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Faut-il alléger la fiscalité applicable aux donations ?

📋  Le contexte  📋

Quand vous recevez une donation d’un proche, vous devez verser à l’administration fiscale un impôt appelé droits de donation. Toute donation entraîne, en principe, le paiement de droits de donation mais des abattements s’appliquent. Dans la limite de l’abattement, la donation n’est pas soumise aux droits de donation. Au-delà, un barème sur le montant restant s’applique. 

L’abattement pour donation se renouvelle tous les 15 ans. Cela signifie que 15 ans après la première donation, l’abattement est de nouveau intégralement applicable et il est donc possible de faire une donation en bénéficiant de ce mécanisme.

Le montant de l’abattement et les barèmes sur les droits de donation varient selon le type de bien donné et le lien de parenté existant entre le donateur et le bénéficiaire de la donation. Quelques exemples : si vous recevez une donation en argent de la part de vos parents, vous bénéficiez d’un abattement de 100 000€ (valable pour chacun des parents). Au-delà de cette somme, le barème d’imposition variera entre 5 et 45%. Entre 15 933€ et 552 324€ il est de 20% par exemple. Si la donation vient de vos grands-parents, l’abattement est de 31 865€ avec le même barème. Enfin si c’est votre tonton, l’abattement est de 15 932€ et sur le montant restant, le barème qui s’applique est unique quel que soit le montant : 55%. Pour connaitre tous les cas : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F14203

Au début du mois de mars, le ministre de l’Economie a fait savoir qu’il étudiait différentes pistes afin de mettre à contribution de la relance l’épargne accumulée par les Français pendant la crise du coronavirus (évaluée par certains à près de 200 milliards d’euros) (1). M.Le Maire envisage entre autres un allégement de la fiscalité des droits de donation. Une défiscalisation supplémentaire de 10 000€ ou 20 000€ a été évoquée. Ce dispositif permettrait de porter provisoirement le plafond de droits de donations entre frères et soeur de 7967€ à 10 000 ou 20 000€ par exemple. Entre grand-parents et petits-enfants le plafond maximum passerait de 63 730€ (qui correspondent aux 31 865€ d’abattement auxquels s’ajoutent les 31 865€ de défiscalisation si il s’agit de dons d’argent réalisés par une personne de moins de 80 ans à un petit-enfant majeur) à plus de 70 000 ou 80 000€*. 

Cette proposition, qui sera arbitrée dans les jours qui viennent suscite de vives critiques. Ses opposants jugent notamment qu’elle ne va favoriser que les ménages aisés. Du côté de Bercy, on se défend toutefois de vouloir faire des « cadeaux aux riches ». « Donner quelques milliers d’euros à son petit-fils ou à sa petite-fille, pour moi ce n’est pas une politique pour les riches, c’est une politique de justice pour les classes moyennes, pour la solidarité entre les générations », a estimé le ministre.

Et vous qu’en pensez-vous ?

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faut-il alléger la fiscalité applicable aux successions et aux donations ?
Le « Pour »
Valéria Faure-Muntian
Députée de la Loire, membre de la Commission des Finances
Pour baisser la fiscalité applicable aux donations

2 milliards d’euros (1). C’est la somme qui resterait dans la poche des Françaises et des Français si l’on exonérait la fiscalité autour des petites donations de 10 000 euros. Une somme vitale dans la relance afin d’irriguer l’économie réelle et productive en faveur de nos petites et moyennes entreprises, et pour que nos jeunes traversent la crise. Un an après le début de la crise sanitaire, pouvons-nous, nous permettre de geler le patrimoine ? Résolument non.

87% (2). C’est la proportion de Françaises et de Français qui se déclarent contre une augmentation de la fiscalité sur les donations et les successions, et ce alors que la France est le troisième pays au monde à la fiscalité la plus lourde sur l’héritage. Dans le contexte de crise, non seulement la majorité et le gouvernement, nous sommes engagés à ne pas augmenter les impôts et, outre le plan de relance, nous voulons que nos concitoyens retrouvent la confiance dans l’avenir. Un indispensable pour le rebond de notre économie qui nécessite la stabilité fiscale. Faire planer une hausse de la fiscalité sur ce que nombre de parents transmettent à leurs enfants serait plus que néfaste dans la restauration de la confiance des ménages.

15 sur 35. C’est le nombre de pays membres de l’OCDE qui ont déjà supprimé l’impôt sur l’héritage, sans que ces pays ne soient plus inégalitaires, au contraire ! Alléger la fiscalité sur les donations, c’est d’abord récompenser l’effort, le mérite, le travail, l’initiative, l’esprit d’entreprendre, et surtout laisser à nos concitoyennes et nos concitoyens une liberté et une auto-détermination pleine, totale et entière dans la gestion de leur patrimoine. Après un an de sobriété quant à nos loisirs, je propose de déconfiner le patrimoine, sans tabous, et en particulier en ouvrant la réflexion sur la suppression de la réserve héréditaire.

Désigner l’allégement de la fiscalité sur le patrimoine de « cadeau aux riches », c’est non seulement mettre à l’index, voire culpabiliser celles et ceux qui osent lancer des projets et qui souhaitent, par la suite, transmettre. Mais, c’est surtout méconnaitre notre société, qui vieillit et dont les modèles familiaux sont pluriels. En outre, je rappelle qu’aujourd’hui, les Françaises et les Français héritent à plus de 50 ans en moyenne (3), et le feront à environ 55 ans d’ici à 2040. Nous devons ainsi favoriser la transmission entre vivants afin de dynamiser la circulation des patrimoines et renforcer les solidarités entre les générations.

A celles et ceux qui veulent taxer et confisquer, je propose d’inciter et d’émanciper. Inciter les ménages à transmettre à cette jeunesse ambitieuse et à ces entrepreneurs dévoués, et émanciper nos concitoyens dans l’orientation de leur patrimoine durement acquis vers des causes qui leur tiennent à cœur.

1. : Chiffre évoqué par Bruno Le Maire : https://www.lopinion.fr/edition/economie/donations-succession-debat-capital-240132

2. https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-dt_fiscalite-des-heritages-25janvier2018.pdf

3. http://piketty.pse.ens.fr/files/capital21c/pdf/G11.3.pdf

 

Le « Contre »
Boris Bouzol-Broitman, Camille Herlin-Giret, Samuel Tracol
Economiste, sociologue et historien, membres du laboratoire d’idées Intérêt général
Les donations sont déjà trop défiscalisées, il y a mieux à faire

Les donations sont déjà largement défiscalisées en France. Les enfants peuvent recevoir jusqu’à 100 000 euros de chacun de leurs parents sans avoir à payer d’impôt sur cette donation, avec une remise à zéro du compteur tous les 15 ans. Depuis l’été 2020, les parents peuvent même donner 100 000 euros supplémentaires non imposables à leurs enfants pour créer ou développer leur entreprise, ou pour construire ou rénover leur résidence principale. Pourtant, selon l’Insee, les trois quarts des ménages n’ont jamais reçu de donations et plus de la moitié s’attend à ne jamais recevoir ni héritage, ni donations.

Si les parents ne font pas toujours de donations à leurs enfants, ce n’est donc pas parce que l’imposition serait trop élevée, mais simplement parce qu’ils en ont rarement les moyens. Défiscaliser davantage les donations n’aurait pour conséquence que de créer un effet d’aubaine pour les plus riches et revient donc à aider les dynasties patrimoniales, ces familles où les riches transmettent aux riches. En outre, les donations sont davantage reçues par les jeunes hommes que les jeunes femmes, comme le montrent les travaux de Céline Bessière et Sibylle Gollac. Cette réforme serait donc doublement injuste, aggravant les inégalités de richesse déjà béantes dans notre société.

Par ailleurs, l’efficacité économique d’une telle mesure est hasardeuse : à l’heure de la crise sanitaire où les familles modestes s’accumulent auprès des associations d’aide alimentaire et où l’épargne des ménages aisés explose, il est d’autant plus urgent de redistribuer et de relancer l’activité. Les jeunes héritiers qui bénéficieraient de ces donations supplémentaires ne  consommeraient pas ce nouvel afflux d’épargne mais continueraient à augmenter leur patrimoine.

Comme nous le proposons dans la note du laboratoire d’idées Intérêt général « Pour casser les dynasties patrimoniales, inventer l’héritage tout au long de la vie » (février 2021), harmoniser le système de fiscalité des donations et des héritages est une priorité d’efficacité économique et de réduction des inégalités. Comme le système en vigueur en Irlande, il s’agit de considérer l’ensemble des sommes reçues au cours d’une vie par une même personne. Elles seraient exonérées d’impôt jusqu’à 117 000 euros (patrimoine net médian) puis taxées progressivement au-delà. Ce barème progressif permettrait de récolter des recettes fiscales supplémentaires, de façon à les redistribuer à la jeunesse durement frappée par la crise. Plutôt que d’aider les fils de bonne famille, rendons aux jeunes femmes et hommes les moyens de vivre dignement.

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