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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
PMA : de la parole aux actes
Depuis l’émergence des techniques de procréation médicalement assisté (PMA) dans les années 1970, la France les réserve aux couples hétérosexuels. Or le monde change de sorte que notre législation est en retard par rapport à celles de nos voisins. Allemagne, Portugal, Danemark, Norvège, Suède, Islande, Belgique, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande… nombreux sont les pays qui permettent aujourd’hui aux femmes d’accéder à la PMA sans aucune discrimination.
C’est d’ailleurs dans ces différents pays que des milliers de Françaises se rendent pour avoir recours à ces techniques. Le suivi des grossesses et les naissances se fait ensuite chez nous. Dans un second temps, lorsque le couple est marié, celle qui n’a pas accouché peut adopter l’enfant de sa conjointe, conformément à l’avis de Cour de cassation du 22 septembre 2014. On mesure l’hypocrisie du système actuel…
Le moment est donc venu de changer la loi et la conjonction est parfaite. Tout d’abord, l’avis du CCNE rendu en juin 2017, confirme le diagnostic et offre une solution : ouvrir la PMA à toutes les femmes. Ce même diagnostic et cette même solution avaient déjà été proposés le 27 juin 2015 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et le 3 juillet 2015 par le Défenseur des droits au nom du principe d’égalité de traitement. En effet, il n’a pas échappé à ces autorités que le système actuel, qui réserve la PMA aux couples hétérosexuels, est discriminatoire.
Ajoutons à cela qu’une large majorité de l’opinion publique plaide pour l’ouverture de la PMA (60%, avec une tendance à la hausse). Enfin, lors de la campagne électorale, le candidat Macron avait indiqué qu’il était favorable à son ouverture aux femmes. Il est aujourd’hui un Président qui se targue de faire ce qu’il a annoncé dans son programme. Il n’y a donc aucune raison pour qu’il manque à sa parole. Le gouvernement actuel peut incarner la liberté, l’égalité et la fraternité et renvoyer les fâcheux et les factieux aux oubliettes de l’Histoire.
A l’issue des Etats Généraux de la Bioéthique, le gouvernement devrait annoncer la présentation d’un projet de loi ouvrant la PMA à toutes les femmes, c’est-à-dire la possibilité de donner la vie et de perpétuer notre Humanité. Ainsi, sera mis « en marche » le mouvement qui va de la parole aux actes.
Contre la "PMA" pour toutes
Jacques Testart
Biologiste de la procréation, directeur honoraire de recherche à l'Insermhttp://jacques.testart.free.fr/
Ce que les médias nomment « PMA pour toutes » c’est l’ouverture de l’insémination artificielle avec donneur de sperme (IAD) à des femmes seules ou en couple homosexuel. Il s’agit d’un abus par rapport aux règles qui régissent la procréation bio-médicalement assistée puisque cet acte n’a pas de légitimation médicale s’il n’y a pas infertilité.
En l’occurrence, sa légalisation entraînerait des actes coûteux et non nécessaires à la charge de la société. Elle aggraverait aussi la pénurie de sperme disponible, jusqu’ici réservé à des couples incapables de procréer pour cause d’infertilité masculine. Par ailleurs, cette extension de l’IAD serait aussi l’extension à de nouvelles personnes (parents et enfants) de pratiques dont la légitimité fait l’objet de débats non résolus.
Ces débats portent sur l’anonymat obligatoire du donneur de sperme, ce qui interdit à l’enfant de connaître son géniteur contrairement aux conventions internationales, malgré les souffrances psychologiques déjà constatées chez nombre d’enfants conçus par IAD dans des couples infertiles. Un autre problème est celui de la sélection du donneur : les critères n’étant pas réglementés ni transparents ce qui autorise potentiellement des pratiques eugéniques, surtout avec les progrès des marqueurs génétiques.
Il reste que l’insémination artificielle est un acte simple que nombre de femmes (en particulier les lesbiennes états-uniennes) réalisent avec succès sans aucun concours médical. Il est clair que l’assistance médicale permet surtout de recruter le donneur, et que l’exigence de « PMA pour toutes » correspond à une défaillance de l’autonomie des femmes.
Finalement, cette revendication d’apparence libertaire s’inscrit dans le système néo-libéral et technicisé qui régit de plus en plus l’économie mais aussi la bioéthique. On peut lui préférer des relations humaines riches où les enfants s’inscriraient dans la convivialité des genres plutôt que dans la mécanisation de la procréation, et déjà sa marchandisation..Finalement, la légalisation de cette pratique, consacrant la biomédecine dans des fonctions de régulation sociétale, serait évidemment la porte ouverte à d’autres demandes encore plus litigieuses (GPA, achat des gamètes, sélection des enfants,…).
Faut-il augmenter le nombre d’enfants en souffrance avant d’avoir réglé le problème de l’anonymat du donneur de sperme ? Faut-il intensifier l’IAD avant d’avoir établi des garde-fous contre ses dérives eugéniques ? Faut-il toujours plus médicaliser des actes que les gens pourraient assumer en toute autonomie ? A toutes ces questions, ma réponse est non.