Roxana Maracineanu

Fallait-il justifier la reprise du football pour des motifs économiques ?

Ce débat est publié en partenariat avec l‘Observatoire du Foot-Business

📋 Le contexte 📋

«Les grandes manifestations sportives de plus de 5000 participants ne pourront se tenir avant le mois de septembre. (…) La saison 2019-2020 ne pourra pas reprendre.» Lors du très attendu plan de déconfinement devant l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre Édouard Philippe avait tranché : point de Ligue 1 et de Ligue 2 jusqu’à l’automne, au grand dam des aficionados de l’Hexagone. Un choix acté très, trop tôt ?

En Écosse ou en Belgique, la raison l’a également emportée sur la passion, et les pelouses seront laissées au repos au moins jusqu’au mois d’août. Dans les grands championnats, les athlètes se préparent à conclure l’exercice 2019-2020 – à huis clos. Avec mi-juin pour échéance, les fans italiens et espagnols patientent déjà devant leurs écrans. Contrariés par une vague épidémique, les Anglais ne comptent pas non plus renoncer à leur sacro-saint ballon rond. Et que dire de la Bundesliga allemande qui a déjà disputé deux journées intégrales ?

« On est vraiment trop cons. » Jean-Michel Aulas a rarement sa langue dans sa poche quand il s’agit d’évoquer la fin de saison. Dans les colonnes de l’Équipe, le président de l’Olympique Lyonnais – épaulé par Amiens et Toulouse – a réitéré son souhait de poursuivre la Ligue 1 jusqu’à son terme, dénonçant l’hérésie d’une décision prématurée. A l’inverse, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a déploré une reprise de la Bundesliga « guidée par des considérations économiques » outrepassant la prudence sanitaire. Fallait-il justifier la reprise du football pour des motifs économiques ? Venez en débattre avec nous.

🕵 Le débat des experts 🕵

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Le « Pour »
Vincent Chaudel
Fondateur de l'Observatoire du Sport Business
Le football est une économie à sauver.

Évidemment, comme Roxana Maracineanu l’affirme, que la Bundesliga a repris pour des raisons économiques ! Le football de haut niveau est un sport professionnel par ses joueurs, ses entraîneurs, ses staffs, les salariés des clubs… En France, la filière représente entre 35 000 et 40 000 emplois ; c’est un secteur d’économie à sauver, comme on doit sauver l’industrie du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration…

Là est précisément une différence que l’on a du mal à comprendre dans notre pays : le sport professionnel et le sport de haut niveau. Un joueur de Ligue 2 – peut-être 20 000ème au classement mondial – n’est pas un joueur de haut niveau, quand un champion olympique d’une quelconque discipline est très haut dans sa hiérarchie. Le premier, en revanche, vit de son sport. Le second pas forcément.

Sport de haut niveau rime avec performance, sport professionnel avec économie et moyen de vivre. Peut-être est-ce le point posant le plus de problèmes dans notre culture française et qui se cache derrière la prise de position de la ministre des Sports. Oui, il était important pour l’économie du football – pas uniquement des joueurs – que la Ligue 1 reprenne. Elle va aujourd’hui perdre beaucoup par rapport à ses concurrents.

Dans les sciences économiques et sociales, on considère souvent le volet social, moins le volet économique, Il ne fallait évidemment pas reprendre à n’importe quel prix. À partir du moment où la santé est garantie, il faut reprendre pour sauver des emplois. Sauf que la décision a été prise a priori et non a posteriori des solutions. Et sans concerter nos voisins…

Le « Contre »
Philippe Doucet
Journaliste
Très chère exception française...

Revisitons-nous les vieilles questions du baron Pierre de Coubertin, pour lequel l’important était de participer ? Des débats a priori désuets, apparemment pas en France. La Ministre des Sports a enfoncé une véritable porte ouverte en affirmant que l’Allemagne avait repris le football pour des raisons économiques. Certes oui, le sport est un secteur économique.

Quelques remarques étaient pourtant intéressantes dans son explication. La première, ce qui s’applique aux petites fédérations amateurs doit s’appliquer au monde professionnel. La seconde, l’Allemagne obéit à une logique de pouvoir régionalisé que l’on ne connaît pas dans l’Hexagone.

La Ministre des Sports n’a fait que reprendre une tradition républicaine d’un pouvoir public centralisé et fort quant au domaine sportif. Le Général de Gaulle, après l’échec des Jeux Olympiques de 1960, avait orchestré un plan public de relance qui nous a valu depuis bon nombre de médailles. Coubertin et de Gaulle ne nous rajeunissent pas ; ce sont pourtant les étendards de nos valeurs républicaines.

Ne devrait-t-on pas tenir compte, mieux, se réjouir de notre mentalité locale ? La nôtre, la française, celle qui soutient que le football doit s’arrêter, comme elle soutient certainement la Ministre qui place le sportif du dimanche sur la même marche que Kylian Mbappé ? En France, la morale est haute, l’envie d’avoir raison contre tous aussi. Ce dossier en est le meilleur emblème.

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