L'éducation positive est-elle applicable au quotidien ?
L'éducation positive est-elle applicable au quotidien ?

L’éducation positive est-elle applicable au quotidien ?

📋  Le contexte  📋

On a pu le voir avec l’essor de contenus à ce sujet dans les livres ou sur les réseaux sociaux, l’éducation positive suscite de plus en plus d’intérêt chez les Français. Elle provient d’une idéologie, la communication non violente, mise au point par le psychologue Marshall B.Rosenberg dans les années 1970. Cette méthode consiste à communiquer sans jugement ni agressivité, et elle s’adresse à tous, pas seulement aux parents. L’éducation positive a repris ce principe, affirmant que la communication non violente est à la base de la relation parents-enfants. Elle a été développée en France dans les années 2000 notamment grâce aux travaux de la psychothérapeute Isabelle Filliozat et la pédiatre Catherine Durmonteil-Kremer. 

Le 10 juillet 2019, la loi pour l’interdiction de la fessée a été adoptée. Cela a suscité des débats concernant les violences éducatives ordinaires, des violences du quotidien (physiques ou psychiques) communément admises et tolérées. De nombreuses études ont démontré les conséquences néfastes de ces violences, souvent considérées comme “légères” subies dans l’enfance. L’éducation positive tend à les réduire en déconstruisant certains schémas.

L’éducation positive se base sur l’épanouissement personnel de l’enfant. Cette méthode a pour but de modifier les croyances que nous avons intégrées depuis plusieurs générations afin de changer le regard que nous portons sur lui. En effet, l’idée que l’enfant doit obéir et que c’est un être sur lequel le parent exerce un rapport de force tend à disparaître de plus en plus au sein de notre société. L’éducation est mise à jour sous le prisme de la positivité, de l’écoute et du respect. Le but est de considérer l’enfant comme un adulte en devenir, et de reconnaître ses besoins et ses sentiments. Il faudrait en fait, co-construire son éducation à ses côtés, en usant de la communication. Cela favoriserait son autonomie et sa coopération. 

Source : Coolparentsmakehappykids.com 

Mais l’éducation positive n’a pas que des adeptes, étant parfois associée à du laxisme. Pour les partisans de l’éducation positive, certains parents auraient tendance à être trop durs et autoritaires alors qu’il serait plus judicieux d’écouter l’enfant et de se mettre à sa hauteur. Cela permettrait même d’éviter certains conflits. À l’inverse, certains se sentent culpabilisés par cette façon de voir l’éducation, estimant qu’elle est inapplicable au quotidien. L’autorité serait donc nécessaire, car l’enfant serait parfois trop jeune pour comprendre et accepter les règles. Alors, l’éducation positive est-elle applicable au quotidien ? On en débat aujourd’hui avec deux experts ! 

Sources : Sud-Ouest, L’express

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
L'éducation positive est-elle applicable au quotidien ?
Le « Pour »
Camille Adam
Professionnelle de la petite enfance. Étudiante éducatrice de jeunes enfants, en apprentissage en 2 ème année
L’éducation positive ou un regard nouveau sur l’enfant

Fini les cris, les pleurs et les gestes déplacés ; qu’ils soient physiques ou psychiques. Qui dit éducation positive dit relation apaisée entre l’adulte et l’enfant. L’éducation positive est applicable au quotidien, j’en suis convaincue. 

Non il ne fait pas de caprice, non il ne doit pas obéir au doigt et à l’œil.

Pour qu’elle le soit, il faut commencer par changer notre regard sur l’enfant et tout ce qu’on a toujours voulu nous faire croire. Non il ne fait pas de caprice, non il ne doit pas obéir au doigt et à l’œil. Oui, l’enfant, si l’on s’intéresse un peu plus à lui, est capable de nous épater par ses compétences, sa persévérance, sa motivation, son envie de découvrir le monde et celle de faire plaisir à l’adulte qui l’accompagne. 

L’enfant a un fonctionnement différent de l’adulte et a besoin que nous nous adaptions à lui.

Par là je veux vous dire que l’éducation positive est applicable au quotidien si vous êtes prêts à bousculer le regard que vous portez sur l’enfant et toutes les idées bien ancrées dans notre société.

Si vous êtes prêts, alors c’est parti !

Je vous livre ici 3 idées concrètes pour vous aider à mettre en place une nouvelle éducation dans votre quotidien, une éducation nommée positive :

        Ne pas chercher son obéissance mais souhaiter sa coopération. Le but premier est que l’enfant devienne un individu libre d’esprit et de corps ; un individu ayant confiance en lui et ayant une estime de lui de qualité. Pour cela, au revoir les injonctions incessantes et bonjour la communication.  

        Avoir confiance en soi et en l’enfant. Vous êtes capable d’y arriver et lui aussi. Mais pour cela, il ne faut pas se tromper de priorité et accepter de lâcher-prise. Diminuez les attentes envers vous et envers l’enfant. Il est capable de choses incroyables quand l’environnement est adapté et si vous lui faites confiance.

        Utiliser la communication positive. Dans la phrase « Ne touche pas le couteau. », le jeune enfant entend « Touche » et « Couteau ». Son premier réflexe sera de toucher le couteau. Cette phrase est une invitation à le faire. Préférez cette tournure: « Tu peux manger les pâtes qui sont dans ton assiette. ». Ici, le couteau n’apparaît pas et l’attention est détournée le temps de sécuriser l’environnement. Les cris sont évités, la communication est présente et une relation apaisée se met en place.

De la confiance, du lâcher-prise et de la communication. 

À partir du moment où nous comprenons que porter un regard nouveau sur l’enfant est le point de départ de ce grand changement, l’éducation positive devient applicable au quotidien. 

Un programme qui peut sembler utopique, voire impossible. En effet, il s’éloigne du modèle que la plupart d’entre nous avons reçu. Cependant, je suis convaincue qu’à partir du moment où nous comprenons que porter un regard nouveau sur l’enfant est le point de départ de ce grand changement, l’éducation positive devient applicable au quotidien. 

Elle est possible parce que nous comprenons l’enfant et nous cherchons à l’accompagner à grandir le plus sereinement possible. 

Nous ne sommes plus l’adulte tout puissant et il n’est plus l’enfant incapable.

Transmettre cette vision de l’enfant est ma plus grande bataille car c’est le meilleur moyen de construire une relation apaisée et de qualité avec l’enfant afin de l’aider à devenir un adulte confiant et bien dans ses baskets.  

Cette vision change tout et transforme l’impossible en possible. 

Le « Contre »
Patrick Ben Soussan
Pédopsychiatre
La parentalité positive ne résiste pas à l’épreuve du quotidien

La parentalité bienveillante vous vend du rêve et du bonheur en kit. Elle a juste oublié de vous rappeler combien c’est normal, fondamentalement, d’être parfois débordé et de vaciller en tant que parent. Être parent, c’est vraiment un job épuisant, souvent déroutant. Freud n’écrivait-il pas que ce métier était « impossible » ? Et Samuel Beckett, dans Cap au Pire, quand il assure que « L’important, c’est d’essayer encore, de rater encore, de rater mieux », ne met-il pas au cœur de la parentalité le rôle formateur et structurant de l’échec : il est en effet constitutif de l’expérience quotidienne comme source d’apprentissage.

La réussite du métier de parent  demande du temps, des efforts et des ajustements

La parentalité n’est ni une disposition naturelle ni une somme de techniques et de recettes, mais un processus fait de persévérances, de déroutes, de questionnements qui aident à « rater mieux ». La réussite du métier de parent  demande du temps, des efforts et des ajustements. La parentalité positive, qui inonde les médias de conseils orientés vers la bienveillance éducative, le rapport apaisé aux enfants, promet aussi de trouver solutions, réussite et bonheur dans la parentalité, grâce aux recettes vendues à coup de yes we can : si on veut, on peut – donc, si vous n’y parvenez pas, c’est que vous n’êtes pas un bon parent, ou, pire, que vous ne le voulez pas vraiment.  Parentalité positive ? L’expression vous rappelle quelque chose ? Eh oui : la pub des années 1980, Carrefour je positive » ou comment être heureux de consommer. Cette parentalité positive ou bienveillante, notion bricolée à la hâte par des marchands de mirages s’appuie sur les fables de proximité et d’amitié virtuelles colportées par les réseaux sociaux. Vous vous posez des questions sur la parentalité ? Rendez-vous sur internet, ses sites dédiés, ses blogs clé en main, ses forums de développement personnel du parent performant.

(Les parents) se mettent à penser qu’ils font mal, ils s’en veulent quand ils perdent patience et finissent par vivre l’éducation de leur enfant comme un état de stress absolu et incessant.

En laissant de côté notre histoire de vie et ses événements, qui nous ont construits comme individus, elle ignore délibérément le fait que devenir parent s’inscrit dans un espace complexe entre notre vécu antérieur et ce que nous allons construire, dans un contexte instable et hétérogène (en ce moment plus que jamais ). Peut-être la parentalité positive essaie-t-elle tout bêtement de nous faire croire que l’on peut être parent sans effort, juste avec un peu de volonté et de soumission à des expertises pédagogiques dites « innovantes ». Mais les parents, sans cesse invités à se remettre en question et à développer toutes les bonnes techniques pour devenir, quoi qu’on en dise, un parent « parfait » n’en peuvent plus de ce trop de pression, de ce trop de culpabilité qui les submerge quand ils n’arrivent pas à maintenir ces bonnes résolutions. Ils se mettent à penser qu’ils font mal, ils s’en veulent quand ils perdent patience et finissent par vivre l’éducation de leur enfant comme un état de stress absolu et incessant. Car s’ils sont incapables de faire face à toutes sortes de scénarios déplaisants (Ah! la crise au supermarché ou le refus de cesser leur activité préférée ou leur décision de sortir non couvert en plein hiver), n’est-ce pas parce qu’ils sont de bien mauvais parents! Z’avaient qu’à se former selon la doxa positiviste ! Antonino Ferro assure  qu’« un enfant sain est celui qui survit aux soinx de ses parents ». Plaise au ciel qu’il survive ainsi à notre bienveillance quotidienne.

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