Faut-il continuer à faire les soldes ?

Débat Faut-il continuer à faire les soldes ?
Crédits : Estherpoon

Numéro 1

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Depuis quand faisons-nous les soldes ?
Les soldes sont apparus pour la première fois à la fin du XIXème siècle. Il faut remonter à la naissance des Grands magasins qui peuvent alors regrouper au même endroit différents produits. L’un deux, Le Petit Saint-Thomas, créé par Simon Mannoury en 1830, remet en cause la vente traditionnelle par négociation du prix en proposant des articles vendus à des prix fixes.

Au vu du succès, les produits se multiplient mais aussi la part des invendus Afin de libérer de la place , récupérer de la trésorerie pour les prochaines collections, un déstockage massif est organisé. Les soldes sont nés.

Sources : Etude du Crédoc, Sud Ouest

Quel est le cadre législatif qui les encadre ?

Face à l’engouement de ce nouvel événement, une loi émerge le 30 décembre 1906 relative aux ventes de marchandises neuves. Les réductions de prix concernent alors seulement les produits en vente depuis au moins un mois. Le commerçant peut aller jusqu’à une revente à perte, dans la limite du stock à écouler.

Néanmoins, les soldes ne peuvent être réalisés qu’au cours de deux périodes par an (hiver et été). Celles-ci sont aujourd’hui fixées à six semaines depuis 2015. Parallèlement, les ventes privées, promotions et autres rabais se sont multipliés tout comme les soldes en ligne.

Sources : Ministère de l’Economie et des Finances

Pourquoi on en parle en ce moment ?

Lors des mobilisations récentes, certains commerçants ont exprimé l’impact négatif sur leur chiffre d’affaires et comptent beaucoup sur la période des soldes pour les surmonter. Pour autant, une étude montre un désintérêt progressif pour les clients qui peuvent déjà profiter de rabais toute l’année.

Par ailleurs, de nombreuses associations dénoncent leur impact écologique et le phénomène de surconsommation. Les soldes sont-elles encore rentables et utiles pour notre économie et notre pouvoir d’achat?

Numéro 2

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LE « POUR »

Une aubaine pour le commerce de détail

Billet rédigé par :

Philippe Jourdan

Fondateur de Promise Consulting et professeur en stratégie marketing à l'IAE Gustave Eiffel
https://www.promiseconsultinginc.com

Deux fois par an, pendant six semaines, les soldes s’installent dans les rayons de nos magasins. Or ce rite social semble s’effriter avec une pratique en baisse depuis 1994. Alors pourquoi faire les soldes ?

Une nécessité économique

Dans notre ouvrage, Le Marketing de la Grenouille (1), nous distinguons cinq socio-styles de consommateurs, dont le récessionniste (25%) : un quart de nos concitoyens est aujourd’hui « contraint » économiquement, c’est-à-dire forcé de procrastiner ses achats dans l’attente de rabais ou de remises pour maintenir son « vouloir » d’achat. Les soldes sont donc pour lui une nécessité, car ils sont nombreux, pour qui « consommer, c’est d’abord compter ».

Une stratégie d’achat

Trois autres socio-styles, animés par des motivations différentes, trouvent un intérêt dans les Soldes : le Négociateur (18%), satisfait d’une baisse de prix institutionnalisé ; le Vigile (15%), attentif à la rationalisation de ses achats ; le Touche-à-tout enfin (21%), pour qui les Soldes sont l’occasion de de réaliser de bonnes affaires. On le voit, à l’exception du Minimaliste (21%), les Français présentent une attitude favorable (ou contrainte) aux Soldes.

Une aubaine

Les Soldes d’été ont été décevantes, les achats de fin d’année pénalisés par la crise des Gilets Jaunes : le succès des Soldes d’hiver est une impérieuse nécessité pour le commerce de détail. Les rabais pratiqués, dès les premiers jours (lorsque les modèles et les tailles sont encore disponibles) sont donc plus élevés que d’habitude (40, 50 sinon parfois 60% dès la première semaine) et, particularité des Soldes d’hiver, sur des pièces de prix élevés (manteaux, anoraks, doudounes, vestes matelassées, etc.).  

Un soutien à l’économie

Les Soldes se sont généralisés à tous les commerces. Il est difficile d’isoler leur poids économique dans l’activité de distribution de détail. Plusieurs effets sont à l’œuvre : deux effets directs, la baisse des prix, et en parallèle la hausse du volume, selon la courbe d’élasticité-prix ; deux effets indirects, l’effet report dans l’attente des soldes, et l’effet d’aubaine par la vente induite de produits non soldés présentés en même temps en magasin.

L’impact résultant n’est donc pas simple à calculer, mais il est loin d’être négligeable : dans le secteur de l’habillement, il est de l’ordre de 2% de l’activité annuelle, soit plus que les perspectives de croissance annuelle. Au-delà, le déstockage qu’entraînent les Soldes est la seule manière pour de nombreux commerçants de reconstituer leur trésorerie en vue de l’achat des nouvelles collections de l’année. Faire les Soldes est donc un soutien au commerce de centre-ville et de proximité.

Références

(1) Jourdan Philippe, Jourdan Valérie, Pacitto Jean-Claude (2015).- Le Marketing de la Grenouille : Nouvelles stratégies de marques pour Nouveaux consommateurs.-  Editions KAWA.- 180 p.- https://amzn.to/2QTiVej

LE « CONTRE »

Les soldes n'ont plus de sens aujourd'hui

Billet rédigé par :

Geoffrey Bruyère

Co-fondateur de BonneGueule, marque de vêtements et conseils en mode masculine
http://www.bonnegueule.fr/

Les soldes, une chance pour tous ! Le chaland malin déniche de bonnes affaires, et les marques récupèrent l’argent des invendus pour produire la collection suivante. Oui, mais ça, c’était avant.

En 2018, plus d’un vêtement sur deux est vendu en solde. 40% du chiffre d’affaire est réalisé à prix discounté, contre 20% en 2003. (CREDOC 2014).Mais quand l’exception est devenue la norme, est-il encore rationnel de penser que les prix barrés sont une chance à saisir ?

En une décennie, les prix ont gonflé, et la qualité a été oubliée

Seule recette pour que les grosses marques puissent réaliser des marges importantes, même quand le magasin affiche -50% le premier jour des soldes.

Un paradoxe quand les marques n’ont jamais eu aussi peu d’invendus à écouler, grâce à des prévisions de vente basées sur des algorithmes complexes et des méthodes de production en flux tendu. Notons aussi que les soldes n’ont plus lieu en fin de saison, mais en plein milieu (début janvier pour l’hiver, et mi-juin pour l’été), et qu’ils sont passé de 4 à 8 semaines.

Sans parler des ventes « privées », pré-soldes, déstockages « VIP », Saint-Valentin, et du Black Friday. Et que penser des French Days, dernière trouvaille bleu-blanc-rouge pour compenser l’intérêt décroissant pour les soldes avec une vague made in Bengladesh. Une boulimie de consommation, et une surproduction au lourd bilan social et environnemental : le textile est le 2nd secteur le plus polluant au Monde.

Bref, vous le saviez sans doute déjà : les soldes sont les soins palliatifs d’un marché qui a perdu la tête. Et vous êtes nombreux à vous en rendre compte : 56 % des français estiment que les soldes ne servent plus « à rien » (ODOXA, 2018). Et pourtant, il n’y a jamais eu autant de soldes. Alors comment expliquer qu’une ficelle marketing aussi grosse fonctionne encore ?

Il y a les difficultés financières de certains ménages bien sûr. Mais surtout un doublement de la quantité de vêtements achetés, pour un usage deux fois moindre. Et puis des prix qui ne veulent plus rien dire : et c’est bien compréhensible que beaucoup hésitent à acheter autre chose qu’un prix barré, par peur de se « faire avoir » le reste du temps.

Faut-il pour autant se résigner à acheter ses vêtements en fonction des réductions qui croisent votre chemin ? Pas forcément.

Toute une génération de nouvelles marques est en train d’éclore

Comme Gemmyo (bijoux), Tediber (matelas), Lunettes Pour Tous (optique), Balzac (mode féminine). Leur point commun ? Elles refusent le cercle vicieux des promotions et vendent à prix juste toute l’année. Le surcoût détourne celui qui ne jure que par la promo, mais une part croissante de français y consent et choisit un produit qui restera beau deux fois plus longtemps.

Les soldes sont vidés de leur sens, et l’alternative existe pour reprendre le pouvoir sur votre consommation.  À votre tour de dire « non » à ces marques droguées au discount qui ont oublié leurs vêtements, ceux qui les fabriquent… et vous qui les portez.

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