📋 Le contexte 📋
Depuis 1990, l’addiction se définit par plusieurs caractéristiques cliniques. On retrouve ainsi :
– l’impossibilité répétée de résister à l’impulsion d’un comportement spécifique,
– la sensation de tension croissante précédant le début du comportement,
– le plaisir ou soulagement durant le passage à l’acte,
– la sensation de perte de contrôle pendant le comportement.
Elle peut s’avérer problématique pour la santé, dans la vie sociale, la vie de couple, la vie professionnelle…
Source : IFAC
La Classification internationale des maladies (CIM) est une classification médicale codifiée classifiant les maladies et une très vaste variété de signes, symptômes, circonstances sociales et causes externes de blessures ou de maladies. Elle est publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le « trouble du jeu vidéo » a été intégré officiellement à ce classement en 2018.
Source : OMS
Après plusieurs études et recommandations de spécialistes, l’existence d’une « addiction » aux jeux vidéo a été récemment reconnue comme une maladie à part entière par l’Organisation mondiale de la santé et inscrite à la CIM. Elle toucherait autour de 3 % des 2,5 milliards de joueurs dans le monde.
Cette inscription ne fait cependant pas l’unanimité. Certains psychologues avancent qu’ils peuvent être au contraire un remède contre l’anxiété ou la dépression. D’autres critiquent les critères trop larges de l’OMS ou le manque de profondeur dans les recherches.
Source : IFAC
🕵 Le débat des experts 🕵
Les joueurs occasionnels ne sont pas concernés
En 2019, l’OMS a surpris la communauté scientifique et les psychothérapeutes en annonçant que la prochaine version de sa Classification Mondiale des Maladies comportera un Trouble du jeu vidéo classé dans les addictions comportementales. Cette décision est problématique pour de nombreuses raisons.
L’addiction aux jeux vidéo est dans la littérature scientifique depuis les années 1995 pour désigner des utilisations excessives. Cependant, il n’y a pas de consensus pour définir ce que peut être une addiction aux jeux vidéo ni pour la mesurer, ni même sur la fréquence du trouble.
Il n’y a pas de preuve qu’une utilisation excessive cause des difficultés dans le temps
Les chercheurs et les psychothérapeutes s’accordent pour dire qu’une addiction doit conduire au minimum à des difficultés psychosociales ou à une détresse importante pour la personne sur une période suffisamment longue. Or, à ce jour, la recherche n’a pas pu apporter de preuves qu’une utilisation excessive des jeux vidéo soit la cause de difficultés importantes dans le temps.
Alors que le développement d’une toxicomanie est bien décrit, celui de l’addiction aux jeux vidéo après un quart de siècle de recherches, reste encore bien mystérieux. Les mécanismes sous-jacents à cette addiction sont tout autant inconnus.
La tolérance et le manque ne sont pas retrouvés dans le comportement des joueurs
Le modèle biologique qui est parfois avancé – la pratique des jeux vidéo est associée à une libération de dopamine qui est impliquée dans le circuit du plaisir – est insuffisant d’une part parce que les quantités de dopamine sont très différentes. Les jeux vidéo sont associés à 50-100% du taux normal ce qui est largement inférieur à la cocaïne (350 %) ou la méthamphétamine (1200%).
La recherche n’a pas non plus mis en évidence deux composants essentiels de l’addiction. La tolérance, c’est-à-dire la nécessité d’augmenter la dose de produit pour obtenir le même effet, et le syndrome de manque ne sont pas retrouvés dans les comportements des joueurs. On n’a pas non plus pu mettre en évidence que le jeu excessif est préjudiciable.
L’utilisation du mot addiction stigmatise des comportements normaux ou non-problématiques
L’utilisation du mot “addiction” pour décrire les comportements excessifs de certains joueurs n’est pas seulement inappropriée cliniquement. Elle est aussi problématique parce qu’elle a tendance à réduire les conséquences gravissimes des addictions aux produits et à exagérer les risques encourus par les joueurs de jeux vidéo. Enfin, elle a pour principal effet de stigmatiser des comportements normaux ou non-problématiques.
Au final, l’addiction aux jeux vidéo est une notion problématique parce qu’elle repose sur des recherches de faible qualité, qu’il n’y a pas de consensus sur sa symptomatologie, son évaluation. Le diagnostic d’addiction stigmatise les joueurs tout en conduisant les soins dans la mauvaise direction.