📋 Le contexte 📋
Le mot « euthanasie » vient du grec ancien ευθανασία qui signifie « bonne mort ». Dans sa définition plus moderne, l’euthanasie désigne un acte médical visant à provoquer la mort d’un malade incurable dans le but d’abréger ses souffrances (selon la définition du Larousse).
En France, la notion d’euthanasie n’est pas définie juridiquement. Cela signifie que l’acte d’euthanasie est juridiquement qualifié de meurtre ou d’empoisonnement si elle est active, et de non-assistance à personne en danger si elle est passive (comme dans le cas d’absence de soins). Cela équivaut à dire que l’euthanasie dans sa définition moderne est interdite en France. La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi Leonetti, affirme à la fois l’interdiction de l’euthanasie tout en empêchant l’acharnement thérapeutique. Elle précise que lorsque des actes médicaux « apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant ».
Pendant la campagne présidentielle de 2012, François Hollande s’était déclaré en faveur d’une « assistance médicalisée pour terminer sa fin de vie dans la dignité », dans son engagement n°21. Les sondages sur la question sont nombreux, et les résultats varient en fonction du moment de la question et de la tournure de la question. En 2012, 89% des Français se déclaraient favorables à l’euthanasie active dans certains cas, selon un sondage. Récemment, selon un sondage commandé par l’ADMD et publié en octobre 2014, 96% des Français répondaient « oui » à la question : « la loi française devrait-elle autoriser les médecins à mettre fin, sans souffrance, à la vie de ces personnes atteintes de maladies insupportables et incurables si elles le demandent ? ». Enfin, le sondage mené récemment (décembre 2017) par l’Ifop pour La Croix et le Forum européen de bioéthique confirme le consentement d’une grande partie de la société à des sujets comme l’évolution de la loi sur la fin de vie (89 %). Et vous, qu’en pensez-vous ?
🕵 Le débat des experts 🕵
Tout d’abord, il faut clarifier le sujet pour éviter les malentendus. «Euthanasie» n’est pas un terme précis. En fait, c’est un mot d’origine grecque, signifiant simplement «bonne mort, mort douce, mort facile». De plus, ce terme est employé dans des contextes très divers (euthanasie animale, massacres perpétrés par le national-socialisme, etc). Avant de discuter du sujet, il faut donc préciser de quoi on parle. En Suisse, l’euthanasie active est interdite. Cette règle est valable indépendamment du fait que la personne ait demandé qu’on l’aide à mourir ou non. En revanche, l’assistance au suicide est possible et légale depuis 1942, à la condition que la personne qui veut mourir soit capable de discernement et jouisse de la capacité physique d’accomplir l’acte final elle-même. Il est possible de prodiguer une assistance qui prépare l’acte lui-même et accompagne la personne désireuse de mettre un terme à sa souffrance. Cette assistance a, en outre, pour but d’éviter que la personne échoue et d’entourer les membres de la famille et les amis présents. Selon le gouvernement français, près de 10 500 personnes meurent par suicide chaque année. Mais de quelle manière? Est-ce que les méthodes consistant à se jeter d’un bâtiment ou à s’étendre sur les rails du chemin de fer sont fiables? En France, entre 176 000 et 200 000 tentatives de suicide sont prises en charge chaque année par les urgences hospitalières. Cela veut dire que le risque d’échouer et de subir ensuite les séquelles temporaires ou permanentes de cet échec est immense. Il est évident que se suicider dans la solitude, en recourant à des méthodes risquées, n’est pas dans l’esprit du jugement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Celle-ci a, en effet, déclaré en 2011 : «La Cour estime que le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de former librement sa volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention.» N’oublions pas que la Convention ne protège pas les droits théoriques ou illusoires, mais les droits concrets et effectifs. Par conséquent, il faut formuler la question ainsi: «Doit-on concéder à l’individu la liberté de choisir personnellement son destin, quand sa souffrance devient trop lourde, et doit-on lui offrir une option réelle, libérale et humaine aussi en France, par exemple selon le modèle suisse ?» Si l’on respecte les valeurs des droits de l’homme, de l’humanité et de la liberté, il y a qu’une réponse à cette question : Oui.
Souvent derrière ce mot on pense : finir sa vie dans la dignité sans souffrance… On est tous d’accord ! Moi j’ajoute : grâce aux soins palliatifs (encore trop ignorés) et non par l’euthanasie! Depuis 15 ans, comme bénévole (Jalmalv) j’accompagne des personnes en fin de vie, (souvent jusqu’à la mort) seulement 3 personnes m’ont demandé l’euthanasie : -L’une, sans famille proche, se paralysant peu à peu, me confie son désir de revoir une nièce avant de mourir : souhait sans réponse… Quelle souffrance morale, quelle difficulté d’accompagnement ! -La seconde décide de refuser la dialyse (ce qui conduit à une mort certaine) : « je veux mourir ». Bouleversement des soignants me demandant «d’aller la voir une dernière fois, si elle a quelque chose à dire »… Effectivement, elle en avait à dire : quelle intensité dans ses paroles et… le lendemain, elle réclame sa dialyse disant : « ça vaut le coup de vivre, je m’aperçois que je compte encore pour certains…» -La dernière : cris incessants, souffre trop, demande qu’on l’aide à mourir. Je reste à ses cotés, lui dis que j’entends bien mais ne peux y répondre : je suis là, pour lui, et resterai tant qu’il le souhaitera. Peu à peu, il s’apaise, me donne un numéro de téléphone car il voudrait tant voir sa fille… (ce sera fait) je l’ai accompagné 2 mois et…il n’a jamais redemandé à mourir ! Ces 3 cas mettent en évidence l’angoisse de la solitude face à cette mort prochaine. Si les malades se sentent encore exister aux yeux des autres : ça change beaucoup ! Par des phrases déguisées, il n’est pas rare d’entendre des demandes de proches trouvant que « ça ne va pas assez vite, qu’ils sont obligés de revenir souvent, avec un sentiment de perdre leur temps ? ». En fait, ces demandes sont pour qui ? Une conviction, voire même pour moi, une certitude : si la personne en fin de vie, sachant qu’elle va mourir, (la souffrance prise en compte) est entourée, par les équipes soignantes, les proches sans oublier les bénévoles formés (!) cette fin sera, souvent, plus sereine pour tous et la mort sera perçue autrement par tous. Que de prises de conscience avant que chacun s’approprie ce qui caractérise la fin de vie : soins palliatifs, directives anticipées, loi Léonetti (Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005, NDLR)…