commission mixte paritaire a convenu d’une durée de 6 mois.

Le texte devrait être adopté définitivement d’ici fin juillet.

Précision importante : la tribune de l’ISNAR-IMG a été rédigée avant la décision en CMP de passer à une durée de 6 mois.

Numéro 2

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LE « POUR »

Les sénatrices et les sénateurs en toute responsabilité, déserts médicaux : la nécessité d’un choc  !

Billet rédigé par :

Yves Daudigny

Secrétaire du Sénat, Vice-Président de la commission des affaires sociales, Sénateur de l’Aisne

OUI, il y avait, il y a urgence à agir. Les inégalités d’accès aux soins touchent les territoires urbains ou ruraux les plus faibles, affectent les personnes les moins armées dans notre société. Elles sont de celles qui détruisent le plus notre pacte républicain.

Une idée folle, certainement pas. Trop audacieux tout de suite, peut-être

Les mesures d’incitation à l’installation en exercice libéral, les aides financières, l’organisation et la valorisation d’une pratique collective, les délégations de tâches ou l’évolution des métiers, la fin du numérus clausus et les initiatives prises par les collectivités territoriales sont des leviers utiles, efficaces mais insuffisants de régulation de l’installation des médecins. Et la demande de mesures d’autorités et de contraintes à l’installation par l’accord ou le refus du conventionnement à l’Assurance maladie s’exprime de plus en plus fort et avec de plus en plus d’insistance.

Porteur de l’angoisse, de l’incompréhension et de la colère de nos concitoyens et de leurs élus, le Sénat, en toute raison, en toute détermination, refusant majoritairement un dispositif de conventionnement sélectif des nouveaux médecins, par 311 voix pour et 16 contre, a décidé d’organiser la dernière année de troisième cycle des études de médecine générale et de certaines spécialités définies par décret en une année de pratique ambulatoire en autonomie en priorité dans les zones sous dotées, créant ainsi une année professionnalisante dans les territoires.

Le gain en temps médical pour les habitants sera immédiat

Une idée folle, certainement pas. Trop audacieux tout de suite, peut-être. En conclusion d’échanges entre les deux assemblées, la commission mixte paritaire, à l’unanimité des quatorze parlementaires la composant, a créé, pour la même troisième année du troisième cycle, un stage au minimum d’un semestre, en priorité en zones sous dotées, effectué sous un régime d’autonomie supervisée.

Qui soutiendra que des vocations ne naîtront pas au contact d’une réalité inégale selon les bassins d’emploi ?

Ainsi, chaque année, les étudiants en fin d’études, dans un cadre de formation réaffirmé, découvriront l’exercice ambulatoire dans tous les territoires dont les territoires en difficultés. Le gain en temps médical pour les habitants sera immédiat. Qui soutiendra que des vocations ne naîtront pas au contact d’une réalité inégale selon les bassins d’emploi, difficile parfois certes mais aussi d’abord humaine et attachante ?

Un pas en avant important, c’est une certitude, dans la lutte contre la désertification médicale.

LE « CONTRE »

Acquérir de l’autonomie, oui ! Seul et sans formation, non !

Billet rédigé par :

Pieter Prats

Porte-parole de l’ISNAR-IMG
https://www.isnar-img.com

Une année d’exercice en autonomie dans les “déserts médicaux” telle que proposée par les Sénateurs revient à amputer la formation des médecins généralistes. Retirer un tiers de leur formation est un non-sens pédagogique et représente un danger pour les patients.

L’internat de Médecine Générale dure actuellement trois ans. Cette maquette pensée de façon globale et articulée avec des stages complémentaires permet l’acquisition progressive des compétences nécessaires à l’exercice de cette spécialité complexe.

Au-delà de ces considérations pédagogiques ubuesques, il existe un risque inacceptable pour les patients

Le texte proposé par les Sénateurs instaure une mise en autonomie complète des futurs généralistes dans les territoires, en dernière année, qui ne permet pas un encadrement pédagogique. Sans encadrement, cette année se résume à une année d’exercice, qui porte de formation seulement le nom.

Au-delà de ces considérations pédagogiques ubuesques, il existe un risque inacceptable pour les patients. Une telle année implique une prise en charge réalisée par des étudiants non prêts, sans possibilité de supervision par un médecin.

En votant cette mesure, les sénateurs ont fait fi de la sécurité des patients. Proposer pour les territoires une sous médecine pratiquée par des étudiants mis en difficultés et parachutés seuls dans un territoire n’est pas acceptable. Les patients doivent être la priorité de notre système de soin et méritent des médecins pleinement formés pour cette pratique complexe et contraignante.

Quel est donc l’intérêt d’ébranler les études médicales pour aboutir à une formation de moins bonne qualité ?

Nous partageons la volonté initiale de cette mesure de faire découvrir l’exercice libéral aux internes, de les y former, et de leur en donner l’envie de s’y installer. Mais cette mesure a été adoptée sans une prise en considération globale et une connaissance complète des fondements de notre formation. L’internat de Médecine Générale comprend déjà 2 à 3 semestres en cabinet, et ces stages sont déjà majoritairement en zone sous dense.

Quel est donc l’intérêt d’ébranler les études médicales pour aboutir à une formation de moins bonne qualité ? Pourquoi ainsi mettre en danger des patients déjà en difficultés pour accéder à des soins ?

Imposer une année telle que proposée renie donc tous les principes pédagogiques

Il ne faut pas se voiler la face, l’argument de la création d’une 4ème année ne tient pas debout ! Le manque d’enseignants est criant en Médecine Générale et les terrains de stages ambulatoires sont insuffisants. L’encadrement ne pourrait pas être réalisé dans les conditions nécessaires à une plus value pédagogique rendant inaudible toute proposition en ce sens.

Imposer une année telle que proposée renie donc tous les principes pédagogiques et fera fuir la jeune génération de l’exercice libéral !

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