📋 Le contexte 📋
Il est de coutume que l’Alsace et le Sud-Ouest se disputent la création de la recette traditionnelle du foie gras. Pourtant, son origine est bien plus ancienne et lointaine. Des paysans vivant à proximité du Nil en Égypte auraient été les premiers à gaver des oies après avoir observé qu’avant leur migration, ces oiseaux mangeaient plus qu’à l’accoutumée. Mais la première recette de foie gras date de l’Empire romain. Au fil du temps, le foie gras traverse les frontières et arrive en France au cours du 17e et du 18e siècle. Des régions comme le Sud-Ouest commencent à développer de nouvelles exploitations, dont celles des palmipèdes. Puis, au 19ᵉ siècle, les grandes « maisons » de foie gras apparaissent, et des villes se mettent à accueillir des « marchés au gras », qui pour certains sont toujours en activité aujourd’hui. De nouveaux procédés permettant de mieux conserver le foie gras voient également le jour et ce produit commence à parcourir la France. Depuis 2006, il est même reconnu comme faisant partie de notre patrimoine culturel et gastronomique par l’article 654-27-1 du Code rural.
La France est aujourd’hui le premier pays producteur de foie gras. Selon le CIFOG, 80% de la production mondiale provient de l’Hexagone. En 2019, 16 500 tonnes de foie gras ont été produites, puis 14 400 tonnes en 2020 et 11 600 tonnes en 2021. Néanmoins, avec la présence de la grippe aviaire cette année, on note une baisse de 30 à 35% de la production nationale, et en parallèle une hausse de 25% de son prix. Depuis 2015, plusieurs vagues « d’influenza aviaire » ont été constatées et impactent durement la filière française. Chaque épisode pandémique entraîne de nouvelles mesures de biosécurité pour tenter de casser la chaîne d’infection.
Pour autant, le foie gras est toujours présent pendant les repas de Noël des Français. Selon une enquête réalisée par l’Institut CSA pour le CIFOG, 67% des Français vont consommer ce met durant les fêtes de 2022. En 2019, la consommation de foie gras s’élevait à 227 grammes par habitant. Cet attrait pour le foie gras engage près de 70 milliards d’euros pour la filière française, qui regroupe près de 100 000 emplois directs et indirects. Mais certaines villes dirigées par des élus écologistes, comme Lyon, Strasbourg et Grenoble, ont exclu le foie gras de leurs événements en 2021, dénonçant un mode de production incompatible avec le bien-être animal.
Après avoir été élevés pendant onze à quatorze semaines, les palmipèdes gras (oie, canard) sont gavés deux à trois fois par jour durant environ quinze jours (une période qui peut s’élever à vingt jours pour les oies). Les palmipèdes mâles ont la capacité naturelle de stocker des matières grasses dans leur foie en vue de la migration. Les aviculteurs utilisent cette disposition en les gavant à la main ou mécaniquement avec un tube appelé « embuc ». Ce dernier permet de déposer la nourriture directement dans le jabot (une poche située dans l’œsophage). À la suite de cette période de gavage, les palmipèdes sont envoyés à l’abattoir. Si on gave en majorité des mâles, par manque d’effectifs cette année, des canes ont été exploitées.
Pour Julien Mora, éleveur de canards, membre du MODEF et interviewé par Reporterre, « sur les 20 à 22 millions de canards élevés pour faire du foie gras, un tiers sont des canes ». À l’origine, les canes étaient gardées pour leur chair et les canards pour leur foie. Puis, avec l’élevage industriel, les mâles ont été privilégiés, et les femelles canetons ont été majoritairement exportées hors de la France, ou broyées, comme le rapporte une enquête de L214. Cet attrait pour les cannes constitue donc une exception, étant donné que le foie gras de canne ne peut prétendre à l’IGP « Canard à foie gras du Sud-Ouest » ou au Label Rouge. Certains, comme Marcel Metzler, tentent de faire évoluer la pratique en nourrissant différemment leurs oies, mais pour le moment, le gavage est obligatoire pour que le produit reçoive l’appellation foie gras. Les défenseurs du bien-être animal dénoncent ainsi depuis de longues années les pratiques de la filière française du foie gras, qu’ils estiment cruelles. Face à eux, les défenseurs de ce produit mettent en avant le travail traditionnel des aviculteurs et producteurs, et les capacités naturelles de ces oiseaux à se gaver.
🕵 Le débat des experts 🕵
Face à des grippes aviaires sans fin et des abattages massifs, sans parler d’une opposition toujours croissante à la cruauté du gavage, qui n’a sa place dans aucune société civilisée, le foie gras est voué à disparaître. Au lieu de s’entêter à subventionner cette industrie en déclin, notre gouvernement devrait aider les producteurs à faire la transition vers une production éthique et durable.
Des oiseaux violemment gavés, des canetons jetés à la poubelle
Le bien-être animal est un sujet de société primordial et personne ne peut nier en bonne conscience que le fait de confiner, manipuler, gaver puis tuer des oiseaux est contraire au respect de ces êtres sensibles.
Pour produire le foie gras, des oies et des canards passent les deux dernières semaines de leur vie à être gavés de force : on les enferme dans des cages ou des enclos et deux à trois fois par jour, les palmipèdes se font enfoncer un tube métallique au fond de la gorge par lequel sont déversées d’immenses quantités de bouillie.
L’objectif est de rendre leur foie malade (provoquant une stéatose hépatique), le faisant gonfler jusqu’à atteindre dix fois sa taille normale. Distendu, il comprime alors les poumons et autres organes des oiseaux, qui peinent à respirer et à se déplacer. Certains sont si malades qu’ils n’arrivent plus à se tenir debout. Ils sont tout de même attrapés et soumis au gavage.
Une pratique illégale au regard du droit européen
Le gavage est si cruel qu’il est interdit dans de très nombreux pays, dont techniquement dans l’Union européenne. L’article 14 d’une directive de 1998 concernant la protection des animaux dans les élevages de l’UE stipule qu’« aucun animal n’est alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles ».
Des canetons jetés vivants à la poubelle
Le gavage n’est pas la seule pratique moralement abjecte du secteur du foie gras. Chez les canards, seuls les mâles sont utilisés, et les femelles sont donc quasiment toutes « éliminées » à un jeune âge. Dans une exploitation dont L214 a diffusé des images (1), elles étaient jetées vivantes à la poubelle, pour y agoniser lentement.
Et comme le révèle une enquête diffusée par PETA (2), les animaux survivants finissent à l’abattoir, suspendus la tête en bas et égorgés. Certains sont mal étourdis et tentent encore de se débattre pendant qu’ils se vident lentement de leur sang.
Des grippes aviaires à répétition
L’épisode de grippe aviaire qui s’abat actuellement sur la France n’est que le dernier en date d’un catalogue de crises qui se produisent de plus en plus régulièrement. Depuis 2000, plus de 122 millions d’oiseaux ont été abattus en France dans le cadre de tentatives de lutte contre la grippe aviaire. Bien sûr, ces animaux étaient de toute façon voués à une mort terrifiante pour que leur foie, leur chair et leurs plumes servent des intérêts humains.
Un secteur en déclin, une transition nécessaire
Alors que 71 % des Français (3) sont favorables à l’interdiction du gavage des canards et des oies, et que les producteurs français sont en grande difficulté depuis des années, il est indéniable que la production de foie gras doit s’éteindre, pour faire place à une production sans animaux, durable et sans grippe aviaire.
Doit-on arrêter le foie gras ?
Non, car l’élevage des canards et des oies pour produire du foie gras repose sur les caractéristiques naturelles et anatomiques des palmipèdes et leur capacité à stocker des graisses dans leur foie
Non, car le foie gras fait partie du patrimoine culturel de la France et participe à la renommée mondiale de la gastronomie française depuis 2006.
Non, car la filière permet de faire vivre 30 000 familles et de maintenir des emplois dans les territoires ruraux.
Non, car le savoir-faire de cette production se perpétue de génération en génération et s’adapte en permanence aux attentes sociétales.
Respecter les caractéristiques naturelles
La production de Foie Gras s’appuie sur l’élevage des canards et des oies, en respectant leurs caractéristiques naturelles et leur bien-être : les animaux sont élevés pendant trois mois avec un accès à un parcours extérieur, arborés. Les éleveurs sont formés et respectent les différents cahiers des charges afin de garantir une qualité de produits dignes de ce produit d’excellence (Foie Gras de France, IGP Sud-Ouest, Label Rouge).
Pendant la dernière phrase d’élevage, vers l’âge de 2,5 mois, les canards et oies sont préparés à l’engraissement en passant d’une alimentation à volonté à une alimentation par repas : le comportement glouton des canards développe le jabot à la base de l’œsophage, qui leur servira de réserve.
Cette phase stimule leur fonction digestive et les préparent à la phase d’engraissement, qui dure 10 à 12 jours et au cours de laquelle les éleveurs les alimentent manuellement deux fois par jour à l’intérieur.
L’élevage de canards et d’oies permet d’obtenir du foie gras, mais également de nombreux produits alimentaires : le Magret, avec de riches qualités nutritionnelles, le confit et les aiguillettes. D’ailleurs, ces produits ont une dénomination protégée par décret.
Le foie gras fait rayonner l’art culinaire français
Les hommes et femmes sont omniprésents de l’élevage à la préparation du produit final. Dû au savoir-faire de chaque maillon de la filière, leur implication, leur attention aux animaux, le foie gras est entré au patrimoine culturel et gastronomique français depuis 2006. Il fait rayonner l’art culinaire français sur les tables des consommateurs et des restaurants, étant un met que l’on partage.
L’ancrage de la filière foie Gras dans les territoires ruraux français permet de faire vivre plus de 30 000 familles, de valoriser les terres agricoles, d’avoir un impact économique avec les entreprises de transformation. C’est tout un écosystème qui s’est construit depuis de nombreuses années.
Chaque filière, dont la filière foie gras, permet de bâtir et de maintenir cette agriculture française forte et admirée par sa diversité.