Ce débat a initialement été publié sur The Rift, le site anglophone du Drenche, et il a été traduit en français par la Rédaction.
📋 Le contexte 📋
L’encadrement des loyers est une politique gouvernementale qui impose des limites au prix des loyers fixés par les propriétaires. Ces limites sont généralement fixées par une autorité publique ou par les tribunaux. L’objectif principal de l’encadrement des loyers est d’assurer l’accès à des logements abordables.
L’encadrement des loyers est une brique d’une politique plus large de régulation de loyers. Hormis l’encadrement, il existe d’autres moyens de réguler le secteur immobilier. Il s’agit notamment d’encadrer ou de limiter les évictions et d’imposer des obligations de maintenance ou de propreté aux propriétaires.
Sources : Investopedia, Urban Institute
Historiquement, l’encadrement des loyers commence pendant la Première Guerre Mondiale au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Il s’est développé dans le contexte difficile des deux guerres, quand la loi a essayé de satisfaire à la fois les propriétaires, qui ont perdu de la richesse avec le déclin de la valeur de la monnaie et les destructions de guerre, et les locataires à la recherche des logements abordables.
L’encadrement des loyers est assez controversé, et il n’est pas très répandu aujourd’hui. Aux Etats-Unis, seules 182 municipalités (sur un total de 89 000) ont eu une politique d’encadrement des loyers en 2018. Toutes ces villes étaient concentrées dans 5 Etats au total (Washington D.C., New York, New Jersey, California et Maryland). 37 Etats américains ont formellement interdit le recours à une politique d’encadrement des loyers. En Europe, plusieurs pays pratiquent un tel encadrement, notamment le Danemark, l’Allemagne ou la Suisse.
Sources : Investopedia, Urban Institute, my.europ.info
L’actualité internationale a récemment reparlé des politiques d’encadrement des loyers : aux Etats-Unis, l’Oregon est devenu le premier Etat à mettre en place une politique d’encadrement des loyers dans l’ensemble de son territoire au début de l’année 2019. L’Etat limite aujourd’hui l’augmentation des loyers à 7% par an.
Ce débat est aussi vif en Europe. Le maire de Londres, Sadiq Khan, a demandé au gouvernement britannique le pouvoir d’imposer une politique d’encadrement des loyers sur le marché immobilier de la capitale. Comme le Parti Conservateur est opposé à cette pratique, les discussions sont toujours en cours.
Sources : The Telegraph, The Guardian
🕵 Le débat des experts 🕵
Pour les économistes, l’encadrement des loyers a longtemps été un exemple de comment le contrôle de prix est contre-productif. Les manuels d’économie l’utilisent comme exemple pour démontrer comment l’encadrement de prix réduit l’offre du bien en question, allant à l’encontre de son propre objectif. Mais la réalité est plus compliquée que les modèles théoriques. Il y a des bonnes raisons pour lesquelles les gouvernements sont de nouveaux intéressés par les régulations de loyers.
Une grande part des loyers au sens pratique sont aussi des rentes au sens économique
L’argument disant que l’encadrement des loyers réduit l’offre de logement ignore une caractéristique fondamentale de l’immobilier – sa grande longévité. Le modèle théorique suppose qu’une nouvelle offre de logement est produite chaque mois pour répondre à sa demande. Mais bien évidemment, ce n’est pas le cas. La majorité de bâtiments a été construite il y a des décennies, et le sol, à quelques exceptions près, n’a jamais été produit. Il n’est pas prouvé que l’encadrement des loyers influence la construction de nouveaux logements – en effet, la plupart des règles d’encadrement des loyers excluent les constructions nouvelles. Cet encadrement est significatif quand la variation de la demande augmente le loyer des logements existants – effet que les constructeurs ne pouvaient pas prévoir, et à laquelle les propriétaires actuels n’ont pas participé. L’effet économique fondamental de l’encadrement des loyers est d’empêcher les propriétaires de s’emparer de l’ensemble des bénéfices quand une ville ou un quartier devient plus attractif, peu importe la raison.
En bref, on ne peut pas parler de l’encadrement des loyers sans rappeler qu’une grande part des loyers au sens pratique sont aussi des rentes au sens économique – les paiements qui nous sont demandés sont des droits monopolistiques, et non pas des rendements de production.
Les droits de propriété ne sont pas les seuls droits économiques
Discuter de l’encadrement des loyers en termes d’offre de logements éclipse un autre objectif clé de cette politique ; protéger le droit des locataires à rester dans leurs logements. Le postulat de base de l’encadrement des loyers est de dire que les droits de propriété ne sont pas les seuls droits économiques. Les gens qui ont vécu quelque part pendant des années ont le droit d’y rester, et cela devrait être reconnu par la loi. Il existe des arguments économiques pour cela : les quartiers stables ont une valeur sociale forte, et dans beaucoup de cas l’augmentation de la demande qui permet aux loyers de grimper est due en premier lieu aux locataires, plutôt qu’aux propriétaires. Mais fondamentalement, c’est une demande morale : une résidence de long-terme crée un droit de continuer à résider à cet endroit sous les mêmes conditions. Un droit qui n’est pas moins légitime que le droit de possession continue de propriété.
Les soutiens de l’encadrement des loyers pensent que c’est une excellente affaire pour les locataires. Ils ont tort. L’encadrement des loyers crée un « verrouillage locatif » – les locataires des logements encadrés ne veulent pas déménager, en craignant de perdre les avantages chéris de la loi. Cela signifie que le roulement normal de marché est bloqué, et que les jeunes locataires potentiels ont moins de choix, et qu’ils doivent déménager de plus en plus loin ou payer des loyers élevés.
L’encadrement des loyers réduit l’accès aux logements abordables
Le « verrouillage locatif » retarde ou arrête les nouvelles ventes de logements. Pourquoi acheter une maison alors que tu peux rester dans un appartement dont le loyer est encadré ? Il y a moins de roulement, moins d’opportunités de location s’ouvrent, et les propriétaires font face à une moindre compétition pour trouver des bons locataires.
Les logements encadrés connaissent un taux de renouvellement bas, ce qui réduit les options pour les personnes qui ont besoin de logement. Dans certaines villes, cet effet a donné lieu à des histoires morbides des acheteurs qui surveillait les avis de décès pour trouver des logements qui puissent se libérer au décès d’un locataire dans des bâtiments assujettis à l’encadrement des loyers.
L’encadrement des loyers réduit l’accès aux logements abordables. Quand un gouvernement impose un encadrement de prix, l’offre s’estompe rapidement. Imaginez que le gouvernement impose un encadrement de prix de téléphones portables pour les rendre « abordables » – bien évidemment, les nouvelles offres de smartphones disparaitraient rapidement.
A New York, afin d’éviter les règles de l’encadrement des loyers, certains promoteurs immobiliers ont commencé à construire des hôtels au lieu des logements. Peut-être que c’est bien pour le touristes, mais pas pour les jeunes ou des familles qui ont besoin d’un endroit pour vivre.
Au lieu de cela, les décideurs publiques devraient rendre le logement plus abordable en réduisant les impôts sur la propriété et les droits de construction injustifiés qui rendent la construction aussi chère.
Les gens devraient combattre la fausse promesse de l’encadrement des loyers, non seulement parce qu’elle est ridicule et irréelle, mais parce qu’elle est si clairement injuste. Les politiques ne devraient pas faire passer des lois arrogantes qui déstabilisent les marchés sains, bloquent la construction des logements et insultent la dignité humaine.
L’encadrement des loyers signifie moins de choix, moins de logements et un pouvoir étendu du gouvernement
La majorité des gens sont assez adultes pour savoir où est-ce qu’ils souhaitent habiter et combien ils veulent payer. L’encadrement des loyers signifie moins de choix, moins de logements et un pouvoir étendu du gouvernement.
Les politiciens adorent offrir des trucs gratuits et dire que quelqu’un d’autre va payer. Avec l’encadrement des loyers, le prix est payé non pas par les propriétaires, mais par les jeunes professionnels et les familles qui ont besoin de plus de choix de logement.