📋 Le contexte 📋
La mondialisation du monde moderne a entraîné une hausse de la migration, soutenue par l’émergence de nouvelles technologies, comme le développement de nouveaux systèmes de transport sophistiqués. L’accélération de ces déplacements s’explique entre autres par le recours massif de certains pays à la main-d’œuvre étrangère, comme l’a fait la France dès la fin du XIXe siècle. Depuis, le thème du « problème de l’immigration » revient régulièrement dans le débat politique, que ce soit en France ou dans d’autres pays.
Les raisons qui motivent les étrangers à venir en France sont diverses, comme en témoignent les différents motifs à l’origine des demandes de titres de séjour (document assurant la reconnaissance par l’autorité publique du droit à séjourner sur le territoire national pour un ressortissant étranger majeur). Au 31 décembre 2020, d’après les sources du Ministère de l’Intérieur, ce sont plus de 3,3 millions de ressortissants de pays étrangers qui détiennent un permis de séjour en France. 92,7% d’entre eux viennent des pays tiers à l’Union Européenne. Le premier motif pour ces permis de séjour est le motif familial (il en concerne plus de 1,2 million, soit près de la moitié), suivi du motif humanitaire (17,8%) dont plus d’un tiers est un document provisoire donné aux demandeurs d’asile avec un dossier encore en instance de traitement. Les motifs variés représentent 12% des permis de séjour (hors renouvellement de plein droit), et regroupent principalement les visiteurs, les étrangers entrés mineurs et les retraités. Quant au motif économique, il concerne un permis valide sur 10 (avec souvent une durée inférieure à 5 ans), contre 9% pour les études (la première raison de délivrance de titres courts, un an au plus).
De nombreux pays cherchent à accueillir de nouveaux arrivants.
Le Canada a pour objectif d’accueillir près d’un demi-million d’étrangers chaque année jusqu’en 2025, pour pallier le manque de main-d’œuvre criant dans le pays. Plus de 900 000 postes sont aujourd’hui à pourvoir dans de nombreux secteurs comme les soins de santé.
Également confrontée à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, l’Australie a porté ses quotas d’immigration à un niveau record. Le gouvernement travailliste a annoncé, vendredi 2 septembre, qu’il allait relever de 22 % le quota d’immigration qualifiée pour accueillir 195 000 étrangers par an. Un record historique.
Et nos voisins européens ne sont pas en reste. Le recrutement de travailleurs immigrés qualifiés devient un enjeu national en Allemagne, qui en appelle à la « mobilisation générale de l’État » pour faciliter l’arrivée outre-Rhin de centaines de milliers de ressortissants extérieurs à l’Union européenne. Le pays compte 2 millions d’emplois vacants. Il veut donc assouplir les règles d’accueil des étrangers.
La question de l’accueil des étrangers n’a cessé de faire l’actualité en fin d’année dernière. Début novembre 2022, éclatait la polémique sur le débarquement de l’Ocean-Viking. Quelques jours plus tard, un nouvel accord était signé entre la France et le Royaume-Uni pour lutter contre les traversées de la Manche. Enfin, suite au meurtre de la petite Lola, Gérald Darmanin a demandé aux préfets d’appliquer plus fermement les obligations de quitter le territoire français (OQTF) à « l’ensemble » des étrangers en situation irrégulière et plus seulement aux « étrangers délinquants ». Mais les questions de fond comme l’impact économique de l’immigration, sont très peu abordées.
Dans ce contexte, une nouvelle loi sur l’asile et l’immigration en France sera votée prochainement. Présentée en décembre dernier par le gouvernement, elle sera débattue au Sénat en janvier et à l’Assemblée en mars. Il s’agira de la trentième loi immigration depuis 1980 !
Le projet de loi oscille entre durcissement et assouplissement et cherche un équilibre précaire. Le grand écart entre les deux mesures-phares symbolise l’équilibre recherché : d’une part, la délivrance d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) dès le rejet d’une demande d’asile en première instance, d’autre part la création d’un titre de séjour pour les travailleurs étrangers sans-papiers dans les « métiers en tension », qui manquent de main-d’œuvre.
En effet, comme le Canada, l’Australie ou l’Allemagne, la France semble également faire face à un besoin important de main-d’œuvre et réfléchit à faciliter l’accueil de main-d’oeuvre étrangère. Dans le cadre de la future loi sur l’asile et l’immigration, le gouvernement projette de créer un nouveau titre de séjour d’un an, pour les travailleurs étrangers des « métiers en tension ». Il vise à favoriser le recrutement de travailleurs étrangers en situation irrégulière dans les secteurs qui peinent à recruter. En effet, l’hôtellerie, la restauration ou encore le bâtiment ont des besoins d’effectifs importants. Pour tous ces secteurs à la peine pour attirer des salariés, employer des étrangers semble être devenu une nécessité.
Alors faut-il accueillir plus d’étrangers ? On en débat !
🕵 Le débat des experts 🕵
Plusieurs fantasmes viennent brouiller le débat sur l’immigration. Le premier est d’ordre identitaire. Non, nous ne sommes pas en train d’être «grand remplacé» par des migrants en provenance du continent africain refusant notre civilisation ! Certes, un quart de la population française est immigré ou issu d’au moins un parent immigré mais on observe les mêmes ordres de grandeur dans des pays comme l’Allemagne ou les Etats-Unis. Il est vrai que nos flux migratoires sont peu diversifiés, plus de 40% provenant d’Afrique dont près d’un tiers du Maghreb. Mais les indicateurs montrent que l’intégration a lieu très rapidement, dès les premières générations. Ainsi, selon l’INED, la fécondité des descendantes d’immigrés se rapproche de celle des françaises «de souche», et cela serait en particulier le cas pour les personnes d’origine maghrébine. Dès la troisième génération, les immigrés du Maghreb ne choisissent plus des prénoms spécifiquement arabo-musulmans pour leurs enfants. Enfin, d’après l’INSEE, les unions mixtes progressent très rapidement au fil des générations: 75% des conjoints d’un immigré issu du Maghreb ont la même origine, mais ce taux tombe à près de 40% pour la seconde génération.
La France serait un pays permissif en matière d’immigration. C’est tout le contraire !
Le second préjugé va de pair avec le premier: la France serait un pays permissif en matière d’immigration, qui attirerait en masse des étrangers désireux de profiter de notre protection sociale. C’est tout le contraire! En matière d’acceptation de demande d’asile par des réfugiés, la France se situe au 17ième rang européen. En ce qui concerne le regroupement familial d’enfants et de conjoints d’un ressortissant étranger installé en France, les flux ne représenteraient qu’environ 35 000 personnes par an, soit un taux dérisoire de 0.05% de la population.
L’essentiel des flux migratoires (mesurés par la délivrance de titres de séjour) correspond aux étudiants et, dans une moindre mesure, à la migration économique ainsi qu’au regroupement familial d’enfants et de conjoints de français. Et ces flux restent modérés dans notre pays (deux fois moins que la moyenne de l’UE ou de l’OCDE), qui n’a connu ni le boom de l’immigration économique vers l’Espagne dans les années 90, ni les afflux successifs de réfugiés vers l’Allemagne au cours des trente dernières années. Enfin, les migrants ne viennent pas pour notre «État providence»: à cet égard, la France n’est pas attractive, ceux-ci préférant souvent aller voir ailleurs, dans d’autres pays européens où la protection sociale est moindre. In fine, l’impact sur l’équilibre des comptes sociaux serait faible car ces migrants travaillent – donc cotisent – pour une large partie d’entre eux et, plus jeunes, pèsent moins sur les branches vieillesse et maladie.
En France, faute d’un débat serein, l’immigration économique reste diabolisée et insuffisante
Sur le plan économique enfin, tous les travaux convergent pour dire que les migrants viennent surtout en complément de la population locale et soutiennent la croissance. Bien sûr, une fraction de la population française, en particulier celle peu qualifiée, peut se retrouver en concurrence avec de nouveaux arrivants, et voir se dégrader un temps ses conditions d’accès au marché du travail. Mais même lors des grandes vagues migratoires vers les États-Unis, la France ou Israël, ce phénomène est resté très marginal. L’immigration est surtout une opportunité, apportant une main d’œuvre peu qualifiée pourvoyeuse notamment de services à la personne, mais aussi des travailleurs qualifiés force d’innovation. Dans la plupart des pays, les immigrés sont surreprésentés dans la population d’entrepreneurs et de chercheurs. Hélas, moins en France où, faute d’un débat serein, l’immigration économique reste diabolisée et insuffisante.
Plutôt que « faut-il », qui laisse entendre qu’il y aurait un impératif à le faire (mais de quel ordre : moral ? politique ? économique ?), la bonne question est « peut-on » accueillir plus d’étrangers en France ? La réponse est non. Explications.
Tout d’abord, les flux (légaux et illégaux) sont déjà considérables. Connaissant une puissante vague migratoire depuis le début des années 2000, la France a délivré en moyenne 255 000 titres de séjour légaux par an entre 2017 et 2021. Cela représente, le temps du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, 1,28 million de personnes nouvelles, ce qui représente 1,9% de la population française totale. Quant à l’immigration illégale, elle est évalué entre 600 000 et 900 000 étrangers en situation irrégulière. Ces chiffres considérables ont des conséquences profondes pour notre pays.
Les capacités d’accueil sont tous sous tension et au bord de la rupture
Le premier ordre de conséquences s’observe sur les capacités d’accueil qui sont tous sous tension et au bord de la rupture : le logement (53% des adultes sans domicile sont de nationalités étrangères selon l’INSEE), l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (structurellement incapable d’accueillir un nombre annuel de demandeurs), la pauvreté (le taux de pauvreté des immigrés est de 30,7% contre 13,2% pour la population non-immigrée selon l’INSEE) et l’emploi (le taux de chômage des étrangers, de 15,7%, est deux fois plus élevé que celui des Français, à 7,4%).
Mais d’autres conséquences sont encore plus essentielles que ces instantanés économiques et sociaux. Ce sont celles liées à l’intégration. On ne peut en effet penser l’immigration sans penser l’intégration, comme le font beaucoup de spécialistes. On ne peut souhaiter maintenir un niveau élevé d’entrées sur le territoire sans évaluer la capacité d’intégration, à la fois de la société d’accueil et du candidat à l’installation, comme l’analyse finement l’économiste britannique Paul Collier dans son livre Exodus. Or, force est de constater que l’intégration fonctionne mal, et de plus en plus mal.
On voit apparaitre une ou plutôt des contre-sociétés qui partagent de moins en moins de choses avec la société française
Le fait qu’une majorité des jeunes immigrés ou issus de l’immigration s’intègre, ne signifie pas que l’intégration fonctionne bien. On voit apparaître une ou plutôt des contre-sociétés qui partagent de moins en moins de choses avec la société française. Une partie de la jeunesse issue de l’immigration, minoritaire mais pas négligeable pour autant, manifeste de manière de plus en plus radicale son désir de séparation d’avec le reste de la société.
On en voit à l’école. On ne compte plus les témoignages d’enseignants ne pouvant plus faire cours d’histoire et de français mais aussi de biologie ou de sport. Les refus des contenus de l’enseignement, pour cause religieuse principalement, explosent. Tout comme la violence scolaire. Les heurts qui ont eu lieu au mois d’octobre dernier au lycée Joliot-Curie de Nanterre, sur fond d’entrisme islamiste, illustrent cet état de fait.
Autre aspect : le rapport à la loi. Selon un sondage de 2020, 57% des jeunes Français musulmans considèrent que la charia est plus importante que la République. Dernier symptôme, plus tragique encore : la question du terrorisme. Nous savons que 62% des auteurs d’actes terroristes commis contre notre pays depuis 2012 sont Français. Ce chiffre est tout simplement terrifiant. Le fait que de jeunes Français se soient livrés à de tels actes hostiles à la France signe un échec majuscule de notre politique d’intégration. On ne peut pas faire comme si cette réalité tragique n’existait pas.