un homme tenant la main d'un enfant de dos

Société : faut-il rendre le congé paternité obligatoire ?

📋  Le contexte  📋

En France, le congé de paternité ou plus précisément, le « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » permet aux pères d’interrompre ou de réduire leur activité professionnelle à la suite d’une naissance ou de l’adoption d’un enfant de moins de 16 ans. Ce congé est inscrit dans le Code du travail aux articles L1225-35 et L1225-36 et à l’article D1225-8. Aujourd’hui, le bénéficiaire peut prendre jusqu’à 11 jours de congé pour un enfant, 18 jours si la famille accueille au moins 2 enfants. Afin d’en bénéficier, l’individu doit avoir travaillé au moins 150 heures au cours des 3 mois précédant le début du congé ou avoir cotisé sur un salaire au moins équivalent à 10 302,25 € au cours des 6 derniers mois précédant le début du congé. Il faut également avoir cessé toute activité salariée, même en cas de travail pour plusieurs employeurs. La Caisse Primaire d’Assurance Maladie verse des indemnités journalières dont le montant est fixé par différents calculs. En somme, le montant se situe entre 9,63 € et 89,03 € par jour. Sources : Service-public.fr, Legifrance

Au Japon, les deux parents peuvent chacun bénéficier de 12 mois de congés, ils perçoivent 67% de leur salaire les 180 premiers jours puis 50% les jours suivants. Aux États-Unis, les pères peuvent poser 12 semaines de congés non rémunérés, à condition que l’entreprise ait plus de 50 salariés dans un rayon de 120 km. L’État espagnol accorde 12 semaines de congés dont 2 semaines obligatoires. Le gouvernement entend l’étendre à 16 semaines d’ici 2021, afin qu’il atteigne la même durée que le congé maternité. En Allemagne, le congé paternité n’est pas obligatoire mais les parents peuvent se partager 12 mois de congés parentaux. Ils bénéficient de 2 mois supplémentaires si chaque individu prend au moins 2 mois et ils sont rémunérés à hauteur de 65% de leur salaire. Ils peuvent prendre jusqu’à 26 mois de congés mais l’aide financière diminue de moitié. Source : Courrier International

Ces derniers mois, de nombreuses associations ainsi que plusieurs membres du gouvernement ont exprimé leur souhait d’allonger la durée du congé paternité. Le 23 septembre, Emmanuel Macron a annoncé que les congés paternités seront prolongés de 28 jours dont 7 jours obligatoires d’ici juillet 2021. Quatre jours plus tard, la Suisse a voté un congé de deux semaines payées à 80% pour les pères. Ces deux actualités ont ravivé de nombreux débats et ce notamment sur le caractère obligatoire du congé paternité. Source : Le Monde

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Le « Pour »

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Marie-George Buffet
Députée de Seine-Saint-Denis, Ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports de 1997 à 2002
Un outil vers l’égalité entre les femmes et les hommes

Le caractère facultatif du congé paternité est un révélateur du fonctionnement de notre société fondée sur les valeurs du Patriarcat. Alors que les mères sont contraintes de prendre au minimum huit semaines de congé maternité pour s’occuper de leur enfant, les pères peuvent légalement en être intégralement dispensés. Pourtant, de nombreuses études démontrent que le congé paternité permet aux pères de créer des liens affectifs plus importants avec leurs enfants, qu’être présent aux premières semaines de la naissance favorise un engagement paternel plus prononcé. Tous âges confondus, 38 % des Français trouvent ce congé trop court : 63 % des 18-24 ans souhaitent son allongement, contre 19 % des 50 ans ou plus. C’est dire que les jeunes générations sont concernées par cet enjeu de la paternité et il est du devoir des femmes et des hommes politiques d’accompagner cette évolution de la parentalité qui peine à voir le jour en France. L’enjeu est de permettre à chacun des deux parents d’assumer son rôle à la naissance de l’enfant et de transmettre un message fort puisque ce rôle n’incombera plus seulement aux femmes. Aujourd’hui encore, les femmes sont largement pénalisées dans le déroulement de leur carrière professionnelle car elles assument en grande partie l’exercice de la parentalité. Dans une enquête, le Conseil Supérieur de l’Égalité Professionnelle (CSEP) rapporte que 84 % des femmes estiment que la maternité a un impact négatif sur leur carrière. À l’inverse, les pères sont moins encouragés à prendre leur part de la parentalité, malgré leur aspiration montante à consacrer du temps aux enfants. D’une part, parce que le congé paternité n’est pas obligatoire, d’autre part parce que sa durée est très courte et son caractère non-fractionnable contraignant. Loin de se résumer à des dispositions symboliques, l’allongement du congé paternité comme sa prise obligatoire apparaissent comme des mesures indispensables pour accompagner le changement de regard que nous portons sur le rôle des pères dans la parentalité et celui des femmes au sein de notre société. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi en juin dernier afin de rendre le congé paternité obligatoire et allonger sa durée de 14 à 28 jours.


Manuela Spinelli
Maîtresse de conférences, Université Rennes 2. Co-fondatrice de l’association Parents & Féministes
Pourquoi rendre le congé paternité obligatoire ?

Il est fondamental que le congé paternité – qu’il faudrait commencer à appeler congé deuxième parent – devienne obligatoire.

Tout d’abord le caractère obligatoire permettrait de mettre tous les employés sur un pied d’égalité. Actuellement, en France, plus de 300 entreprises ont déjà signé le « Parental Act », un engagement pour un congé deuxième parent d’un mois rémunéré à 100%. C’est très bien. Mais, qu’en est-il de tous les autres ? Est-il juste que la possibilité d’être présent après la naissance de son enfant dépende de la chance de travailler pour la bonne entreprise, le bon employeur ? Non.

Ensuite le caractère obligatoire permet de protéger les employés d’éventuelles pressions extérieures. Trop souvent les pères renoncent à leurs jours facultatifs par crainte des répercussions que cela pourrait engendrer. L’influence de leur employeur, mais aussi d’une société qui a encore une vision très genrée des rôles parentaux, les poussent à mettre de côté ce moment fondamental pour le développement du bébé.

De plus, le caractère obligatoire rapproche en partie le congé paternité du congé maternité. Aujourd’hui, en France, un congé est déjà obligatoire : celui des mères. Ce sont elles qui, seules, assurent la prise en charge du bébé pendant ses premiers mois. Ce sont elles qui, tout en faisant face à l’épuisement physique et émotionnel, se consacrent entièrement à prendre soin du bébé, ce qui nécessite un apprentissage long et demande beaucoup d’énergie.

Encore aujourd’hui, la gestion de la vie familiale repose majoritairement sur les femmes, considérées comme le parent par défaut. Arrêtons de considérer les pères comme des aidants, commençons à responsabiliser les parents de façon égale !

Allonger et rendre obligatoire le congé deuxième parent permettrait donc de viser l’égalité, au sein du couple bien sûr, mais aussi dans le milieu professionnel. Après l’arrivée du premier enfant, plus d’une femme sur deux arrête de travailler ou réduit son temps de travail , contre 12 % des pères. Encore aujourd’hui, la maternité reste un frein à la carrière pour la plupart des femmes.

Le moment est venu pour que la parentalité repose sur les deux parents de façon égale.

Le moment est venu pour envoyer un message clair : les pères ont un rôle fondamental à jouer au sein du foyer, à côté des mères.

[Sources pour les chiffres : Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, chiffres clés – édition 2016, p. 18 ; INSEE, 2013. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281361]

Le « Contre »

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Stéphanie Pauzat
Vice-Présidente déléguée à la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)
Extension du congé paternité : est-ce une priorité ?

A la CPME, nous estimons que l’allongement du congé paternité est un sujet sociétal important tant au niveau de l’égalité entre les femmes et les hommes qu’en termes d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois, avec la crise économique qui a touché de plein fouet les TPE et PME, il nous semblait nécessaire d’attendre pour mettre cette mesure en œuvre dans de bonnes conditions. Un grand nombre d’entreprises ne savent pas si elles vont surmonter la crise que nous traversons, elles n’ont aucune visibilité à 3 mois. La priorité est donc que les salariés retournent au travail, mais ça n’est certainement pas d’imposer de nouvelles obligations aux chefs d’entreprise. De plus, la mesure va poser des problèmes d’organisation concrets dans les TPE-PME et qui peuvent rester sans solution. Lorsque vous êtes restaurateur, par exemple, que vous avez un cuisinier et que celui-ci vous quitte pendant 28 jours, vous n’aurez pas de solution, à moins d’essayer de compenser à vous seul, si vous avez vous-même ces compétences de cuisinier, son absence pour continuer à faire tourner votre restaurant. D’où la nécessité d’envisager un délai de prévenance en conséquence. Nous estimons également que le choix de prendre ce congé ou non, doit rester à l’initiative des parents, dans le cadre de la liberté individuelle, et ne doit pas être rendu obligatoire. Le fait de fractionner ou non ce congé, doit aussi être une décision qui fait suite à un échange entre le chef d’entreprise et le collaborateur. En effet, les entreprises ne sont pas organisées de la même manière, n’ont pas des tailles identiques, n’ont pas les mêmes problématiques en matière de recrutement de personnel de remplacement selon les secteurs géographiques, y compris dans un même secteur d’activité. Par ailleurs, le congé paternité étant financé par les cotisations patronales familiales, à la CPME, nous redoutons que son allongement alourdisse le coût pour les entreprises. Or, les entreprises ont plus que jamais besoin de ne pas perdre en compétitivité.


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