Faut-il donner du lait aux enfants ?

Cofinancé par l’Union européenne. Les points de vue et opinions exprimés n’engagent que l’auteur ou les auteurs et ne reflètent pas nécessairement la position de l’Union européenne. Ni l’Union européenne ni l’autorité chargée de l’octroi ne sauraient en être tenues pour responsables.

📋  Le contexte  📋

Le programme “Lait, fruits et légumes dans les écoles” permet de distribuer du lait, de fruits et de légumes (ainsi que d’autres produits laitiers) dans des établissements de la maternelle au lycée à des millions d’enfants en Europe. Il a été lancé en 2017 et repensé en 2022 dans le cadre de la stratégie Farm to Fork. Ce programme a également vocation à sensibiliser les jeunes sur l’origine de leurs aliments, le rôle des agriculteurs et l’impact de la PAC (Politique Agricole Commune). En France, ce programme est financé par l’UE à hauteur de 35 millions d’euros par an. Différentes modalités de distribution des aliments sont possibles. Le programme est également une mesure de marché (règles visant à soutenir la commercialisation des produits agricoles européens en stimulant la demande et stabilisant les marchés agricoles) de la PAC. C’est donc une des mesures qui permet notamment d’assurer l’achat de produits laitiers. Or, La nouvelle PAC devrait augmenter les aides versées aux producteurs laitiers de 2%. Pourtant, la nécessité de boire du lait est de plus en plus remise en question. 

Depuis 1962, la PAC a pour objectif de soutenir les agriculteurs et garantir la sécurité alimentaire de l’Europe. C’est une politique  commune à tous les pays de l’UE, elle est financée grâce aux ressources du budget de l’UE. En 2019, l’aide aux agriculteurs dans le cadre de la PAC s’élevait à 58,82 milliards d’euros. Adoptée par le Parlement Européen en novembre 2021, la Nouvelle PAC pour la période 2023-2027 prévoit d’instaurer une agriculture plus verte, plus juste et toujours compétitive. La crise ukrainienne a par ailleurs permis une prise de conscience quant à la nécessité d’assurer une souveraineté alimentaire à l’échelle européenne. Cette nouvelle PAC est ainsi supposée répondre aux objectifs du Pacte Vert Européen (Green Deal), qui propose une refonte du système alimentaire européen, notamment grâce à la stratégie “de la ferme à la fourchette” (Farm to Fork) qui assure une agriculture bénéfique pour le climat, la biodiversité et la santé. La Nouvelle PAC est donc un outil essentiel pour atteindre les ambitions de la stratégie Farm to Fork.

En 2020, la France a produit 23 milliards de litres de lait de vache, ce qui fait d’elle le deuxième producteur de lait en Europe après l’Allemagne. La filière laitière est donc stratégique pour l’hexagone. Pourtant, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer la consommation de lait de vache, notamment car elle serait néfaste au bien-être animal et à l’environnement. Les scientifiques émettent des avis différents sur les bénéfices de la consommation de lait pour les humains : certains estiment qu’elle est indispensable, tandis que d’autres pensent qu’elle est inutile voire mauvaise. Outre ces enjeux de santé publique, les conditions de travail des éleveurs sont souvent décriées. Malgré cela, en France 92% des vaches laitières accèdent à des prairies et 87% pâturent plus de 170 jours par an. Le lait reste un aliment très populaire dans le pays et sa consommation est régulièrement plébiscitée. Alors, le lait est-il vraiment “notre ami pour la vie” et est-il bon d’en donner aux enfants? On en débat!

Toute l’Europe, le site de référence sur les questions européennes, complète le contexte de ce débat avec une infographie. Rendez-vous sur touteleurope.eu pour plus d’infos
 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »

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Nathalie MOREL
Diététicienne-Nutritionniste et Directrice communication alimentation et santé au Cniel
Consommer des produits laitiers, c’est contribuer à une alimentation équilibrée et variée !

Le programme « lait et fruits à l’école » de l’Union Européenne consiste en l’octroi d’une aide financière pour la distribution de fruits et légumes, de lait et de certains produits laitiers aux élèves de la maternelle à la terminale, dans les établissements scolaires souhaitant participer au programme. Il vise à promouvoir des habitudes alimentaires plus saines, notamment par la distribution possible de produits sous signe officiel de qualité (SIQO), c’est-à-dire des produits issus de l’agriculture biologique, sous appellation d’origine ou indication géographique protégée (AOC/ AOP, IGP) et sous Label Rouge. Il a également pour objectif d’améliorer les connaissances des élèves, par des actions éducatives, sur les produits et les filières agricoles et agroalimentaires. Une occasion de faire découvrir aux plus jeunes le monde de la ferme !

3 portions de produits laitiers par jour 

Le lait, les fromages, les yaourts, les fromages blancs et les laits fermentés font partie du groupe alimentaire des produits laitiers. Ces derniers participent à une alimentation équilibrée et variée selon le PNNS.  Les autorités sanitaires recommandent la consommation de trois portions de produits laitiers par jour pour les enfants. Une précaution particulière pour la consommation de lait cru ou de fromages au lait cru : il faut s’assurer que les jeunes enfants (en particulier ceux de moins de 5 ans) n’en consomment pas, en raison des risques sanitaires possibles. 

Une portion de produit laitier, c’est par exemple un verre de lait de 150 ml, un morceau de 30g de fromage ou un yaourt… Le lait, en association avec une tartine de pain beurrée et un fruit, trouve alors toute sa place pour assurer un petit déjeuner ou un goûter équilibré chez l’enfant. Il peut également être accompagné de chocolat pour un bol de lait encore plus gourmand ! Les produits laitiers peuvent ainsi être consommés facilement, avec ou sans préparation, aux repas de son choix durant la journée.

Les produits laitiers contribuent aux apports nutritionnels des enfants

La consommation de produits laitiers participe notamment à la contribution des apports nutritionnels en protéines, calcium, vitamines (groupe B, A, D), oligoéléments et minéraux (iode, phosphore, zinc, magnésium…), essentiel au fonctionnement normal de l’organisme. Plus particulièrement, le calcium exerce de nombreux rôles dans l’organisme et contribue à une croissance osseuse normale. La couverture des besoins en calcium est donc particulièrement importante durant l’enfance. Les produits laitiers sont le groupe d’aliments qui contribue majoritairement à la couverture des besoins en calcium chez les enfants, loin devant les autres groupes alimentaires. A ce titre, le programme « lait et fruits à l’école » permet également de contribuer aux besoins nutritionnels des enfants.

Produit naturel, le lait à aussi un autre atout de taille : il est doté d’un bon rapport qualité nutritionnelle/prix, c’est-à-dire qu’il est intéressant d’un point de vue nutritionnel et également peu coûteux, permettant ainsi de s’adapter à tout type de budget. 

La diversité des produits laitiers répond aux préférences de chacun et on les apprécie, entre autres, pour leurs onctuosités et leurs goûts uniques ! 


Malgré nos recherches, nous n’avons pas pu trouver de contributeur pour défendre cette thèse. Si vous êtes compétent et légitime ou que vous connaissez quelqu’un qui l’est, n’hésitez pas à nous contacter : contact@ledrenche.fr

Le « Contre »

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Élise Desaulniers
Ecrivaine, journaliste et militante végane
Pas d’alcool ni de lait dans les écoles

« Pour être studieux, solides, forts et vigoureux, buvez du lait ! ». On est en 1954, Pierre Mendès France est alors président du Conseil et décide d’instaurer un verre de lait quotidien accompagné de ce slogan pour le moins engageant. La Seconde Guerre mondiale est encore toute récente, des enfants souffrent de malnutrition. En faisant la promotion du lait, le radical-socialiste cherche aussi à combattre l’alcoolisme : à l’époque, il n’est pas rare que du vin et de la bière soient offerts aux écoliers !

Mais près de 70 ans plus tard, le lait a-t-il encore sa place dans les écoles françaises ?

Depuis 2017, le programme « Lait et Fruits à l’École » soutient la distribution de fruits et légumes frais, et/ou de lait et de produits laitiers à des millions d’enfants. Il est révisé dans le cadre de la stratégie « de la ferme à la fourchette » au cœur du Green Deal européen qui vise à rendre les systèmes alimentaires équitables, sains et respectueux de l’environnement.

Tous les nutriments du lait sont facilement disponibles dans d’autres aliments

Si on sert du lait dans les classes de l’hexagone, c’est d’abord parce que le Programme national nutrition santé (PNNS) recommande d’en consommer de 3 à 4 portions par jour, en prenant bien soin de mettre la population en garde contre les préparations au soja, considérées comme de « faux amis ». Pourtant, ailleurs dans le monde, les directives sont bien différentes. Au Royaume-Uni, on suggère de consommer « quelques » produits laitiers ou des substituts (comme les boissons au soja) sans mentionner de quantité. De l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, le groupe des produits laitiers a complètement disparu pour se fondre dans celui des protéines qui comptent pour le quart de l’assiette. C’est vrai : tous les nutriments du lait sont facilement disponibles dans d’autres aliments.

Ces réformes des guides alimentaires britanniques et canadiens sont le résultat des avancées de la recherche en nutrition et de considérations environnementales. Ce n’était pas un souci à l’époque de Mendès France, mais on sait aujourd’hui que les ruminants comme les vaches produisent  du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’industrie laitière génèrerait à elle seule quatre pour cent de nos émissions de gaz à effet de serre.

Des chercheurs de Harvard se sont demandé quelle quantité de produits laitiers devrait être consommée pour limiter les changements climatiques. La réponse ? Pas plus d’une tasse de lait, ou 30 g de fromage à pâte dure par personne et par jour. Force est de constater qu’avec ses 3 ou 4 portions par jour, les recommandations du PNNS ne sont pas compatibles avec les objectifs de lutte contre les GES. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Allemagne encourage l’inclusion de boissons végétales dans la stratégie européenne. 

Consommer du lait en grande quantité est une particularité occidentale

Dans un contexte de lutte aux changements climatiques, encourager le public — et habituer les enfants — à consommer davantage de produits laitiers a autant de sens qu’inciter les gens à prendre plus souvent l’avion. 

Consommer du lait en grande quantité est une particularité occidentale — et très  française. À l’échelle mondiale, c’est près de 68 % des humains qui sont intolérants au lactose, c’est-à-dire qui ne peuvent pas digérer de lait à l’âge adulte. Alors que la population de l’hexagone est de plus en plus diversifiée, ne devrait-on pas offrir plus d’options aux élèves ? Et ne devrait-on pas enseigner aux citoyens de demain où trouver les nutriments essentiels dans les protéines végétales moins énergivores ?

Quand Pierre Mendès France a voulu sortir l’alcool des écoles, il s’en est suivi une levée de boucliers : les producteurs sont passés à l’action avec barrages routiers, manifs et grèves. Aujourd’hui, la réaction serait peut-être similaire si l’État avait le courage de faire la même chose avec le lait. Cela n’empêche pas que, comme naguère pour l’alcool, le lait n’a plus sa place à l’école. 


Olivier Morice
Chargé d’affaires publiques
Santé, éthique, environnement : le lait végétal, c’est le beurre et l’argent du beurre

Le programme de l’Union Européenne Fruits, légumes et lait dans les écoles vise un objectif louable : développer des habitudes alimentaires saines auprès du jeune public. Mais la place du lait de vache dans ce programme, et les millions d’euros de fonds publics qu’on lui alloue, sont-ils vraiment justifiés ?

Le lait de vache est-il nécessaire à la santé et à la croissance ?
Non, c’est le calcium contenu dans le lait qui l’est, et on peut parfaitement atteindre les apports journaliers recommandés avec une alimentation 100 % végétale. De nombreux fruits et légumes sont riches en calcium (haricots verts, brocolis, carottes, oranges, certains oléagineux, figues séchées, etc.). Il existe des boissons végétales et des yaourts végétaux enrichis en calcium.

Quelles sont les souffrances induites par la production de lait ?
La naissance d’un veau étant indispensable à la lactation, cette industrie insémine 4 millions de vaches “laitières” par an en France . Les races “laitières” ont été sélectionnées pour produire jusqu’à 30 litres de lait par jour . Les veaux sont retirés à leurs mères quelques heures après la naissance. Les veaux mâles seront abattus après quelques mois passés dans des centres d’engraissement. Les vaches laitières sont envoyées à l’abattoir après une vie courte et éreintante, dès que leur “rendement” baisse, ou si elles deviennent stériles.

Quel impact sur l’environnement ?
Le lait de vache a un impact écologique très supérieur aux laits végétaux : sa production émet 4 fois plus de GES que le lait d’avoine. En prime, ce dernier implique trois fois moins d’eau que le lait de vache. Les arguments avancés pour justifier la consommation de lait de vache, notamment par les enfants, relèvent tous du fallacieux.
À l’heure de l’urgence climatique, il est indispensable d’activer tous les leviers pour diminuer notre impact.

Il existe aujourd’hui des alternatives végétales qui permettent de remplir tous les besoins nutritionnels des enfants. Elles conviennent aux enfants allergiques ou intolérants, ne provoquent aucune souffrance animale, ont un impact écologique considérablement réduit par rapport au lait de vache. Nous ne pouvons pas séparer la santé de nos enfants de la santé de la planète que nous leur laisserons. Il est urgent de remplacer le lait de vache par les alternatives végétales à l’école.





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