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Faut-il criminaliser la théorie du Grand Remplacement ?

📋  Le contexte  📋

Dans le livre Abécédaire de l’In-nocence paru en 2010, Renaud Camus développe la théorie du Grand Remplacement. Selon cette théorie, il existerait un processus de substitution du peuple français par une population extra-européenne. Selon Camus, ce Grand Remplacement de population entrainerait un grand remplacement culturel. Cette théorie, longtemps confiné à des groupuscules identitaires, s’est imposé dans le débat public lors de l’élection présidentielle de 2022. Thème majeur de la campagne d’Éric Zemmour, la théorie du Grand Remplacement a occupé l’espace médiatique. Sujet de discorde, voire de rupture, la théorie du Grand Remplacement suscite autant l’adhésion que la critique. Parmi ses détracteurs, certains nient la validité même de la théorie. Selon eux, les données démographiques viennent contredire la pensée de Camus. Pour d’autres, le grand remplacement est une théorie raciste, xénophobe et complotiste.

Samedi 14 mai, un homme lourdement armé a ouvert le feu dans un supermarché de la ville de Buffalo faisait dix morts. Payton Gendron, l’assaillant arrêté depuis, est un Américain suprémaciste blanc. Ouvertement raciste, le terroriste visait spécifiquement la communauté afro-américaine. Plus encore, dans un manifeste diffusé en ligne, Payton Gendron explique son acte par le constat qu’il fait d’un « remplacement » de la société. S’il ne mentionne pas Renaud Camus ni ses ouvrages, l’homme de 18 ans s’inquiète de voir les Blancs devenir minoritaire dans son pays. À l’instar de l’attaque de Buffalo, d’autres attentats ont, par le passé, été motivé par la théorie du Grand Remplacement. Entre autres, l’attentat de Pittsburgh, d’El Paso, de Christchurch ou encore celui de Hanau. S’ils n’ont jamais fait explicitement référence à Renaud Camus ou à ses ouvrages, ces terroristes mentionnent souvent l’idée du remplacement des Occidentaux par des populations étrangères.

En France, la liberté d’expression n’est pas absolue. Ainsi, la diffamation et l’injure sont condamnables de même que les propos incitant à la haine (racisme, homophobie, antisémitisme…). De la même manière, la théorie du grand remplacement pourrait être criminalisé. Si le législateur venait à considérer le concept comme étant raciste, xénophobe et incitant à la haine, son utilisation pourrait être restreinte. Plus encore, la théorie du grand remplacement pourrait faire l’objet d’une loi spécifique comme cela a déjà eu lieu pour d’autres délits. Ainsi, le négationnisme est condamnable depuis la loi Gayssot en 1990. L’apologie du terrorisme est interdite depuis 2014 De la même manière, le législateur pourrait s’emparer du sujet et, in fine, criminaliser la théorie du Grand Remplacement.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faut-il criminaliser la théorie du Grand Remplacement
Le « Pour »
Sleeping Giants
Collectif luttant contre la diffusion de discours haineux
La théorie du Grand Remplacement est un danger pour la société
En contradiction avec toutes les études scientifiques, la théorie du Grand Remplacement se base en pratique sur un biais cognitif et un jugement subjectif en fonction du seul critère visible : la couleur de peau, indépendamment du statut individuel des personnes ou de leur histoire personnelle. Il établit une polarisation « nous » contre « eux » en fonction de cet unique critère et déconsidère les étrangers et les français d’origine non-européenne. Demander un traitement différent pour les deux « camps », comme la remigration (déportation forcée d’une partie de la population en fonction de critères ethniques) en fait un discours de haine raciste.

Un discours apocalyptique ne laissant comme solution qu’une réaction de légitime défense

Plus grave encore, le Grand Remplacement est basé sur la croyance d’un complot des puissants qui organisent un génocide par substitution, un génocide blanc, la destruction des familles, de la culture, de la manière de vivre de ses adeptes. Il souligne l’impuissance face à cela et l’inéluctabilité de la disparition des « nous » au profit des « eux ». En ce sens il se rapproche du discours de sectes apocalyptiques, ne laissant comme solution de facto qu’une réaction de légitime défense, les fondements même de l’identité de l’adepte étant en péril. Face à la croyance en une élite génocidaire et en des hordes qui déferlent pour le faire disparaître, sa réaction naturelle ne peut donc qu’être violente et à la hauteur de l’attaque supposée, encourageant les actes terroristes tels qu’on a pu les voir par exemple à Christchurch ou à Buffalo. Les attentats sont précédés par des mots. Ainsi, en France, le recrutement et la diffusion d’une idéologie qui encourage, favorise ou provoque le passage à l’acte est interdit. Il y a donc un précédent juridique qui vise à nous préserver de la radicalisation d’individus ou groupes, des terroristes en devenir – nommons, par exemple, le prosélytisme de DAESH ou de Génération Identitaire. Regardons les attentats qui ont été motivés par la croyance en ce Grand Remplacement ou y font clairement référence :

  • Oslo & Utøya en 2011
  • Charleston en 2015
  • Charlottesville en 2017
  • Pittsburgh en 2018
  • El Paso en 2019
  • Christchurch en 2019
  • Halle en 2019
  • Oslo en 2020
  • Hanau en 2020
  • Buffalo en 2022

Cette liste est non-exhaustive, ne comptabilise ni les assassinats terroristes (par exemple celui de l’élu allemand Lübcke) ni les projets d’attentats déjoués par la DGSI. Alors, la question se pose, non sans raison, combien de morts faut-il avant que la diffusion de ce discours mortifère inspirant le terrorisme soit interdite ?

Le « Contre »
Grégory Roose
Écrivain et chroniqueur chez Valeurs Actuelles
Une démocratie ne peut pas criminaliser une expression non-violente

Dans la continuité des lois idéologiques dites « mémorielles » contrôlant considérablement la liberté d’expression en France depuis les années 1970, faut-il criminaliser la  «  théorie » du Grand Remplacement ? D’abord, entendons-nous sur le sens des mots.  La  plupart des commentateurs qualifient la notion de Grand Remplacement de théorie du complot d’extrême droite et raciste, faisant régulièrement l’amalgame entre son auteur, l’écrivain Renaud Camus que très peu d’entre-eux ont lu, et des individus qui commettent des crimes en évoquant un remplacement des populations. Il ne saurait être meilleur procédé pour disqualifier d’office l’écrivain et son expression. Quelle est l’observation de Renaud Camus, auteur de l’expression  Grand Remplacement ? Laissons l’auteur s’exprimer : Oh, c’est très simple : vous avez un peuple et presque d’un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. Le Grand Remplacement, le changement de peuple, est le phénomène le plus considérable de l’histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis toujours.

Quel genre de démocratie érigerait en crime l’acte d’observer, de décrire, de s’exprimer ?

Voici donc ce qu’écrit Renaud Camus au sujet du Grand Remplacement : il décrit un changement de peuple en cours en France ainsi que dans d’autres pays occidentaux, consécutivement à des décennies de politiques migratoires laxistes et de déculturation qui entraînent la  fulgurante modification ethnique du pays d’accueil. Toujours selon l’auteur, le danger qui découle de ce phénomène est de subir, à terme, la  libanisation du pays hôte avec les conséquences dramatiques que cela comporte. Nul n’est contraint de partager l’observation de l’auteur. Chacun est libre de réfuter cette notion de changement de peuple ou de considérer, ainsi que le dicte la  doxa, que  la  France a « toujours été une terre d’accueil ». Mais qualifier les observations d’un auteur, fussent-elles biaisées, de « théorie » suprémaciste et antisémite appelant au meurtre de masse et les criminaliser ressemble à s’y méprendre à de la propagande. Quel genre de démocratie érigerait en crime l’acte d’observer, de décrire, de s’exprimer ?

La violence est-elle une réponse à ces menaces ? Non

Éloigner l’expression Grand Remplacement de son sens premier permet de la décrédibiliser et de la diaboliser à peu de frais tout en s’affranchissant de comprendre les phénomènes qu’elle décrit. Et si l’expression subit ce détournement de sens, c’est peut-être parce que sa puissance sémantique a  la  vertu d’interroger  la  conscience des peuples occidentaux prisonniers de leur inertie collective face aux périls qu’elle décrit : le déracinement identitaire, la déculturation, la  submersion démographique, le remplacement ethnique. La violence est-elle une réponse à ces menaces  ? Non. C’est pourtant l’intention que d’innombrables commentateurs à travers le monde prêtent fallacieusement à l’expression  Grand Remplacement. Dans son œuvre, riche de cent soixante ouvrages, l’auteur de cette expression, Renaud Camus, prône  la  non-violence, étant opposé à tout ce qui peut nuire à l’homme. Pour lutter contre le phénomène du Grand Remplacement qu’il décrit, l’écrivain affirme que  la  solution ne réside pas dans « la  croissance démographique, ni  la  religion, ni Jean-Marie Le Pen », mais dans « la  culture et  la  volonté politique ». En 1633, le philosophe Galilée était forcé devant l’Inquisition d’abjurer ses observations l’ayant conduit à prétendre que la Terre tourne autour du Soleil, doctrine alors considérée comme hérétique par l’Église. Dans la foulée, il marmonna : « Et pourtant, elle tourne ! ».

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

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