Faut-il baisser les taxes sur le carburant ?

📋  Le contexte  📋

Les taxes perçues par l’État représentent approximativement pour 60 % des prix de l’essence et du gazole à la pompe. Les taxes appliquées au carburant les plus importantes sont la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le montant de la TICPE s’applique sur les produits pétroliers voués à servir de carburant ou d’énergie de chauffage. Elle est définie chaque année par la loi de finances et peut être majorée par les Conseils régionaux, pouvant aboutir à des TICPE différentes selon les régions. Elle représente à elle seule 40 % du prix payé à la pompe. En 2019, selon le ministère de l’économie, les recettes de cette taxe se sont élevées à près de 33 milliards d’euros, constituant ainsi la quatrième recette fiscale de l’Etat. Si la TICPE est censée augmenter tous les ans, ce n’est plus le cas depuis 2019 suite au mouvement des gilets jaunes.   

La TVA s’applique sur l’ensemble du prix du carburant, donc également sur la TICPE. Depuis le 1er janvier 2014, la TVA est à un taux de 20 % en métropole.

 

prix carburant

Depuis le début de l’année, les prix des carburants ont sensiblement augmenté et cette hausse s’est brusquement accélérée après que la Russie a envahi l’Ukraine, le 24 février. En France, selon le ministère de la transition écologique, le litre de gazole a atteint, vendredi 11 mars, 2,141 euros et 2,082 euros pour l’essence super sans plomb 95 (SP95), soit une hausse de 25 et 20 centimes d’euros.

Carburant
Source ; Insee, Ministère de l’économie

 

Pour préserver le pouvoir d’achat, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé une « ristourne carburant » de 15 centimes par litre, à partir du 1er avril, pour quatre mois. Cette mesure utilisera des crédits encore disponibles, issus du budget du ministère de la transition écologique.

La hausse brutale des prix à la pompe a relancé le débat sur le niveau des taxes appliquées aux carburants. Plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont appelé à diminuer la TVA ou la TICPE sur les carburants, jugées injustes pour les Français les moins favorisés. 

 

Marine Le Pen proposait de faire passer la TVA de 20 à 5,5 % sur les carburants, le gaz et l’électricité. Coût de cette proposition : 12 milliards d’euros selon le Rassemblement national. La candidate promettait également de supprimer les augmentations de la TICPE qui ont été décidées entre 2015 et 2018 et de les compenser « par une taxe exceptionnelle » sur les compagnies pétrolières. Ces annulations de hausse, ajoutées à la baisse de la TVA feraient « baisser le litre de gazole de 44 centimes, et le litre d’essence de 34 centimes », a évalué son équipe de campagne. La baisse de la TVA auraient été pérennes tandis que les annulations de hausse étaient sensées s’appliquer « tant que le baril est au-dessus de 100 dollars ».

En revanche, Emmanuel Macron n’est pas favorable à une baisse de la fiscalité sur le carburant et souhaite des aides plus ciblées. Invité du JT de TF1 en tant que soutien du président sortant dans la campagne présidentielle, lundi 21 mars, Jean Castex a indiqué qu’il planchait d’ores et déjà sur un dispositif susceptible de prendre le relais, à compter du 31 juillet, de la remise à la pompe de 15 cents par litre d’essence. Le premier ministre a donné les contours des mesures à l’étude. Il  souhaite un dispositif plus intensif pour deux catégories de nos concitoyens: “ceux qui roulent beaucoup pour travailler” et “ceux qui ne gagnent pas beaucoup”.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Julie Lechanteux
Députée européenne - Membre du Rassemblement National
Oui, trois fois oui !

Chers amis,

La question qui m’a été posée par votre journal est directe et simple : faut-il baisser les taxes sur les carburants ? Eh bien, elle mérite une réponse claire et franche. Oui, trois fois oui ! Car depuis longtemps, la voiture est devenue la véritable vache à lait de l’État, une manne financière non négligeable pour des gouvernements incapables de boucher le trou du bilan, fruit de décennies de gestion hasardeuse.

Mais attention ! Pas que la voiture. Parce qu’une fois que vous augmentez le carburant, presque tous les moyens de transports sont ainsi mis à contribution. Professionnels ou non, y compris les catégories qui nous ont permis de surmonter les confinements, hier des héros et aujourd’hui méprisés par le gouvernement et ses technocrates.

Transporteurs routiers, agriculteurs, pêcheurs, taxis, ambulanciers, entreprises de travaux publics sont aujourd’hui confrontés à la flambée des prix du carburant

Transporteurs routiers, agriculteurs, pêcheurs, taxis, ambulanciers, entreprises de travaux publics sont aujourd’hui confrontés à la flambée du prix du carburant et beaucoup de ces corps de métiers n’ont même pas été consultés ni même inclus dans le plan “Résilience” de Matignon. Des secteurs qui, pour survivre, se voient obligés de répercuter ces augmentations sur les consommateurs.

Donc, chers amis, l’augmentation du prix du carburant, nous la payons à la pompe, quand nous achetons l’essence pour notre voiture, mais nous la payons aussi indirectement quand nous achetons des biens ou des services.

Aujourd’hui, la faute est attribuée un peu vite au conflit qui ravage l’Ukraine, mais la véritable responsabilité est à imputer à Emmanuel Macron, et à sa gestion des comptes publics pendant ces 5 dernières années. Quand il s’est installé à l’Élysée, la dette publique française était de 2 300 milliards d’euros, aujourd’hui on s’approche des 3 000 milliards. 700 de plus. (2 834,3 Md euros au 3e trimestre 2021 – L’Insee doit publier la dette du quatrième trimestre 2021 le 29 mars 2022).

Gouverner, c’est prévoir ? La devise ne s’applique manifestement pas au Jupiter de l’Élysée, et aux gouvernements qui se sont succédé pendant son quinquennat et qui n’ont pas hésité à se faire conseiller par des cabinets de consultants privés pour des centaines de millions d’euros par an.

Face à cette incompétence manifeste, nous, élus du Rassemblement National, nous proposons :

– que le gouvernement reçoive en urgence les professionnels de tous les métiers affectés par la hausse des prix à la pompe ;

– nous demandons aussi des mesures sectorielles et des aides directes cohérentes avec la réalité économique et structurelle de chaque branche concernée ;

– enfin, comme l’a proposé Marine Le Pen, une réduction de la TVA à 5,5 %, au lieu des 20 % actuellement en vigueur, sur le prix des carburants, du gaz et de l’électricité.

Une mesure qu’il faut compléter par l’annulation pure et simple des deux dernières augmentations de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), décidées par Emmanuel Macron en 2017 et 2018, ce qui permettrait de baisser le prix du litre de gazole et d’essence à la pompe de plusieurs dizaines de centimes !

N’en déplaise au duo Macron-Castex, qui veut les réduire au rang de forçats, corvéables à merci, « quoi qu’il en coûte », les Français peuvent compter sur mon engagement et sur celui de mon parti politique, le Rassemblement national, pour les défendre et pour leur rendre leur argent.

Le « Contre »
Mireille Chiroleu-Assouline
Professeure à la Paris School of Economics & University Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Surtout pas !

Cette réponse va à l’encontre de ce qui est demandé par beaucoup de Français et soutenu par plusieurs candidats à l’élection présidentielle. Mais aussi paradoxale qu’elle puisse paraître, c’est la seule qui soit adaptée à la fois à la lutte contre le changement climatique et au souci de recouvrer en France l’indépendance énergétique.

Les prix des carburants (essence, gazole) et combustibles (fuel, gaz naturel) sont déterminés avant tout par les prix des produits pétroliers de base sur les marchés internationaux. Ceux-ci fluctuent au gré des chocs subis par la demande mondiale et des décisions prises par les pays producteurs. A ces prix s’ajoutent des taxes : en France, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont une partie est fonction du contenu en carbone de chaque produit, et la TVA. En tendance sur le long terme, les prix à la consommation sont très largement soutenus pas le niveau des taxes, mais leurs fluctuations résultent toujours de celles des marchés internationaux. 

Certes le niveau élevé de ces prix observé actuellement pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, d’autant plus que leurs dépenses énergétiques occupent une part importante de leur budget, et affecte donc davantage les ménages au revenu faible, les ruraux et les personnes dépendant de leur voiture pour leur travail. Est-ce une raison pour lisser les fluctuations des prix de l’énergie en réduisant les taxes ?

Ma réponse est négative parce que je pense que, contrairement aux apparences, le problème est celui du pouvoir d’achat mais que le niveau des prix n’en est pas un. 

Il est bon, et nécessaire pour la transition écologique que les prix des énergies fossiles soient élevés

Tout d’abord, il est bon, et nécessaire, pour la transition écologique que les prix des énergies fossiles soient élevés. Il vaudrait mieux qu’ils le soient de façon stable, mais réglementer les prix n’est guère faisable, que ce soit pour leur imposer un plancher ou un plafond (le blocage du prix du gaz à la consommation n’est que temporaire et donnera lieu à rattrapage après la fin de l’année 2022). Des prix élevés exercent la meilleure incitation possible à la sobriété énergétique, à la transition vers des énergies plus propres et à l’innovation sur des énergies propres. Réduire les taxes pour baisser les prix ralentirait la transition écologique au lieu de l’accélérer comme c’est nécessaire. 

Ensuite, s’il s’agit de préserver le pouvoir d’achat des plus pauvres, c’est une mesure particulièrement mal ciblée, car elle bénéficie aussi (voire plus) aux ménages aux revenus les plus élevés. Des conducteurs qui n’ont aucun problème budgétaire profiteraient ainsi d’un effet d’aubaine leur permettant de payer leur carburant moins cher. Plutôt que de gaspiller l’argent pour les riches, il vaut mieux verser aux ménages les plus pauvres des transferts de revenus ciblés sans pour autant réduire les incitations à économiser les énergies carbonées. Mieux vaut alors un « chèque inflation » qu’un « chèque énergie » car le second revient à subventionner l’énergie, sans distinction entre énergies fossiles ou décarbonées tandis que le premier est une aide ponctuelle qui peut être dépensée librement sur d’autres produits si le ménage parvient à réduire sa consommation d’énergie.

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