Elvis Presley au micro

Faut-il aller voir Elvis au cinéma ?

📋  Le contexte  📋

Elvis Presley est né en 1935 à Tupelo dans le Mississippi. Il déménage avec ses parents Gladys et Vernon Presley à Memphis quand il est âgé de 13 ans. Son père est incarcéré après avoir signé un faux chèque, ce qui renforce encore plus la relation fusionnelle qu’il entretient avec sa mère. La première à signer le roi du rock n’roll est la maison de disque Sun Records. Elvis commence ainsi à se faire connaître avec le titre That’s All right Mama et sa manière de bouger sur scène bouscule les foules.

Puis en 1955, il signe un contrat d’exclusivité avec le Colonel Tom Parker et devient en un an une star adulée de tous. Il devient l’icône de la jeunesse et prend les foudres des conservateurs. Pour calmer cette pression puritaine, il s’enrôle dans l’armée en 1958 et part ainsi en Allemagne. C’est là bas qu’il rencontre Priscilla Beaulieu, une adolescente de 14 ans et de 10 ans sa cadette, qui deviendra sa femme en 1967. Un an plus tard, ils donnent naissance à leur fille Lisa Marie avant de divorcer en 1973. Pendant sa mission, sa mère décède ce qui impactera durablement le chanteur.

Après son retour d’Allemagne, il se lance dans le cinéma mais après une trentaine de films sa carrière commence à ralentir . En 1968, il chante à la télévision pour le Comeback Special et relance la machine Elvis avec son titre If I can Dream. Un an plus tard, sous les conseils du Colonel, il signe pour une série de concerts à l’hôtel l’International de Las Vegas et abandonne son rêve de chanter en Europe. Il enchaîne alors les concerts et les tournées, amplifiant sa consommation de stupéfiants et de médicaments, ce qui entraîne plusieurs problèmes de santé. Elvis décède en 1977 d’une crise cardiaque. Il reste à ce jour une icône de la musique, qui a vendu de son vivant plus de 700 millions de disques et donné plus de 1 500 concerts.

Le Colonel Tom Parker, de son vrai nom Andreas Cornelis van Kuijk, a été l’impresario du King pendant 22 ans. Il croise pour la première fois Elvis en 1955 alors qu’il est producteur dans les fêtes foraines du Tennessee. On ne connaît pas véritablement ses origines. Une des hypothèses est qu’il a fuit les Pays-Bas après le meurtre d’une jeune femme à Breda, dont il était originaire. Ce serait une des raisons qui expliqueraient pourquoi Elvis n’aurait jamais donné de concert en Europe. Étant entré illégalement aux Etats-Unis, le Colonel ne pouvait posséder de passeport sans révéler son passé.

Au plus fort de la carrière du chanteur, l’homme au cigar gérait une véritable entreprise en créant tout un merchandising autour de lui. Au début, le colonel percevait 25% des revenus d’Elvis, un montant qui passe à 50% à la fin des années 1960.Des sommes qui lui servaient pour son addiction aux jeux d’argent.

En parallèle de tous ses travers qui amèneront Elvis dans la surconsommation de stupéfiants, il est considéré comme à l’origine de tous les grands moments du crooner comme ses passages à la télévision, son entrée dans la maison de disque RCA ou ses scènes à Las Vegas. Il meurt en 1997, soit 20 ans après son protégé.

Le film Elvis, qui reçoit des critiques favorables à son encontre, est le seul film de l’été à pouvoir concurrencer Top Gun : Maverick au box-office. Sorti le 22 juin dernier en France, 343 596 entrées ont été enregistrées en une semaine. Un démarrage correct mais loin des débuts tonitruants du dernier film du réalisateur Baz Luhrmann.

En 2013, Gatsby le magnifique avec Leonardo DiCaprio avait obtenu 760 438 entrées dès la première semaine. Aux États-Unis et au Canada, Elvis réalise un bon début puisqu’il rapporte déjà 44,7 millions de dollars pour un total mondial de 64,7 millions de dollars. Avec de tels résultats, il peut espérer rembourser son budget de 85 millions de dollars qui a été augmenté à cause de la crise sanitaire.

Ce succès est surtout l’œuvre de la popularité d’Elvis Presley. Selon PostTrak, sondeur cinématographique, 31 % des spectateurs du week-end d’ouverture avaient plus de 55 ans et 48 % avaient plus de 45 ans. Sans aucun doute, les spectateurs venaient (re)découvrir la vie d’Elvis pour 49 % d’entre eux. Cependant, 25 % du public est également venu pour voir Tom Hanks au cinéma.

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Le « Pour »
Camille Saint-Pierre
Rédacteur au Drenche et fan de Tom Hanks
Presley - Parker / Hanks - Butler : Des duos iconiques

C’est vrai que le film est long, je ne peux pas le nier. Vous ressortez lessivé, mais il y a des bonnes raisons à cela. Le réalisateur Baz Luhrmann retranscrit avec un rythme dynamique les différentes époques qu’a traversé Elvis Presley. En musique, vous allez voyager de Memphis à Las Vegas.

Avec ce film, j’ai pu découvrir un chanteur que j’adore sous un regard nouveau, celui du Colonel Parker. Un impresario vénal qui a vu en Elvis sa poule aux œufs d’or. Si vous ne connaissez pas celui qui a transformé ce jeune de Memphis en une star planétaire et intemporelle, ce film est fait pour vous.

Les influences du King

On voit comment le Colonel s’est servi des rêves du crooner et de ses attaches familiales pour créer un véritable business. À travers la vente de jeux de société, de figurines, le réalisateur fonde le début du merchandising. Le Colonel démontre que tout peut se vendre, même la haine. S’il existe des détracteurs, autant leur vendre un pin’s I hate Elvis non ? Ce film reproduit bien le phénomène Elvis avec des fans en trans à chaque mouvement de jambes.

On comprend aussi l’importance de sa famille, surtout de sa mère décédée prématurément, dans la vie et la carrière du King. Mais aussi comment le Colonel s’est infiltré dans leur dynamique familiale. Vous voyez le film Parasite ? Ça donne cette impression. Mais tout est dans la nuance, on montre aussi les idées de génie du Colonel et le soutien qu’il a parfois apporté à son protégé.

Une Amérique puritaine

En plongeant dans cet univers de costumes moulants et de rouflaquettes, le public comprend, grâce à ce film, d’où vient la musique d’Elvis. Notamment la forte influence du blues et du gospel joués par les afro américains. On évoque, même si ça aurait mérité d’être plus marqué, le privilège blanc dont à bénéficié le chanteur. Quand Elvis est menacé de se faire jeter en prison s’il n’arrête pas de danser, son ami BB King lui rappelle que le fait qu’il soit blanc et connu lui offre une immunité. S’il agissait de lui, en tant qu’homme noir, l’issue serait bien différente.

Et c’est aussi ça ce film, montrer l’Amérique puritaine et l’impact qu’elle a eu dans la carrière du chanteur. Un douloureux rappel de l’histoire ségrégationniste des Etats-Unis et de son actualité de pays divisé. Ces hommes conservateurs perçoivent son déhanché comme une atteinte aux mœurs, impropre à sa couleur de peau, et tentent par tous les moyens de l’interdire. C’est cette pression qui poussera Elvis, sous conseil de son Colonel, à rentrer dans l’armée.

À travers la voix off du Colonel, qui est une sorte de plaidoyer, on perçoit alors les différents styles d’Elvis. Du rebelle à la star de cinéma. On voit la drogue, la montée de la paranoïa, l’impact de la mort de Martin Luther King et de Bobby Kennedy. On voit la cage dorée que le Colonel a façonnée.

Un jeu d’acteur à couper le souffle

Je ne peux terminer cette critique sans vous parler du talent des acteurs. Austin Butler qui joue le King est incroyable. En plus de chanter la plupart des chansons, sa ressemblance avec Elvis est frappante. Tom Hanks est quant à lui métamorphosé. Il devient un homme libidineux, où son physique colle parfaitement avec son caractère vénal. Les acteurs disparaissent complètement en faveur de leur personnage. Un duo parfait et iconique.

Le « Contre »
Bastien Boname
Rédacteur au Drenche et fan des bandes son cohérentes
Un film qui aurait pu être tellement mieux

2h39. Non, je ne vous parle pas d’un match de tennis à Wimbledon mais bien de la durée du film Elvis. Je pense que tout le monde est d’accord pour dire que c’est beaucoup, beaucoup trop long. Surtout pour un film de ce calibre et de cette ambition. Le style du réalisateur Baz Luhrmann a tenu sa promesse avec des séquences ultra-rapides et des plans que nous allons qualifier d’originaux. Cette prise de risque est clivante mais elle peut encore passer. À titre personnel, j’ai quand même trouvé qu’il y avait un peu d’abus sur le split screen (multi-image). J’étais un brin dérouté un peu comme son public féminin quand il a découvert Elvis Presley pour la première fois.

Le film reprend bien évidemment les codes du biopic. Une ascension fulgurante qui marque des générations entières puis la descente aux enfers avec son lot d’excès. Les performances d’Austin Butler et de Tom Hanks dans la peau du « King » et du Colonel Parker sont tout simplement épatantes. Malheureusement, le film a (au minimum) une demi-heure de trop pour que le positif puisse prendre le pas sur le fait qu’on ressorte « saoulé ».

Une narration frustrante

L’idée de découvrir Elvis Presley par le regard de son impresario laissait présager de belles choses mais elles sont une nouvelle fois obscurcies par les lacunes. Un peu comme la gestion de la fin de carrière de cette légende planétaire, on peut trouver ça rageant. Le film se permet quelques ellipses dans le temps et quelques trous narratifs qui auraient pourtant été très intéressants.

Certains points cruciaux de l’histoire sont également survolés. Les États-Unis de ses débuts étaient puritains et ségrégationnistes. Le film l’évoque sans vraiment l’approfondir. L’influence de la musique rythm and blues et des artistes afro-américains n’est peut-être pas aussi appuyée qu’elle aurait pu l’être. Le parti pris était de voir le « King » avec la vision du Colonel Parker mais le film a quand même voulu jouer sur tous les tableaux. Il n’a pourtant pas eu l’audace d’aller jusqu’au bout.

La musique contemporaine dans un film biographique c’est non !

Un autre point négatif qui est naturellement rédhibitoire. Les décors et les costumes d’époque ont été bien respectés mais ça constitue un crime de lèse-majesté d’utiliser des musiques qui ne sont pas d’époque ! On peut se permettre d’exploiter d’autres musiques que celles du « King », même si c’est un peu gâché vu son répertoire, mais on ne peut pas diffuser de nouvelles chansons. Et puis quoi encore. À ce stade, on aurait presque pu voir le petit Elvis regarder les résultats des Grizzlies de Memphis sur son portable entre deux chansons. Vous n’avez pas la référence et vous ne comprenez pas ? Sachez que j’étais dans le même état que vous quand j’ai entendu les rappeurs Doja Cat et Eminem avec leurs chansons personnelles.

Comme le film qui n’a pas toujours su hiérarchiser ses priorités, je me permets de revenir sur un aspect déjà évoqué. L’importance de la relation amour-haine entre les deux protagonistes est bien évidemment la colonne vertébrale mais elle aurait pu s’appuyer sur d’autres forces comme l’enfermement géographique.

Elvis évoque cette star qui se rêve en légende du cinéma. Avec ce film, nous ne sommes pas passés très loin de boucler la boucle mais suffisamment pour voir l’écart entre l’espoir et la réalité.

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