En graphiques : qui a peur de quoi en France ?

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LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

En graphiques : qui a peur de quoi en France ?

Au cours des années 1960, les inventeurs américains de l’enquête de victimation ont interrogé aussi leurs enquêtés sur leur ressenti, ce qu’ils ont appelé fear of crime, en français sentiment d’insécurité. Ils ont découvert que l’insécurité n’était pas un simple doublon du risque encouru. Au début des années 1970, on a aussi montré que ce sentiment d’insécurité avait deux facettes, d’un côté la crainte d’être victime, de l’autre la préoccupation pour la criminalité comme problème de société, de même qu’on peut craindre de devenir chômeur, mais qu’on peut aussi considérer l’emploi comme un grave problème de société, que l’on se sente personnellement menacé ou non.

La peur dans le quartier

La peur dans le quartier constitue la mesure classique de l’insécurité personnelle.

La figure 1 montre qu’elle n’a guère changé d’ordre de grandeur à l’échelle de la France métropolitaine – entre 10 et 12% – au cours des quinze dernières années.

A noter, qu’entre 1998 et 2004, l’INSEE a omis d’interroger ceux qui avaient déclaré avoir trop peur pour sortir le soir. Pourtant, on peut avoir peur même si on ne sort pas.

On voit aussi que le taux de peur francilien évolue dans un ordre de grandeur bien plus élevé (autour de 20% avec une légère tendance à la baisse) et que l’on a pu enregistrer en 2005 des fréquences de peur encore plus fortes dans certaines communes de la proche banlieue nord-est.

Finalement, la peur dans son quartier n’a pas changé d’ordre de grandeur au cours de la période observée, mais sa fréquence varie beaucoup selon le lieu où l’on habite. Les enquêtes de l’Institut Paris Région (IPR) permettent de découvrir que la peur pour ses enfants peut être encore plus répandue que celle ressentie dans son quartier et que l’insécurité personnelle atteint des fréquences encore plus élevées dans les transports en commun.

La préoccupation sécuritaire

Ceux qui classent la préoccupation sécuritaire au premier rang des problèmes de société sont toujours (beaucoup) moins nombreux que ceux qui s’inquiètent avant tout pour l’emploi ou la pauvreté. A l’échelle métropolitaine, la fréquence de la préoccupation métropolitaine n’a guère changé d’ordre de grandeur. En Île-de-France, l’enquête – qui est plus ancienne – montre une forte baisse de fréquence au cours de la première décennie du siècle, mais des mesures sur une plus longue période ont révélé qu’il s’agit plutôt d’un retour à une fréquence habituelle après une forte alarme à l’insécurité en tout début de siècle.

C’est une caractéristique de la préoccupation sécuritaire : quand le débat devient intense, ceux qui sont modérément préoccupés par l’insécurité peuvent rejoindre pour un temps ceux qui en sont obsédés… avant de regagner plus ou moins vite leur classement habituel. On notera aussi que la fréquence de la préoccupation sécuritaire se situe dans le même ordre de grandeur que l’on considère la France métropolitaine toute entière ou seulement l’Île-de-France.

L’insécurité personnelle dépend du risque auquel on est exposé combinée avec la vulnérabilité que l’on ressent pour des raisons physiques (âge, sexe) ou territoriales (quartier). La préoccupation sécuritaire, elle, envisage la criminalité comme un problème social plutôt que comme un risque personnel.

Elle se présente plutôt comme un choix idéologique très lié, comme le montre l’enquête de l’Institut Paris Région sur l’Île-de-France, à l’autopositionnement politique que l’enquêté s’attribue. On relèvera la très forte corrélation avec un positionnement à l’extrême-droite ; elle est encore conséquente chez ceux qui se classent à droite.

Philippe Robert, Sociologue, Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

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