Faut-il interdire le glyphosate ?

📋  Le contexte  📋

Le glyphosate est une molécule chimique. Depuis 1974, il est le principe actif des désherbants commercialisés par la société Monsanto, dont le plus connu est le « Roundup ».

Le brevet du Roundup étant tombé dans le domaine public en 2000, le glyphosate est entré dans la composition  de la majorité des herbicides.

Actuellement, le glyphosate est le désherbant le plus vendu au monde, avec plus de 800 000 tonnes répandues chaque année. Rien qu’en France, près de 9000 tonnes de glyphosate ont été vendues en 2017, soit environ un tiers des 27 000 tonnes d’herbicides écoulées dans le pays.

Source : Les 2 Vaches

Le glyphosate est principalement utilisé pour détruire les adventices, c’est-à-dire les « mauvaises herbes » qui gênent les cultures, notamment de céréales. Il permet un gain de temps et de rendement non négligeables pour les agriculteurs qui n’ont plus besoin de labourer.

Il a la particularité de pouvoir être pulvérisé sur tous types de végétaux et est dit « systémique » car il agit sur toute la plante. En pénétrant par les feuilles, le produit se diffuse via la sève jusqu’aux racines. Très efficace, il tue toutes les plantes sans distinction – excepté celles génétiquement modifiées pour lui résister.

C’est pourquoi il est utilisé aussi bien dans la sylviculture, la viticulture ou encore l’entretien d’espaces publics et même des voies ferrées.

La SNCF est d’ailleurs le premier consommateur français de glyphosate, qu’elle utilise pour désherber les chemins de fer.

Source : Le Monde

Le glyphosate suscite des inquiétudes quant à sa toxicité sur la santé humaine et l’environnement. Toutefois, aucune étude ne permet aujourd’hui d’attester avec certitude que le glyphosate est à l’origine de cancers.

En France, l’utilisation de glyphosate est interdite dans les espaces publics depuis janvier 2017 et sa vente aux particuliers l’est également depuis début 2019. Mais il reste autorisé pour les agriculteurs, au moins jusqu’en 2022 (comme dans le reste de l’Union européenne). En décembre 2017, Emmanuel Macron s’était engagé à une sortie totale du glyphosate dès 2021. Or, le président a depuis abandonné cet objectif, ne le jugeant « pas faisable ».

Dans l’Union européenne, un groupe de quatre Etats (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) a été missionné pour évaluer les risques liés à l’herbicide et doit publier un avis d’ici à juin 2021, début du processus dans le cadre duquel la Commission européenne proposera aux Vingt-Huit de prolonger ou non la licence du glyphosate.

Plus d’ 1,3 million d’européens ont fait entendre leur voix en signant l’initiative citoyenne européenne « Stop glyphosate », demandant à l’Europe de ne pas renouveler l’autorisation et de réformer la procédure d’évaluation.

Source : France 24

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Le « Pour »
Younous Omarjee
Député européen La France Insoumise
Le glyphosate est un poison qui ne dit pas son nom

Le glyphosate est dangereux pour l’homme, la terre et le vivant.

Le glyphosate est un poison qui ne dit pas son nom. Il sera bientôt le nom d’un scandale sanitaire et écologique majeur. On continue à l’autoriser pour le seul bénéfice en termes de rentabilité économique qu’il représenterait. Et si le glyphosate est redoutablement efficace c’est précisément parce qu’il empoisonne tout. Il empoisonne les agriculteurs, dont les cancers graves sont en augmentation. Mais il empoisonne aussi les sols en les appauvrissant organiquement, il empoisonne la vie dans les sols, il empoisonne les animaux et les insectes qui vivent dans les champs et autour.

Le glyphosate est dangereux pour l’homme, la terre et le vivant. Sa toxicité est établie depuis les années 80, et le glyphosate est classé depuis 2015 par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) comme cancérigène probable, n’en déplaise au lobby Monsanto et au lobby de l’agro-industrie. Pour le danger qu’il représente pour les agriculteurs et le vivant, il est devenu impératif de l’interdire immédiatement.

Le principe de précaution est bafoué au profit de l' »innovation »

L’entêtement contre ce qui s’impose est consternant et dangereux. Depuis la conférence sur le climat de RIO en 1992, c’est pourtant le principe de précaution qui est censé être appliqué en matière environnementale. Il est d’ailleurs inscrit dans les traités européens, c’est l’article 190 TFUE, et il figure dans la Charte de l’environnement de l’UE de 2004. Mais partout il est bafoué, foulé aux pieds, ignoré. Certains veulent même aujourd’hui le remplacer par le principe d’innovation, un concept imaginé par les lobbys pour s’affranchir des contraintes du principe de précaution.

Chlordécone, amiante, Chlorpyrifos… toujours la même rengaine

A l’instar de l’utilisation intensive du chlordécone (responsable de graves pollutions des sols et des nappes, et à l’origine de nombreux cancers) dans les Antilles françaises jusqu’en 1993, ou encore du scandale de l’amiante, la question de la responsabilité de celles et ceux qui en pleine connaissance des conséquences diffèrent son interdiction assument l’empoisonnement des populations est désormais posée. Les premiers procès émergent et il n’y aucune raison de croire qu’ils n’iront pas grandissant.

Or par application du principe de précaution le glyphosate devrait se trouver interdit pour le danger qu’il représente pour l’homme, la nature et l’environnement.

Bien sûr il n’y a pas que le glyphosate, et l’on pourrait aussi citer le cas moins médiatique du Chlorpyrifos, cet autre phytosanitaire, qui par un simple contact peut provoquer de graves troubles intellectuels, et pour lequel rien n’est non plus fait pour l’interdire. Tous ces autres produits dangereux doivent également se trouver interdits dans le sillon du glyphosate. Et c’est aussi cela qui fait du combat contre le glyphosate ou contre les pesticides tueurs d’abeille, des combats phares.

Les pesticides ne sont pas une nécessité : il faut créer des solutions sur-mesure pour les agriculteurs

Souvent, lorsqu’il s’agit d’entreprendre le débat sur les produits désherbants ou insecticides, il est rétorqué qu’il n’y aurait pas d’alternative et qu’il est nécessaire de recourir aux herbicides et insecticides de plus en plus efficaces pour maximiser les rendements. Nous savons que ces arguments ne tiennent plus, car le recours aux produits phytosanitaires tue les sols à petit feu. Et, face à l’extinction massive des espèces et du vivant dans laquelle nous sommes entrés, nous devons prendre toutes les mesures pour l’enrailler.

Il ne s’agit d’ailleurs pas tant de trouver une alternative qui serait valable pour toutes les cultures, mais plutôt d’accompagner chaque agriculteur à sortir du modèle chimique pour trouver des solutions adaptées à son territoire, son climat, ses sols, ses cultures. Des solutions qui ne seront pas forcément les mêmes pour toutes les exploitations.

Il faut sortir du modèle agricole des 19ème et 20ème siècles et inventer l’agriculture de demain. Une agriculture responsable et durable pour les agriculteurs, pour les consommateurs et pour la planète.

Le « Contre »
Gérard Kafadaroff
Ingénieur agronome. Co-fondateur de l'AFBV (Association française des biotechnologies végétales) et du Collectif Science-Technologies-Actions
Glyphosate : une interdiction politique !

Un désherbant irremplaçable

Le glyphosate est un désherbant à action foliaire, systémique, à large spectre, peu persistant dans le sol et doté d’un bon profil toxicologique et écotoxicologique. Mis sur le marché en 1974 et sans autre alternative aussi performante, il est devenu un outil polyvalent et irremplaçable pour les agriculteurs.

La dangerosité du produit n’est pas avérée

En mars 2015 le CIRC (Centre international de la recherche sur le cancer) l’a classé « cancérogène probable », au même titre que la viande rouge, déclenchant une campagne de stigmatisation virulente du glyphosate et la décision du Président Macron de l’interdire à partir de 2021. Une décision ignorant les avis favorables de toutes les agences sanitaires française (ANSES), européennes (EFSA, ECHA) et internationales, y compris l’OMS, maison-mère du CIRC dont le fonctionnement a été sévèrement critiqué.

Une décision prise sans étude d’impact, sans la moindre analyse risques/bénéfices, dans le déni d’un retour d’expérience exceptionnel de 46 ans de large utilisation dans le monde. Une décision purement politique pour satisfaire la forte mouvance écologiste et son électorat mais fortement préjudiciable à l’agriculture.

L’interdiction du glyphosate mettrait en péril tout le secteur agricole

Alors qu’ils s’orientent de plus en plus vers la simplification du travail du sol, les agriculteurs, privés de glyphosate, n’auront pas d’autre choix que de revenir au travail mécanique, plus exigeant en main d’oeuvre, en carburant, plus onéreux, émetteur de CO2, peu favorable à la structure du sol et difficile voire impossible à effectuer en diverses situations (sol humide, terrains pentus ou caillouteux, vergers avec système d’irrigation au sol, …).

Plus grave les « techniques de conservation des sols »associant semis direct et couvert végétal en interculture dont les bénéfices économiques, agronomiques et environnementaux en font un modèle pour l’agroécologie seront condamnées. Elles répondaient pourtant à «l’initiative 4 pour 1000» pour améliorer la fertilité des sols, elles réduisent les émissions de CO2 en le séquestrant dans le sol et contribuent à l’amélioration de la biodiversité en activant la vie biologique des sols et en offrant refuge et nourriture à la faune sauvage sur des terres avec une couverture végétale permanente.

Plus que l’agriculture, c’est toute la société qui sera touchée

L’abandon du glyphosate conduira à de nombreuses autres impasses techniques, notamment pour lutter contre les mauvaises herbes vivaces (chiendents, liserons, chardons, ronces, …) qui
recoloniseront rapidement champs, vignes et vergers. Même avec l’assistance des outils du numérique et de l’automatisation des matériels, l’agriculture française fera un bond en arrière, perdra en compétitivité, dégradera son impact environnemental et les consommateurs subiront la hausse des coûts de production.

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